La famille Gouttes s'est associée au groupe Avenance pour exploiter ses quatre
restaurants : "L'un et l'autre ont quelque chose à y gagner".
Dans le marché de la restauration sur autoroute, dominé à 90 % par des géants (Avenance et Autogrill) qui se sont vus attribuer les aires les plus juteuses, les opérateurs indépendants "font figure de nains", et sont contraints de faire preuve d'imagination pour résister. Ils bénéficient cependant de la volonté (insuffisante aux yeux de beaucoup) des sociétés d'autoroute d'ouvrir peu à peu le secteur à l'ensemble des composantes de la restauration afin de diversifier l'offre et de développer la restauration à table. Cette stratégie est plus particulièrement celle d'ASF (Autoroutes du sud de la France), société qui, fortement encouragée en cela par les responsables politiques locaux, voit d'un bon il la mise en valeur des produits du terroir et de la gastronomie régionale. Dans ce contexte, certains indépendants arrivent à fort bien tirer leur épingle du jeu. C'est le cas de la famille Gouttes, qui a cédé l'hôtel-restaurant qu'elle possédait à Castelnaudary en bordure de la RN 113 afin de se lancer dans la restauration d'autoroute dès 1983 (associée à d'autres restaurateurs de la région). Aujourd'hui actionnaire majoritaire de la société concessionnaire du restaurant, du self et de l'hôtel (42 chambres 2 étoiles) de l'aire de Port-Lauragais (22 MF d'investissements, 35 salariés, 16 MF HT de chiffre d'affaires annuel), la famille Gouttes a racheté en 95 la concession de l'aire de Béziers (une cafétéria qui réalise 10 MF de CA et emploie 17 personnes). Elle est également associée (50/50) au groupe Avenance pour exploiter la cafétéria de l'aire du Pic-du-Midi ouverte depuis un an (3,30 MF de CA, 8 personnes) sur l'autoroute Toulouse-Bayonne, et celle qui ouvrira non loin dans quelques mois (en juin 1999) à l'aire du Comminges sous l'enseigne Arche (8 MF de CA et une vingtaine d'employés prévus). "On n'est pas encore assez organisé pour pouvoir exploiter 4 restaurants. On a donc décidé de s'associer avec Avenance en opérant à travers un mandat de gestion, pour répondre à l'appel d'offres et décrocher ces deux dernières concessions."
Concurrents et partenaires
De son côté, le groupe international n'a pas fait cavalier seul pour ne pas risquer
d'être purement et simplement évincé au profit d'un professionnel régional. Avenance a
peut-être aussi estimé qu'une alliance lui permettait de limiter les risques, un mandat
de gestion dégageant (faute de dividendes en cas d'échec) un revenu moins aléatoire,
tout en permettant de se positionner pour une reprise totale de la concession en cas de
défaillance de l'exploitant. Ce calcul, réel ou supposé, lié au fait que le secteur
est relativement saturé (il y a 195 restaurants d'autoroute), et que les futurs tronçons
autoroutiers transversaux ne donneront le jour qu'à de petites unités, devrait se
traduire, à l'avenir, par des associations plus nombreuses entre les groupes et les
indépendants. C'est la conviction de Frédéric Gouttes (28 ans, Sup de Co Marseille, et
master de finances à Sup de Co Toulouse), gérant de l'entreprise familiale, conviction
que partage son père, Georges, président de l'Association nationale des restaurateurs
d'autoroute depuis 1994. Selon ce dernier, "il est aussi instructif pour un groupe
de voir comment fonctionne un indépendant que pour un indépendant de voir comment marche
un groupe. L'un et l'autre ont quelque chose à y gagner".
Pour être aussi performant (180 repas servis par jour au seul restaurant La Dinée, 1 000
en été, si ce n'est plus) que les groupes, leur établissement a recours à l'achat de
produits frais et les transforme.
Qualité des produits
"Notre ratio marchandises est aussi bon que celui des groupes, si ce n'est meilleur, car ils font une cuisine d'assemblage et de recuisson, plus onéreuse. Nos frais de personnel devraient donc être largement supérieurs aux leurs, à cause de la préparation, mais ils ne le sont pas de beaucoup plus car ils ont des frais de structure élevés et une hiérarchisation des postes qu'on n'a pas", explique Frédéric Gouttes. Le prix moyen de 90 F par repas (au restaurant) et de 55 à 60 F le plateau (à la cafétéria) est conforme au marché, la qualité des produits en plus (cassoulet maison de Castelnaudary, magret et confit de canard arrivent en tête des ventes du restaurant dont la clientèle est individuelle à 80 %). Ce positionnement de La Dinée permet aussi de fidéliser les groupes et de participer au Mitcar depuis cinq ans et de lancer des opérations commerciales ponctuelles avec d'autres indépendants. La Dinée accueille ainsi toute l'année les meilleurs clubs de rugby français dans leurs déplacements. "Sur le plan financier, nous n'avons pas la même logique que celle des groupes car plus de la moitié des bénéfices que nous réalisons ne sont pas distribués", note Frédéric Gouttes, la rentabilité nette s'établissant (cafétérias et restaurant) à 12 % (durée moyenne des concessions : de 15 à 20 ans). Seule ombre au tableau : l'hôtel (55 % de TO) est fortement concurrencé par ceux qui sont situés aux sorties de l'autoroute, en dépit d'un excellent rapport qualité/prix (250 F la chambre, tennis, piscine).
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L'HÔTELLERIE n° 2607 Magazine 1er Avril 1999