On ne se refait pas. En bout de course dans le
Groupe SHB et désireux de changer d'air, Guy Delubac n'a pas totalement abandonné ce qui
fut son horizon professionnel pendant plus de vingt ans. Dans un premier temps, son
contrat terminé, il envisagea de racheter un hôtel dans le Midi. Mais si ce Relais du
Silence lui semblait d'un bon potentiel, ses arguments ne furent pas suffisamment
séduisants pour convaincre les banquiers.
Alors Guy Delubac a repris à son compte, et en solo, une idée jadis évoquée avec
Christian Lameloise, p.-d.g. du Groupe SHB : la fourniture du pain et des viennoiseries,
pour restaurateurs et hôteliers las des approximations et soucieux de miser sur la
qualité.
« A Lyon, Christian Lameloise, Jean Mayu (Groupe Partouche) et Gérard Choudin (Accor)
m'ont encouragé et ont donné leur confiance à mon projet », dit-il.
Après une étude de marché très approfondie - deux mois et demi d'enquête auprès de
60 établissements représentatifs du marché (hôtels, restaurants, cliniques) pour
connaître, sur la base d'un questionnaire précis leurs attentes en la matière -, Guy
Delubac a monté le dossier du Fournil des Saveurs et l'a présenté aux banquiers.
L'écoute a été meilleure et le soutien conjoint de la Banque Populaire, du Crédit
Mutuel, de la BNP Lease et de Sofaris garantissant les prêts à 70 %, lui ont permis de
rassembler, en remboursement sur 7 ans, 1,60 MF (HT) des 2,50 MF (HT) nécessaires pour
démarrer.
Le reste, c'est son apport personnel - il est majoritaire à 99,4 % de sa société (1) -,
assorti des 200 000 francs à 0 % et remboursables après trois ans d'activité, octroyés
par Rhône-Alpes Entreprendre que son idée a su séduire... L'idée ? L'implantation d'un
parc de trente machines dans un vaste bâtiment de 540 m2, où toutes les opérations de
préparation et cuisson sont visibles par les visiteurs. Implanté dans le huitième
arrondissement à proximité des grands axes de circulation, il est stratégiquement
situé à une dizaine de minutes de la clientèle démarchée sur Lyon et le Grand Lyon.
« Je ne veux prendre aucun client au-delà de 20 minutes ou 20 kilomètres. Ensuite,
c'est trop difficile à maîtriser », explique Guy Delubac qui se charge du
démarchage, argumentant sur l'avantage des trois tournées quotidiennes programmées de 4
à 7 heures, de 9 heures 30 à 11 heures et de 15 heures à 16 heures 30.
« Avec une cinquantaine de références, qu'il s'agisse de viennoiseries, de
mini-viennoiseries, de cakes ou de pains, nous proposons une gamme pratiquement
illimitée. Neuf emplois, dont trois en temps partiel, ont été crées : cinq boulangers,
trois livreurs et une assistante qui se charge de centraliser les commandes. Malgré des
volumes traités importants - actuellement près de 6 000 pièces par jour -, nous
travaillons dans la tradition : pain sur levain liquide, pousse lente et, au contraire de
beaucoup d'industriels, pas de surgélation. Nous utilisons une farine haut de gamme, du
beurre d'Appellation contrôlée pour offrir une viennoiserie de qualité supérieure,
qu'il s'agisse de la « tradition » ou de la« prestige » avec
davantage de beurre. Issu de l'hôtellerie et de la restauration, je connais les besoins
de ce secteur : j'ai donc engagé un bon boulanger qui sait s'adapter aux besoins de cette
clientèle et s'ouvrir vers
l'extérieur. »
Ce souci permanent s'est avéré payant. Alors que Guy Delubac a fixé le seuil
d'équilibre à une trentaine d'établissements à l'année pour un CA de 3,60 MF (HT), il
revendique depuis son ouverture le 6 novembre 98, une douzaine de clients réguliers...
dont les Wagons-Lits qui représentent le potentiel de cinq ou six établissements !
« C'est bien, même si on souhaite toujours que tout aille très vite », admet
volontiers Guy Delubac qui n'a jamais éprouvé le moindre regret de s'être lancé dans
cette nouvelle aventure. Serait-ce le cas, quelques réflexions le conforteraient dans le
bien- fondé de sa démarche.
« Les clients utilisant les Wagons-Lits ont noté le changement et admettent
désormais qu'ils peuvent prendre leur petit-déjeuner dans le train », lui a confié
un responsable.
« Avant nous avions un retour de viennoiserie de 50 % sur les plateaux du
petit-déjeuner. Désormais non seulement rien ne revient, mais nous allons devoir
augmenter les commandes », lui a glissé la responsable des petits-déjeuners d'un
hôtel de Lyon.
De quoi envisager l'avenir - qui passait par une présence au Sirha où il a fait
découvrir ses produits -, avec optimisme ! *
(1) Pour l'heure une SARL, forme juridique permettant un dégrèvement des charges sur les premiers salariés embauchés pendant deux ans. Elle deviendra alors une SA.
Guy Delubac, créateur et gérant majoritaire du Fournil des Saveurs.
Une gamme complète et variée.
Un vrai boulanger qui sait s'adapter à la clientèle.
L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999