Qu'est-ce que le rhum agricole ? Un alcool issu de
la distillation de « vesou fermenté » (le jus pur et frais de canne à sucre).
Contrairement au rhum industriel qui est élaboré à partir de mélasse (résidu sirupeux
qui provient de l'extraction préalable du sucre). Un métropolitain, touché de plein
fouet par la beauté de l'alcool, donna un jour cette définition du rhum agricole : « Il
sent la canne fraîche, il a le goût du soleil et des azilés, et exhale des arômes de
vanille, de poivre et de cannelle, il est gras en bouche, il a de la longueur, de la
rondeur... » C'est de la « sensualité à l'état pur », ajouta-t-il.
« L'histoire du rhum en Martinique est directement liée à celle de la canne à sucre
», rappelle le Coderum*. Introduites aux Antilles par Christophe Colomb, les premières
cannes à sucre sont en effet plantées en Martinique en 1638. Si les colons en font la
culture pour le sucre, la mélasse qui résulte sert traditionnellement d'engrais ou de
nourriture pour les bêtes. Mais la mélasse fermente au soleil. En la distillant, les
populations locales fabriquent alors le tafia. Mais ce n'est qu'à la fin du XVIIIe
siècle que le « vin de canne » deviendra rhum. Si deux versions s'opposent quant à
l'apparition du mot rhum, c'est bien le Père Labat, prêtre, commerçant, explorateur qui
inventa le procédé de fabrication du rhum en mariant notamment les colonnes de
distillation en cuivre utilisées sur place et les méthodes de distillation pratiquées
sur le continent. En 1803, Napoléon va signer le premier décret d'exportation du rhum.
« Le début de sa mondialisation », souligne-t-on.
La réglementationPour avoir droit à l'appellation Martinique, les parcelles de cannes à sucre doivent entrer dans l'aire de production délimitée par l'INAO en 1996. Toutes les variétés de cannes ne sont pas utilisables. En outre, « les techniques de plantation et d'entretien des cultures de canne doivent être conformes aux usages locaux ». L'irrigation, par exemple, est limitée à une période maximum de quatre mois suivant la date de coupe ou de plantation. « Toute pratique d'épandage de substances sur les cannes en vue de favoriser leur maturation est interdite. » Et « sont autorisées les récoltes avec ou sans brûlage par des moyens manuels ou mécaniques ». L'aire de production porte sur vingt-trois communes. La matière première, le procédé d'extraction du jus de canne, les colonnes de distillation, la fermentation comme le titre alcoométrique volumique sont réglementés. « Les rhums revendiqués en AOC Martinique doivent entrer dans l'une des catégories suivantes : soit ne présenter aucune coloration et avoir satisfait à une préparation minimum de trois mois après la distillation. » Dans ce cas la mention « blanc » doit figurer sur l'étiquette. Il n'y a alors pas de vieillissement en bois. Seconde possibilité : le rhum élevé sous bois. La durée de mise en élevage sous bois doit être alors de douze mois minimum sans interruption. Il puise sa couleur dans le bois uniquement (l'ajout de caramel est interdit). Quant à la mention « vieux », elle implique que les rhums doivent vieillir dans l'aire de production, avec un minimum de trois ans en fûts de chêne (des fûts de moins de 650 litres). Un rhum AOC ne peut titrer moins de 40° d'alcool. |
Au cur des distilleries
Le rhum agricole est un rhum de distillerie, non de sucrerie. Ces distilleries qui le
défendent et grâce auxquelles l'AOC a pu voir le jour, se comptent aujourd'hui sur les
doigts de la main. Toutes s'inscrivent dans l'authenticité, dans la recherche de qualité
même s'il est toujours complexe de parler tradition dans les îles.
En métropole, vendanger la vigne à la machine est souvent, dans l'esprit, une insulte
faite au vin. En Martinique, couper la canne à la main reste, quelque part, un outrage
fait à l'homme.
Difficile également de dessiner en quelques lignes la personnalité de ces distilleries.
Il y a la culture de la canne d'un côté avec, pour certains, des terrains en propre. Il
y a le travail de distillation et la commercialisation de l'autre. La distillerie Dillon,
filiale de La Martiniquaise Bardinet et dont la création remonte à 1779, s'approvisionne
auprès de 80 planteurs situés au centre et dans le sud de la Martinique. La canne se
négocie ici autour de 500 F la tonne... la canne martiniquaise est en effet une des plus
chères du monde. Production annuelle : 1,5 million de litres à 55° vol. 10 % sont
réservés pour la production de rhums vieux et très vieux.
La Mauny, premier fabricant de rhum martiniquais, dépasse les deux millions de litres et
emploie 140 personnes, en dehors des saisonniers. Un tiers des cannes proviennent des
propriétés La Mauny, les deux autres tiers sont achetés à des planteurs. Des chiffres
qui pourraient impressionner Claudine Vernant-Neisson dont l'unité familiale atteint tout
juste 360 000 litres par an. Ce n'est pas le cas. Le rhum agricole blanc Neisson a reçu
la médaille d'or 1997 du concours agricole à Paris et les amateurs sont fidèles,
génération après génération. Autre gardien de l'artisanat et du rhum vieux : JM dont
l'habitation se trouve au pied de la montagne Pelée. Présenté dans un flacon dont la
forme est la même qu'au siècle dernier, le rhum JM s'inscrit dans les lignées des
grands digestifs. Le rhum Trois Rivières, dont le nom est déjà synonyme de qualité en
métropole, vous réserve sur place une autre surprise : une gamme étendue de millésimes
pour ses rhums vieux. A Saint-Pierre, la distillerie Depaz s'enorgueillit de deux
réserves spéciales millésimées 1929 et 1950. Autres noms du rhum agricole : La
Favorite, élaborée par la distillerie des Lamentinois. Saint-James, qui bénéficie
d'une excellente notoriété auprès des barmen de l'Hexagone. Un détour par le musée du
Rhum Saint-James à Sainte-Marie s'impose. Et Clément, dont l'Habitation a été classée
monument historique en 1995.
* Le Coderum rassemble les producteurs de rhum agricole et son siège se situe à Fort-de-France.
Claudine Vernant-Neisson veille aujourd'hui avec son fils sur la distillerie
Neisson. Un rhum agricole de tradition artisanale.
Cet homme est un des principaux planteurs qui fournit aujourd'hui la distillerie
Dillon.
Le rhum Les Trois Rivières décline également une gamme de rhums vieux
millésimés.
Le musée du rhum Saint-James : incontournable.
Hubert Duschamp de Chastaigné gère une société agricole familiale dans laquelle
entre la distillerie JM.
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Points de repèren LE TI'PUNCH : trois
mesures de rhum blanc, une mesure de sirop de sucre de canne, un zeste de citron vert,
avec ou sans glace, dans un verre givré au sucre. |
Leurs distributeurs en métropoleù Rhum Saint-James, Champadis
France/Sovedi France, 36, rue de Picpus, 75012 Paris. Tél. : 01 40 19 71 00. |
L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999