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Les longues gardes de Bandol

Une tradition bien gardée

Le premier dimanche de décembre, les producteurs de vins de Bandol présentent
à leur public le vin de l'année. A cette manifestation s'ajoute un concours portant sur
l'expression même du Bandol : des rouges à boire dans six, sept, huit... dix ans et plus.
Les longues gardes.

Par Sylvie Soubes

Ciel résolument bleu au-dessus de la Méditerranée, le mistral est au rendez-vous. Il fait frisquet. Autour de zéro. Mais le froid n'est pas un obstacle à la Fête du millésime qui se déroule chaque année depuis 1982, sur le port de Bandol, le premier dimanche de décembre. La longue allée de chapiteaux se remplit rapidement et le coude à coude est de rigueur. Succès oblige. Intérêt aussi. Chaque tente abrite en effet un producteur de vin de Bandol et son millésime tout juste vinifié. Plusieurs tonneaux sont nécessaires pour répondre à la demande. Les vignerons se prêtent au jeu de bon cœur. Ils étaient une trentaine l'an dernier. A la pipette, ils remplissent à volonté les verres tendus. Des verres gravés au logo de la manifestation et achetés par le visiteur. Seul droit d'accès. La dégustation est gratuite. La Fête du millésime n'est pas un salon, mais un lieu de découverte, un moment privilégié, une poignée de main entre le viticulteur et le consommateur.

Une seule marche, trois noms
Dans le courant de la journée, sur une estrade centrale où se sont succédé diverses animations sur le thème de la commedia dell'arte, les responsables du concours des Longues gardes s'approchent du micro. Les oreilles se tendent tandis que les haut-parleurs reprennent l'annonce. "Le prix des Longues gardes 1998 est remporté par... La Bastide Blanche, Domaines Bunan et Domaine Lafran Veyrolles." Petite précision. Il n'y a pas de premier, deuxième, troisième. L'ordre est strictement alphabétique. Le podium forme une seule marche, la plus haute, et chaque édition s'inscrit dans cette logique. Les trois vins retenus sont les représentants de la tradition viticole de Bandol.
Ce concours, démarré en 1989, porte essentiellement sur les rouges de Bandol. Le joyau de l'appellation. Il met en avant les spécificités du vin : vignes âgées de 8 ans et plus, élevage en fûts de chêne 18 mois minimum, arômes et tannins du mourvèdre, cépage roi des longues gardes. Un concours dont le jury ne comporte aucun viticulteur mais une bonne trentaine d'œnologues, sommeliers, journalistes spécialisés. Une grande rigueur entoure l'organisation. Les dégustations sont faites à l'aveugle, les vins sont présentés dans des carafes numérotées et chaque table de jurés prend un nombre déterminé de vins. Une première sélection est retenue. Le jury final, une poignée de personnes cette fois, retiendra ensuite trois vins. Ces vins déclarés "longues gardes" resteront anonymes pour le jury final à qui l'on ne divulguera pas la concordance numéro de carafe/domaine sélectionné. Même s'il le réclame après que les résultats sont officiels. Question d'honnêteté.


Le vignoble de Bandol, en restanques, à quelques enjambées de la Méditerranée.

Gros plan

Les Gagnants 1998...

n Domaines Bunan
Leur savoir-faire, Paul et Pierre Bunan l'ont appris dans la propriété familiale en Algérie. Quand ils s'installent définitivement en France, en 1963, retour contraint, leur mère, Lucie, avait eu la sagesse d'acquérir un vignoble dans l'Hexagone quelque temps auparavant. C'est eux qui l'avaient toutefois choisi. Le Moulin des Costes, dans le Bandolais. Quand Paul et Pierre s'installent dans les hauteurs de La Cadière, village situé au cœur de l'appellation Bandol, il n'y avait pas l'eau courante dans la maison. Manches relevées, courageux et déterminés, ils vont défricher, planter, modeler un vignoble en restanques (des terrasses souvent difficiles d'accès et typiques de la région). En 1964, première bouteille signée Bunan. Début d'une renommée. Les Bunan vont en effet très vite s'imposer et notamment dans la restauration régionale. Pas de mauvaises surprises avec leur vin. Pas de goût de bouchon, une gamme régulière et un savoir-faire confirmé, millésime après millésime. Laurent, le fils de Paul, s'est attelé dans les années 90 à développer l'export. Il connaît les Etats-Unis pour les avoir parcourus en voiture, des kilomètres durant, des semaines durant, le coffre chargé d'échantillons. La ténacité familiale a encore payé. Ses vins sont à la carte de La Provence, de la Colombe d'Or, de Côté Sud, de l'Orange Bleue à New York, des Deux Cafés à Hollywood, du Mandarin Oriental Hôtel à San Francisco. Dans d'autres grandes métropoles : Londres, Copenhague, Genève... Sans oublier les étoilés français aux caves prestigieuses comme Le Louis XV à Monaco ou Georges Blanc à Vonnas. Mais ce bandol n'a pas la grosse tête et le Moulin des Costes reste un des vins de Bandol les plus présents dans la restauration traditionnelle de Nice à Lille, en passant par Paris. Les Bunan ? Une saga familiale au service du vin, pour le meilleur.
Infos pratiques : plus de 80 hectares. Gamme : Moulin des Costes, Château la Rouvière et Domaine du Bélouvé principalement. Production de rouges, rosés et de blancs.
Domaines Bunan - BP 17- 83740 La Cadière d'Azur, Tél. : 04 94 98 58 98.

n Domaine Lafran Veyrolles
10 hectares seulement. Le père de Madame Jouve veillait sur ce domaine. Elle prit le relais au départ prématuré de celui-ci en 1965. "Papa faisait partie des pionniers de l'appellation", se souvient-elle, non sans fierté. C'était un des grands défenseurs du mourvèdre en Bandolais notamment. Si Madame Jouve a conservé la tradition familiale, a perpétué les techniques et le travail paternel, elle lança une deuxième cuvée en 1993 : l'une est composée à 70 % de mourvèdre, avec du grenache, du cinsault et des vieux carignans (les vignes ont plus de 50 ans). Une précision dans l'élaboration du vin : l'égrappage à 80 % (contrairement aux pratiques actuelles qui tendent à l'égrappage total). La seconde est à 98 % de mourvèdre (le décret de l'appellation interdit le 100 % mourvèdre !). C'est dans ce vin qu'il faut chercher les vainqueurs des Longues gardes. La production tourne autour de 35 hectos/hectares (l'appellation en autorise 40). Macération avec rafle. Pas de filtration pour les rouges mais un levurage par "précaution". Et 1998 dans tout ça ? "L'état sanitaire des vendanges était extraordinaire. Le mois de septembre très ensoleillé. Les raisins étaient à 14° au moment de la vendange..." Les dernières cuves ont été remplies début octobre. Puissance et gras au rendez-vous.
Infos pratiques : gamme Domaine Lafran Veyrolles, cuvée classique et cuvée spéciale.
Mme Jouve-Férec - 2115 route de l'Argile - 83740 La Cadière d'Azur. Tél. : 04 94 90 13 37.

n Domaine La Bastide Blanche
Les anciens propriétaires du domaine envoyaient leur vin en coopérative. Quand Michel Bronzo l'a acquis, en 1973, il conserva sept hectares de grenache, carignan et mourvèdre. Puis il planta. Les 27 hectares actuels sont également composés de clairette, d'ugni blanc et d'un peu de sauvignon pour les blancs. La Bastide Blanche produit 45 % de rouge, 45 % de rosé et 10 % de blanc. Environ 15 % de cette production part en CHR et 20 % à l'export. Principaux clients : l'Allemagne et les Etats-Unis. Il y a quatre ans, Robert Parker donnait 96/100 au Fontanieu de Michel Bronzo. Ceci explique cela. "L'effet terroir est très important, convient ce producteur. J'utilise les mêmes cépages, le même type de vinification que pour la Bastide Blanche. Mais à l'arrivée, l'un est plus animal, plus profond, l'autre plus épicé, plus poivré." Comment travaille-t-il la vigne ? "Nous essayons de respecter la nature. Nous n'utilisons pas de désherbage chimique par exemple, on se limite aux classiques bouillies bordelaises." Quant aux rendements, sur les mourvèdres, le domaine ne dépasse guère 30 à 32 hectos l'hectare. "Vous savez, si on veut faire des rouges typés bandol, 35 hectares sont pour moi le maximum." Ici, quand les maturités le permettent, l'on préférera les cuves multicépages. "Nous ne craignons pas non plus les surmaturations sur les grenaches. Nous recherchons des vins très charpentés." Depuis 1997, Michel Bronzo fait quelques essais de barriques neuves. Seulement 2 mois sur les 18 mois à 2 ans de vieillissement prévus. Pas question que le bois domine. "Quand on lâche nos vins, certaines cuvées, en fonction de l'année, sont bien sûr agréables à boire. Mais ce sont des vins qu'il faut savoir attendre. Nous recherchons avant tout la durée."*
Infos pratiques : gamme La Bastide Blanche, cuvée Fontanieu, cuvée Longue garde.
MM Louis et Michel Bronzo 367, chemin des Oratoires83330 Sainte-Anne-du-Castellet - Tél. : 04 94 32 63 20.


Michel Bronzo, propriétaire de la Bastide Blanche.


La Fête du millésime : une manifestation qui attire chaque année un peu plus d'amateurs.


L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

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