Du pain « fait maison »
Quand je me suis installé à Paris, j'ai décidé de fabriquer moi-même mon pain, tout
simplement parce j'aime le bon pain et que le meilleur boulanger du quartier, trop
débordé par sa clientèle, a refusé de m'approvisionner. J'ai pu prendre cette
décision parce que j'ai appris à faire le pain entre autres chez Senderens, Troisgros,
Jacques Cagna... mais aussi auprès d'un ami boulanger. J'ajoute que fabriquer mon pain me
permet de faire des économies. Je dépense en une semaine de fabrication ce que me
coûterait mon pain en une journée. Je ne fais qu'une sorte de pain : du gros pain à
trancher qui me demande moins de temps de fabrication. J'en fais le matin et
l'après-midi. Je veux que chez moi le pain soit servi tiède en permanence alors, quand
il est froid, je le passe au four afin qu'il retrouve tout le croustillant que je
souhaite. Tout ceci demande une très bonne organisation et je n'ai pas le droit d'être
trop longtemps absent de mon restaurant. J'achète ma farine auprès des Grands Moulins de
Paris que j'ai connus chez Jacques Cagna. C'est un accord spécial parce que mes 50 kg de
farine par semaine, c'est un coup de balai dans la cuve. Ils m'ont conseillé dans ma
sélection. En échange du service qu'ils me rendent, je leur donne mon avis sur des
farines qu'ils veulent tester.
Du pain précuit chez un boulanger artisan
Nous achetons notre pain, du pain individuel au froment et au levain, à la Boulangerie
Kayser. Mais ce pain n'est pas fini de cuire, il se présente sous la forme de pâtons
précuits dont nous terminons la cuisson, dans un four à pain, en une dizaine de minutes
au moment du service. Cette solution nous permet de servir des pains tièdes et
croustillants et de résoudre les problèmes de livraisons. Nous n'avons pas besoin
d'être livrés en fin de matinée comme le souhaitent tous les restaurateurs pour
recevoir du pain tiède. Nous, nous pouvons être livrés plus tôt. Nous achetons ce pain
environ 1,80 F pièce.
Du pain frais d'un boulanger-artisan renommé
Pour servir du bon pain à nos clients, nous avons choisi, Alain Fontaine et moi, de faire
confiance à un excellent boulanger, en l'occurrence Jean-Luc Poujauran. J'ai appris à
faire le pain chez les étoilés Michelin mais quand je me suis installé j'ai estimé que
je n'aurais pas le temps de le faire. Je préfère me concentrer sur la cuisine. Nous ne
proposons que le pain en boule « Napoléon » et deux sortes de pains pour le fromage :
un pain raisins/noisettes et un pain aux figues. Dans notre bistrot le Baracane, nous
servons un pain de campagne tranché au dernier moment. Nous pouvons présenter le restant
de ce pain le lendemain en début de service parce que nous savons bien le conserver. Je
veux faire remarquer qu'un pain bien fait à la base puis bien conservé peut être très
bon plusieurs heures après sa fabrication. Même les boules individuelles que nous livre
Poujauran chaque jour vers 10 h 30/11 h sont bonnes à déguster le soir. Nos clients sont
satisfaits de la qualité du pain que nous leur servons et ils nous le disent.
Du pain surgelé de fabrication industrielle
Mon restaurant de 60 couverts est situé dans une petite commune du Beaujolais. Dans cette
région, on compte un boulanger pour trois communes. Les boulangers partent en camionnette
dans les villages pour vendre leur pain. Malgré toutes mes recherches, je ne suis pas
arrivé à trouver un boulanger capable de me livrer du pain frais et très bon. Je me
suis demandé si je ne devais pas fabriquer mon pain moi-même mais je me suis rendu
compte que je ne pouvais pas tout faire. C'est un gros problème pour les restaurateurs
qui habitent à la campagne. Un jour, j'ai décidé de tenter le coup avec du pain
précuit surgelé. La société Edna qui me fournit ce pain fait le bonheur de mes
clients. Je le fais cuire avant le service. Pendant les repas, je le garde bien au chaud
au-dessus du four. Je sers donc à mes clients le pain tiède qu'ils apprécient. Je
propose trois variétés de pains. En moyenne, mes clients mangent trois petits pains
individuels. Une table sur deux me félicite sur la qualité du pain. Mieux vaut faire du
surgelé que de la baguette qui le soir ne vaut plus rien. J'achète ce pain entre 0,95 F
et 1,20 F. Mon seul problème aujourd'hui, c'est le stockage en chambre surgelée. Pour
que les coûts de livraisons au kg ne soient pas trop élevés, je suis obligé d'acheter
des quantités relativement importantes.
Chez plusieurs boulangers-artisans
Dans les restaurants des frères Blanc nous proposons du pain Poilâne que nous achetons
pré-tranché pour des raisons techniques et des baguettes. Il y a deux ans environ, nous
achetions du pain semi-industriel. Maintenant, nous l'achetons auprès de cinq
boulangers-artisans. Nous avons changé de fournisseur pour des raisons de qualité, pour
des raisons de croûte, de mie, d'odeurs. Nos clients d'ailleurs en mangent plus. Ce pain
nous est livré 3 fois par jour : 7 heures, 11 heures et 17 heures. Il est vrai qu'il est
très difficile de trouver des boulangeries capables de nous livrer 3 fois par jour et 7 j
/7. Ces fournisseurs sont sélectionnés au niveau de la direction générale. Je teste
ces pains.
Un industriel et des boulangers locaux en fonction du CA des points de vente
Les établissements de la société Soreno sous l'enseigne La Cafétéria sont des
sandwicheries. Ces sandwicheries, en concession, sont installées dans le cadre
d'hôpitaux, à Paris et en province, à la demande des directeurs d'hôpitaux, pour
créer un lieu de vie autour d'une animation et d'une boutique qui fait de la presse. Nous
ne sommes pas tout à fait libres du choix de nos prix de vente. A Paris, nous proposons
notre sandwich jambon/
beurre à 10 F. Nous avons une clientèle d'habitués (personnel hospitalier ou patients
qui reviennent régulièrement à l'hôpital pour des suivis d'analyses...). Pour le choix
de notre pain, nous sommes donc motivés par deux critères : la qualité et le coût.
Chez nous, le coût du pain représente 30 à 40 % du prix de revient du produit fini.
Tous nos sandwiches (sauf les sandwiches au pain de mie) sont préparés sur place à la
demande du client. Nos politiques d'achat sur Paris et en province sont différentes. A
Paris, nous avons sélectionné un seul fournisseur Pani France et nous ne travaillons que
du pain baguette précuit et surgelé et avec des viennoiseries crues surgelées que nous
cuisons sur place. En province, nous avons sélectionné plusieurs boulangers locaux. Nous
travaillons avec du pain frais et un peu de pain surgelé par sécurité, pour pallier une
défaillance du boulanger. Nous avons choisi du pain cru surgelé à Paris parce que
l'activité sandwiches représente 80 % de notre CA. On fait les 20 % restant avec la
pâtisserie. En province, la pâtisserie représente 60 % de notre CA et les sandwiches
seulement 40 %. Tout simplement parce qu'en province, les gens retournent déjeuner chez
eux. On ne peut travailler avec du pain cru surgelé et de la viennoiserie crue surgelée
qu'à partir d'un certain volume d'affaires car il faut prévoir un responsable de cuisson
chargé du suivi et de la qualité. En province, on choisit des boulangers locaux de bonne
notoriété car, je le répète, nos critères de sélection sont la qualité et le prix.
D'ailleurs, avant de faire une ouverture, nous consultons 4 ou 5 boulangers locaux. La
prestation du boulanger choisi est très contrôlée de 15 jours à 3 semaines et nous
écoutons les remarques de nos clients. Nous demandons aussi à ce boulanger de fournir
toute la pâtisserie. En province, nous achetons notre baguette de 125 g à 1,20 F
environ. C'est très compétitif mais le boulanger s'y retrouve grâce aux pâtisseries
qu'il nous fournit. Par ailleurs, comme son rapport qualité/prix/service est bon, il peut
obtenir le marché de l'hôpital.
Pour sélectionner leur(s) boulanger(s), les chaînes de restaurants établissent un cahier des charges, organisent des dégustions, étudient les remarques de leurs clients...
- Un cahier des charges précis
Comme notre formule La Cafétéria est une formule bien normée, nous avons établi un
cahier des charges précis pour notre pain. Intégré dans le domaine de la santé, nous
exigeons de nos boulangers qu'ils travaillent en respectant les principes de la méthode
HACCP. Nous leur demandons de nous fournir leurs documents de contrôles bactériologiques
ou autres. Notre premier critère de recherche est la qualité : organoleptique et
hygiénique. Par la suite, on regarde les prix parce que nous sommes tenus par des prix de
vente peu élevés.
- Un travail relationnel quotidien et de longue haleine
Une fois le boulanger sélectionné, nous le suivons de près durant et après l'ouverture
pendant au moins trois à quatre semaines. Par la suite, je contrôle en appelant
régulièrement nos responsables d'établissements pour savoir si la qualité n'a pas
dérapé. En cas d'erreurs répétitives, nous n'hésitons pas à abandonner un boulanger.
Ceci est peu fréquent car je suis du métier, je suis un cuisinier qui achète et qui
sait dialoguer en toute simplicité avec les boulangers. Je crois que la qualité du pain,
ça passe par le relationnel, et surtout par de vrais professionnels.
Le service du boulanger doit être parfait
Quand il faut être dépanné, c'est très gênant parce que les clients s'aperçoivent du
changement de qualité de notre pain. Et ils sont déçus. Nous leur expliquons cette
situation pour qu'ils ne pensent pas que nous avons baissé la qualité de notre
prestation. Avec Jean-Luc Poujauran, cela nous arrive rarement. Il faut donc que nos
fournisseurs de pain, de viande, de légumes... soient parfaits. Le problème de
livraison, ça appartient au fournisseur. Si un jour le fournisseur manque de livreurs, il
doit livrer lui-même. Nous, quand il nous manque un serveur ou un cuisinier, nous
travaillons plus pour pallier son absence. La livraison, ça ne nous regarde pas. Il nous
faut le produit. Quand le client s'assoit à notre table, c'est pour manger, ce n'est pas
pour attendre. C'est dur de dire cela mais faut que chacun fasse normalement son travail
et se débrouille pour avoir le bon personnel au bon poste, un livreur pour les
livraisons.
Préférez le pain au levain naturel qui reste frais 5 à 6 heures
Le problème est que tous les restaurateurs veulent être livrés à la même heure, en
fin de matinée, pour recevoir du pain chaud. Entre nous, le pain chaud, ce n'est pas bon
pour la santé. Et, c'est difficile de livrer du pain chaud. Quand on met du pain chaud
dans un sac, il ramollit à cause de la condensation. Une baguette de qualité courante ne
reste fraîche que l'espace de 2 heures. Grâce à notre technique de fabrication au
levain naturel liquide, notre pain, cuit à 9 heures, est encore très bon à 13 heures.
Bien sûr, les boules individuelles se conservent moins longtemps et ne peuvent pas être
servies le soir. Mais si nous vous livrons vers 16 heures, ce pain sera encore frais pour
le dîner. Les restaurateurs peuvent aussi choisir l'option des grosses miches. Mais,
qu'ils ne nous demandent pas de les couper. Les restaurateurs peuvent s'équiper d'une
machine à trancher le pain. Il en existe qui ne sont pas très chères et qui tranchent
sans risque en 30 secondes seulement.
m En conclusion : Pour servir du bon painDialoguez avec votre boulangerJacques Darmon
|
Edna, le spécialiste des pains spéciaux précuitsEdna est une société allemande qui fabrique des pains spéciaux, des viennoiseries
et des pâtisseries précuites surgelées. Les pains Edna sont appréciés en France pour
leur « bonne odeur » et leur bonne conservation une fois cuits. Leur cuisson ne demande
d'ailleurs que peu de temps : 15 minutes à 180 °C. |
L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999