Situé au numéro 17 de l'avenue Kléber, le Raphaël est un havre de paix et de
création pour beaucoup d'artistes renommés.
"Je suis
comme les ânes, je tourne !", lance avec humour Françoise Baverez. Chaque jour,
cette femme élégante à la silhouette longiligne, président directeur général de la
société Hôtel Regina Paris, met effectivement un point d'honneur à effectuer la
tournée des trois établissements parisiens (241 chambres au total) qui constituent son
groupe. Levée aux aurores, sa journée débute par le Majestic, niché rue Dumont
d'Urville dans le 16e arrondissement, lieu où elle a d'ailleurs établi domicile.
Quelques enjambées suffisent et voilà notre hôtelière, au beau milieu de la matinée,
dans les murs du Raphaël, situé lui au numéro 17 de l'avenue Kléber. Reste à franchir
la Seine puis elle commence l'après-midi au Regina, immeuble confortablement installé à
l'angle de la place des Pyramides et de la rue de Rivoli, sur l'emplacement même du
manège des Ecuries royales du palais du Louvre. Un dernier petit saut pour voir si tout
se passe bien au Raphaël en fin de soirée... la boucle est bouclée ! Et à la prochaine
réunion, en préambule aux questions financières et stratégiques, Françoise Baverez
pourra discuter à bâtons rompus avec ses équipes de la température trop élevée dans
les salons du Regina ou bien encore de la tenue des serveurs au bar du Raphaël.
Maniaquerie ? Pas le moins du monde. Une telle entreprise, qui vient tout juste de fêter
son centenaire et demeure l'un des symboles de l'art de vivre à la française, n'a tout
bonnement pas le droit à l'erreur. "Je dois impérativement être au courant de
tout ce qui se passe dans mes hôtels ! Cela me permet d'agir au plus vite pour mieux
satisfaire nos clients", explique la patronne des trois prestigieuses adresses
hôtelières de la capitale. Une règle qui réussit plutôt bien à Hôtel Regina de
Paris dont la trésorerie nette a bondi de 131 millions de francs en 1995 à 142 en 1997.
Le taux d'endettement ne dépassant pas, lui, le seuil des 0 %.
Concurrents féroces
Au cours des cinq dernières années, le chiffre d'affaires de la société (Hôtel
Regina Paris réunit en son sein le Raphaël, le Regina et le Majestic) a aussi
sensiblement progressé pour atteindre les 93 millions de francs en 1997. Quant au
résultat net courant avant impôts, il s'est stabilisé à 22 millions de francs. Pas si
mal pour un groupe français d'une extrême discrétion, qui doit aujourd'hui, sur le
marché parisien, rivaliser avec les géants de l'hôtellerie de luxe et les nababs de la
planète toute entière.
Ce n'est pas un hasard en effet si le prince saoudien, Al Waleed, a mis la main sur le
célèbre palace de la Ville Lumière : le George V. Pas plus que ne l'est en outre
l'arrivée du sultan de Brunei au Plaza Athénée par exemple. Paris fait toujours autant
rêver ! et demeure surtout un placement intéressant Alors, évidemment, pour conserver
sa place et surtout son indépendance face à des concurrents de plus en plus féroces, la
partie n'est pas une mince affaire. Mais Françoise Baverez n'est pas femme à renoncer
aussi facilement. En témoigne la manière dont elle a repris le flambeau familial.
L'aventure hôtelière débute en 1961. Le Majestic vient tout juste de sortir de terre.
Débordé, le docteur Baverez son père, déjà aux commandes du Raphaël, propose à sa
fille de venir lui donner un coup de main pour lancer ce nouvel établissement. Après
l'Ecole des cadres et un an d'expérience chez Peugeot, Françoise a certes une bonne
connaissance du monde du travail. Elle pêche néanmoins côté terrain.
57 % du capital
Qu'à cela ne tienne ! La jeune femme décide de se mettre au diapason des techniques
hôtelières. Passer l'aspirateur, faire un lit au carré, accueillir les clients, servir
les petits-déjeuners... tout y passe. "C'est au Majestic que j'ai finalement
réalisé mes premières armes. J'y ai quasiment tout appris et surtout découvert les
joies de ce métier", se souvient le sourire aux lèvres la présidente d'Hôtel
Regina Paris. Une formation à rude épreuve qui, loin de rebuter Françoise Baverez, la
conduit rapidement à prendre la direction générale de cette petite unité, puis
quelques années plus tard la présidence du groupe.
Et depuis qu'elle dirige cette entreprise, forte de 120 personnes auxquelles s'ajoute une
trentaine de CDD en période de pointe, et possède 57 % du capital (avec sa fille et son
mari), rien ne lui échappe. C'est tant mieux d'ailleurs parce que de cette façon elle a
su dresser un bilan réaliste de la société. Ce dernier lui permettant d'établir une
stratégie clairement définie en termes de positionnement marketing. La force d'Hôtel
Regina Paris repose en effet sur trois règles d'or : trois hôtels ayant chacun leur
propre personnalité, une prestation continuellement modernisée et une gestion saine.
De l'avenue Kléber à la rue Dumont d'Urville en passant par la place des Pyramides, les
établissements ont tous de fait un "cachet historique", mais des allures
différentes. Construit en 1925 par l'architecte André Rousselot, le Raphaël (90
chambres) est le palace parisien de charme incontestablement lié au monde de la
littérature, du cinéma voire même de la musique et de la politique. Décorée de
tapisseries et de meubles anciens, cette adresse fut considérée par Ava Gardner, Bernard
Henri-Levy ou bien encore Serge Gainsbourg comme un véritable havre de paix et de
création.
Quatre-vingts millions de travaux
Stratégiquement situé dans un quartier historique, le Regina (120 chambres) ravit
pour sa part les touristes et les hommes d'affaires du monde entier. D'autant plus
qu'appartements et chambres ici bas s'ouvrent sur les jardins des Tuileries et sur le
palais du Louvre. Sans oublier le restaurant gastronomique, Le Pluvinel, orchestré par
Hervé Riebbels, le bar anglais et son charmant salon de thé. Quant au Majestic, de
moindre capacité, il se veut lui plus discret et plus convivial pour le bonheur de ses
visiteurs habitués.
Chacune de ses spécificités donne bien sûr la possibilité au groupe de répondre aux
besoins de clients différents. Reste que pour afficher un taux de remplissage global de
62 % en 1997 accompagné d'un prix moyen HT de 1 079,50 francs, Françoise Baverez a dû
lourdement investir pour remettre chacun des hôtels au goût "technique" du
jour. "Le groupe était en retard dans ce domaine au début des années 80. Nous
avons donc décidé de moderniser le parc par tranche pour ne pas interrompre
l'exploitation", souligne la présidente.
Au cours des douze dernières années, plus de 80 millions de francs ont ainsi été
consacrés à la modernisation des établissements. Réhabilitation des chambres dont
création d'un triplex avec terrasse et d'un duplex au Raphaël, installation de la
climatisation, ravalement des façades, réfection des cuisines, mises aux normes de
sécurité... la liste des travaux réalisés est longue. "Les chantiers les plus
importants sont aujourd'hui achevés. Il y a encore toutefois quelques réhabilitations à
finaliser comme notamment la création d'un fitness au Raphaël et celle d'une troisième
salle de séminaire au Regina. La modernisation des installations téléphoniques est
également impérative", précise Françoise Baverez.
Second marché
Sans en avoir l'air en effet, le développement des portables a entraîné une nette
baisse des revenus liés au téléphone. Pas question cependant de baisser les bras pour
Hôtel Regina de Paris ! En bon gestionnaire, il paraît évident que le passage des
standards des trois hôtels au système Numéris et l'installation de prises modem et fax
dans les chambres permettront de compenser ces manques à gagner. Prudente dans sa gestion
quotidienne, la présidente sait parfaitement en effet qu'il est nécessaire de délier
les cordons de la bourse au moment opportun.
Ce n'est pas ainsi un hasard si la société fonde désormais l'essentiel de sa politique
sur le renforcement de ses actions commerciales. "Malgré les emplacements
exceptionnels de nos trois hôtels, je considère qu'à l'heure actuelle il est devenu
impossible de rester seul", indique Françoise Baverez. Résultat : les trois
unités sont d'ores et déjà affiliées à la centrale de réservations Utell. Sans
compter l'adhésion supplémentaire du Raphaël à Prima et celle des trois entités au
guide The Charming Hotels. Ajoutons à tout ceci une commercialisation interne et
de nombreuses actions menées auprès des tour-opérateurs. Le tout accompagné d'une mise
en place de nouveaux forfaits (week-ends, lune de miel...) afin de mieux remplir durant
les fins de semaine et séduire de nouvelles clientèles.
Et pourquoi pas également attirer de nouveaux actionnaires ? Le groupe Hôtel Regina
Paris est effectivement passé du marché hors cote, sur lequel il était coté depuis
1956, au second marché le 23 septembre dernier. A première vue cependant, ce transfert
n'avait pour seul but que de donner de la liquidité aux 390 actionnaires, la présidente
n'ayant en revanche nullement l'intention de céder ses titres. Son attachement à
l'entreprise est tel qu'elle ne peut demeurer aux commandes de ces trois navires qu'à la
condition d'être indépendante.
Rien n'échappe à Françoise Baverez. Elle sait au jour le jour ce qui se passe
dans chacun de ses établissements.
Charme discret et convivialité sont les deux maîtres mots du Majestic.
Vue de la salle à manger Art Déco au Regina.
Répartition du capital et des droits de vote au 22 juin 1998 |
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Actionnaire | Actions | en % du total | Droit de vote | en % du total | ||||
Françoise Barverez | 227755 | 52,9 % | 251760 | 41,1 % | ||||
Véronique Beauvais | 100 | 0,02 % | 200 | 0,03 % | ||||
Christian Beauvais | 15230 | 3,5 % | 25460 | 4,2 % | ||||
Société civile Rejesel | 5360 | 1,2 % | 5360 | 0,9 % | ||||
Total famille Baverez | 248 445 | 57,7 % | 282780 | 46,1 % | ||||
Crédit Agricole Indosuez | 38235 | 8,9 % | 76470 | 12,5 % | ||||
Famille Bresson/Pietre | 23625 | 5,5 % | 44890 | 7,3 % | ||||
Public | 119940 | 27,9 % | 209125 | 34,1 % | ||||
Total | 430245 | 100 % | 613265 | 100% |
Nombre total de chambres : 241
- Regina : 121
- Raphaël : 90
- Majestic : 30
Estimations de résultats Hôtel Regina Paris |
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En MF | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | ||||||
Chiffre d'affaires | 77,5 | 77,8 | 93,1 | 115,5 | 124,3 | 131 | ||||||
Résultat d'exploitation | 8,8 | 11,5 | 17,7 | 27,2 | 30,5 | 33,4 | ||||||
Marge d'exploitation (%) | 7,7 | 11,1 | 15,9 | 21 | 22,1 | 23,2 | ||||||
Résultat financier net | 6,7 | 5,1 | 4,1 | 4,3 | 4,6 | 4,9 | ||||||
Résultat net | 9,7 | 10 | 11,7 | 16,4 | 18,3 | 19,9 | ||||||
Marge nette en % | 12,5 | 12,8 | 12,6 | 14,2 | 14,7 | 15,2 |
Les grandes étapes du groupe |
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1898 : Création de l'hôtel Regina en vue de l'exposition universelle de 1900. |
1905 : Achat de l'hôtel particulier de la Reine de Castille au 19 avenue de Kléber. L'opération est financée grâce à la trésorerie du Regina. |
1907 : Construction de l'hôtel Majestic (450 chambres avec salles de bains) au 19 avenue Kléber. Rachat d'immeubles situés sur l'arrière du 19 avenue Kléber dont l'actuel Majestic. |
Construction de l'hôtel Raphaël au 17 avenue Kléber dans un immeuble avec jardin. |
1925 : Ouverture de l'hôtel Raphaël. |
1938 : Vente de l'hôtel Majestic, situé au 19 avenue Kléber, aux Domaines. Cet établissement n'est rien d'autre aujourd'hui que le Centre de conférences internationales. A noter que la société conserve les immeubles actuels ainsi que la raison sociale. |
1956 : Inscription au Hors Cote (ancien marché de la Chambre syndicale des agents de change). |
1961 : Construction de l'actuel Majestic. |
1981 : Décès du docteur Baverez. Françoise Baverez se voit confier la direction. |
1985Décroisements des liens avec l'Union hôtelière parisienne (UHP). La copropriété de l'immeuble du 1 place Vendôme est cédée à l'UHP en échange d'actions détenues par l'UHP dans les sociétés du groupe Hôtel Regina. Françoise Baverez reprend en outre la gestion de l'hôtel Raphaël et débute d'importants travaux (12 ans). |
1991 : La société Regina absorbe les sociétés Hôtel Majestic et l'Immobilière de l'avenue des Portugais, propriétaire de l'immeuble de l'hôtel Raphaël. |
1993 : Instauration d'un service commercial commun pour les trois établissements. |
1997 : Fusion des hôtels Raphaël et Regina. |
1998 : Transfert au second marché. |
Evolution du taux d'occupation, du prix moyen | ||||||||||||||||
et du Revpar d'Hôtel Regina Paris | ||||||||||||||||
(239 chambres*) | ||||||||||||||||
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Données | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | ||||||||||
Taux d'occupation | 50,3 % | 46,5 % | 55,4 % | 52,8 % | 54,5 % | 62 % | ||||||||||
Prix moyen HT (FF/nuitée) | 1088,9 | 1042,9 | 995,1 | 977,7 | 988,3 | 1079,5 | ||||||||||
Revpar moyen HT (FF) | 547,8 | 485 | 551 | 515,9 | 538,1 | 669,7 | ||||||||||
*241 chambres à partir de 1997 |
L'HÔTELLERIE n° 2607 Magazine 1er Avril 1999