Belle devanture rouge au 132 de la rue Cardinet, à Paris.
"Je préfère être
chez moi qu'être un numéro dans une brigade, dit aujourd'hui Christian Leclou. Ici,
je contrôle tout." Et le jeune chef, 38 ans, dit vrai. Pour acquérir son
restaurant et réussir à passer sans encombre le cap de la première année, Christian
Leclou s'est donné corps et âme. "Cela faisait quelques années que je pensais
à avoir mon propre restaurant à Paris, mais c'était trop cher, confie Christian
Leclou. Puis le marché est devenu plus abordable. Et c'est le bouche à oreille qui
m'a permis de savoir qu'il y avait une opportunité."
Le fonds lui a coûté 1 MF, dont 300 000 F d'apport personnel ("pour me procurer
l'apport pour le restaurant, j'ai vendu mon appartement"). Le reste sous forme
d'emprunt auprès du Crédit Agricole. Situé au cur du XVIIe arrondissement, le
restaurant offre une capacité de 52 places assises, sur une surface de 65 m2. Il y a
aussi une terrasse, qui peut accueillir 12 couverts, mais il faut bien avouer qu'à Paris
(sans chauffage), elle ne rapporte pas grand-chose. En sous-sol, Christian Leclou
récupère un espace de 70 m2 et, au premier étage, un appartement de 80 m2 qu'il habite.
Le tout représente un loyer trimestriel de 47 000 F.
De bonnes idées peu onéreuses
Pour lancer Le Clou, ex-restaurant Scheffer pendant 5 ans, le nouveau patron ne s'est
pas lancé dans de gros travaux. L'établissement nécessitait tout au plus un
rafraîchissement des peintures. En cuisine, il a revu l'équipement du froid. Après, ce
sont surtout quelques détails de décoration qui signent le nouvel établissement : les
nappes en tissu, de jolis petits bouquets de roses séchées sur chaque table (réalisés
par la maman de Christian) ; aux murs, des ardoises d'écolier à l'ancienne grand format
pour inscrire le menu, des affiches début du siècle respectant l'esprit brasserie du
lieu. A signaler aussi, la carte du restaurant, ornée d'une aquarelle dessinée par
Jean-Pierre Descaves, professionnel de la restauration, conseiller et ami, qui travaille
à temps partiel au restaurant. En fait, chacun met la main à la pâte et l'on sent cette
solidarité d'emblée.
Pour faire marcher l'affaire, ils sont 6 : 3 en cuisine (le chef, un apprenti et un
plongeur) et 3 en salle (dont 2 à temps partiel). Christian Leclou espère bien pouvoir
embaucher très prochainement une personne à temps plein en salle.
Tout est fait maison
Sa clientèle ? "Ouvert fin octobre 1997, on a eu un peu de presse et ça nous
a amené un peu de clients. Mais c'est surtout une clientèle de quartier, fidèle et
régulière, et aussi celle des bureaux. Il y a beaucoup de petites sociétés autour.
Résultat, ça marche mieux le midi que le soir." Le restaurant atteint une
moyenne de 60 couverts/jour. Avec un menu à 98 F le midi (au choix : 2 entrées, 2 plats,
2 desserts) qui change tous les jours, le chef pense avoir fait le bon choix. "70
% des clients prennent le menu à midi", précise Christian Leclou. Quant à la
carte, elle contient 7 entrées, 7 plats et 7 desserts. Elle change tous les mois. Sauf
trois best-sellers : Terrine de boudin aux châtaignes, Epaule d'agneau du Poitou confite
au romarin et le Moelleux au chocolat crème glacée au café. "Tout est fait
maison, sauf les glaces. Je fais une cuisine du marché qui suit les saisons. J'aime
transformer les produits", déclare Christian Leclou.
Son parcours ? Après un CAP restauration obtenu en 77 au Lycée hôtelier de Loudun
(Vienne), quelques grandes étapes formatrices : Le Ronsard à Joué-les-Tours avec M.
Guignard, Jacky Tisseron au Château de Chenonceau ou encore M. Royer, auberge La Bonne
Idée à Saint-Jean-au-Bois ("avec qui j'ai appris le gibier"). C'est en
1982, à Loches (Indre-et-Loire), à l'hôtel George Sand ("ma première ouverture")
qu'il obtient son premier poste de chef. Puis encore de belles maisons mais à Paris. Son
dernier emploi salarié : c'est chez Ledoyen, dans la partie réceptions en 1997. Un
parcours très formateur que Christian Leclou a ponctué par deux stages : l'un avec
Philippe Legendre chez Taillevent, l'autre avec Jean Bardet à Tours : "Cela m'a
aidé à faire le point entre deux postes et je voulais aussi savoir ce que c'était
qu'une grande maison."
Pour s'approvisionner, Christian Leclou fait appel à un acheteur qui cherche pour lui les
bonnes affaires à Rungis. Mais il a aussi nombre d'adresses de producteurs en province
auxquels il reste fidèle. "Mes escargots viennent d'Arçay, près de Loudin,
l'agneau d'un abattoir près d'Alençon, le porc de Pompadour et mon gibier vient d'un
spécialiste de Tours. Il faut de bons produits", précise le chef. Pour les
fromages comme pour les vins, il préfère être en contact direct avec ses fournisseurs.
"Je connais beaucoup de producteurs de vins, déclare Christian Leclou. On
fait des dégustations et on essaye de découvrir des vins originaux." Un saumur
porte même l'étiquette du restaurant.
"La première année s'est bien passée. Mais je sais que ça va être dur les
prochaines années pour faire déplacer les gens. L'emplacement est un inconvénient",
avoue Christian Leclou. Il est vrai, qu'il est assez difficile de se garer aux alentours
et que l'on ne passe pas par hasard dans cette rue. Mais avec les résultats de la
première année qui atteignent les 2,1 MF de chiffre d'affaires, le chef reste optimiste.
Il va continuer à miser sur les soirées à thème (Sud-Ouest, Beaujolais, accordéon...)
qui ont fait salle comble. Et à plus long terme, "peut-être un autre restaurant",
laisse entendre Christian Leclou.
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Quelques chiffresInauguration : octobre 1997 |
L'HÔTELLERIE n° 2607 Magazine 1er Avril 1999