Actualités

LICENCE IV
Produit

Savoir-faire

Le rhum agricole de Martinique

Le rhum, tout le monde connaît. Mais peu le connaissent. Rhétorique de comptoir ? Que nenni. En Martinique, le rhum bénéficie même depuis trois ans de l'AOC, la première d'outre-mer. Rien à voir avec l'alcool qui parfume certains desserts. Une dizaine de distilleries portent aujourd'hui le flambeau de ce savoir-faire né dans les champs de cannes. Notion essentielle : il s'agit ici de rhum agricole. Ti lagoutte mon frère !

Par Sylvie Soubes

Qu'est-ce que le rhum agricole ? Un alcool issu de la distillation de « vesou fermenté » (le jus pur et frais de canne à sucre). Contrairement au rhum industriel qui est élaboré à partir de mélasse (résidu sirupeux qui provient de l'extraction préalable du sucre). Un métropolitain, touché de plein fouet par la beauté de l'alcool, donna un jour cette définition du rhum agricole : « Il sent la canne fraîche, il a le goût du soleil et des azilés, et exhale des arômes de vanille, de poivre et de cannelle, il est gras en bouche, il a de la longueur, de la rondeur... » C'est de la « sensualité à l'état pur », ajouta-t-il.
« L'histoire du rhum en Martinique est directement liée à celle de la canne à sucre », rappelle le Coderum*. Introduites aux Antilles par Christophe Colomb, les premières cannes à sucre sont en effet plantées en Martinique en 1638. Si les colons en font la culture pour le sucre, la mélasse qui résulte sert traditionnellement d'engrais ou de nourriture pour les bêtes. Mais la mélasse fermente au soleil. En la distillant, les populations locales fabriquent alors le tafia. Mais ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle que le « vin de canne » deviendra rhum. Si deux versions s'opposent quant à l'apparition du mot rhum, c'est bien le Père Labat, prêtre, commerçant, explorateur qui inventa le procédé de fabrication du rhum en mariant notamment les colonnes de distillation en cuivre utilisées sur place et les méthodes de distillation pratiquées sur le continent. En 1803, Napoléon va signer le premier décret d'exportation du rhum. « Le début de sa mondialisation », souligne-t-on.

La réglementation

Pour avoir droit à l'appellation Martinique, les parcelles de cannes à sucre doivent entrer dans l'aire de production délimitée par l'INAO en 1996. Toutes les variétés de cannes ne sont pas utilisables. En outre, « les techniques de plantation et d'entretien des cultures de canne doivent être conformes aux usages locaux ». L'irrigation, par exemple, est limitée à une période maximum de quatre mois suivant la date de coupe ou de plantation. « Toute pratique d'épandage de substances sur les cannes en vue de favoriser leur maturation est interdite. » Et « sont autorisées les récoltes avec ou sans brûlage par des moyens manuels ou mécaniques ». L'aire de production porte sur vingt-trois communes. La matière première, le procédé d'extraction du jus de canne, les colonnes de distillation, la fermentation comme le titre alcoométrique volumique sont réglementés. « Les rhums revendiqués en AOC Martinique doivent entrer dans l'une des catégories suivantes : soit ne présenter aucune coloration et avoir satisfait à une préparation minimum de trois mois après la distillation. » Dans ce cas la mention « blanc » doit figurer sur l'étiquette. Il n'y a alors pas de vieillissement en bois. Seconde possibilité : le rhum élevé sous bois. La durée de mise en élevage sous bois doit être alors de douze mois minimum sans interruption. Il puise sa couleur dans le bois uniquement (l'ajout de caramel est interdit). Quant à la mention « vieux », elle implique que les rhums doivent vieillir dans l'aire de production, avec un minimum de trois ans en fûts de chêne (des fûts de moins de 650 litres). Un rhum AOC ne peut titrer moins de 40° d'alcool.

Au cœur des distilleries

Le rhum agricole est un rhum de distillerie, non de sucrerie. Ces distilleries qui le défendent et grâce auxquelles l'AOC a pu voir le jour, se comptent aujourd'hui sur les doigts de la main. Toutes s'inscrivent dans l'authenticité, dans la recherche de qualité même s'il est toujours complexe de parler tradition dans les îles.
En métropole, vendanger la vigne à la machine est souvent, dans l'esprit, une insulte faite au vin. En Martinique, couper la canne à la main reste, quelque part, un outrage fait à l'homme.
Difficile également de dessiner en quelques lignes la personnalité de ces distilleries. Il y a la culture de la canne d'un côté avec, pour certains, des terrains en propre. Il y a le travail de distillation et la commercialisation de l'autre. La distillerie Dillon, filiale de La Martiniquaise Bardinet et dont la création remonte à 1779, s'approvisionne auprès de 80 planteurs situés au centre et dans le sud de la Martinique. La canne se négocie ici autour de 500 F la tonne... la canne martiniquaise est en effet une des plus chères du monde. Production annuelle : 1,5 million de litres à 55° vol. 10 % sont réservés pour la production de rhums vieux et très vieux.
La Mauny, premier fabricant de rhum martiniquais, dépasse les deux millions de litres et emploie 140 personnes, en dehors des saisonniers. Un tiers des cannes proviennent des propriétés La Mauny, les deux autres tiers sont achetés à des planteurs. Des chiffres qui pourraient impressionner Claudine Vernant-Neisson dont l'unité familiale atteint tout juste 360 000 litres par an. Ce n'est pas le cas. Le rhum agricole blanc Neisson a reçu la médaille d'or 1997 du concours agricole à Paris et les amateurs sont fidèles, génération après génération. Autre gardien de l'artisanat et du rhum vieux : JM dont l'habitation se trouve au pied de la montagne Pelée. Présenté dans un flacon dont la forme est la même qu'au siècle dernier, le rhum JM s'inscrit dans les lignées des grands digestifs. Le rhum Trois Rivières, dont le nom est déjà synonyme de qualité en métropole, vous réserve sur place une autre surprise : une gamme étendue de millésimes pour ses rhums vieux. A Saint-Pierre, la distillerie Depaz s'enorgueillit de deux réserves spéciales millésimées 1929 et 1950. Autres noms du rhum agricole : La Favorite, élaborée par la distillerie des Lamentinois. Saint-James, qui bénéficie d'une excellente notoriété auprès des barmen de l'Hexagone. Un détour par le musée du Rhum Saint-James à Sainte-Marie s'impose. Et Clément, dont l'Habitation a été classée monument historique en 1995.

* Le Coderum rassemble les producteurs de rhum agricole et son siège se situe à Fort-de-France.


Claudine Vernant-Neisson veille aujourd'hui avec son fils sur la distillerie Neisson. Un rhum agricole de tradition artisanale.


Cet homme est un des principaux planteurs qui fournit aujourd'hui la distillerie Dillon.


Le rhum Les Trois Rivières décline également une gamme de rhums vieux millésimés.


Le musée du rhum Saint-James : incontournable.


Hubert Duschamp de Chastaigné gère une société agricole familiale dans laquelle entre la distillerie JM.

_______ De la canne au rhum _______

1.jpg (7331 octets)
La canne à sucre arrivée à maturité atteint plus de 2 mètres de haut.

2.jpg (6883 octets)
La récolte de canne à sucre a lieu de janvier à juillet en Martinique.

3.jpg (8130 octets)
Après avoir été récoltées, les tiges doivent être rapidement acheminées dans les distilleries pour être traitées.

4.jpg (9400 octets)
Les tiges de canne à sucre sont coupées avant d'être broyées.

5.jpg (8250 octets)
Le jus de canne ou vesou est extrait des tiges par broyage de la tige.

6.jpg (8184 octets)
Les machines utilisées en Martinique pour extraire le jus fonctionnent toujours à la vapeur.

7.jpg (7444 octets)
Les grandes roues des machines à vapeur tournent pendant la période de récolte uniquement.

8.jpg (6828 octets)
Après avoir été transféré dans des cuves de fermentation, le vesou, devenu vin de canne, est ensuite distillé dans une colonne créole.

 

Points de repère

n LE TI'PUNCH : trois mesures de rhum blanc, une mesure de sirop de sucre de canne, un zeste de citron vert, avec ou sans glace, dans un verre givré au sucre.
n LE PLANTEUR : deux mesures de rhum blanc ou ambré, une mesure de sirop de sucre de canne, six mesures de jus d'orange, avec glace, dans un verre haut.
n LE CRS : citron pressé, rhum et sucre.
n LE BOIS-LÉ-LÉ : les pousses de cet arbre se terminent par un rameau de 5 branches. Ces pousses sont utilisées pour homogénéiser dans les verres rhum agricole et sirop de sucre.

 

Leurs distributeurs en métropole

ù Rhum Saint-James, Champadis France/Sovedi France, 36, rue de Picpus, 75012 Paris. Tél. : 01 40 19 71 00.
ù Rhum La Mauny, Marie-Brizard et Berger Diffusion, Technobruges, Chemin de la Hutte, BP 80, 33523 Bruges Cedex. Tél. : 05 56 11 84 84.
ù Rhum Trois Rivières, Saint-Raphaël Grant, 11, rue Rolland, 93400 Saint-Ouen. Tél. : 01 49 45 49 20.
ù Rhum Dillon, Bardinet SA Domaine de Fleurenne, 33290 Blanquefort. Tél. : 05 56 35 84 85.
ù Rhum Depaz, Slaur, 192 rue de la Vallée, 76600 Le Havre. Tél. : 02 35 25 70 70.
Et Auxil, Fatima, Saint-Geours de Maremne, 40230 Saint-Vincent de Tyrosse. Tél. : 05 58 57 30 40.

ù Rhum Saint-Etienne, Valois & Cie, RN 15, Parc de l'Estuaire, rue Ferme d'Ambuc, BP 300, 76700 Gonfreville l'Orcher. Tél. : 02 35 13 05 30.
Et la Guildive, 3, place de la Gare, BP 35, 36015 Châteauroux Cedex.

ù Clément, Rothschild France Distribution, 64 bis, rue de la Boétie, 75008 Paris. Tél. : 01 44 13 20 20.
ù Rhum JM Maxi Sec, 27, rue de Lille, Bât. E4, PLA 143, 94587 Rungis Cedex. Tél. : 01 45 60 40 78.
Et Masseron & Savage, 183, bd Voltaire, 75011 Paris. Tél. : 01 43 72 25 90.

ù Rhum Neisson, Délices d'outre-mer, 2, rue du Travy, Zone Slena 718-F, 94657 Thiais. Tél. : 01 49 79 09 10.

Adresses


L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration