Actualités

Hôtels

Françoise Baverez

Réussite et discrétion

Des hôtels de charme (Le Raphaël, Le Regina et Le Majestic) situés dans des endroits exceptionnels, un art consommé du service aux clients et un sens certain des affaires. Voilà comment le groupe Hôtel Regina de Paris tient la dragée haute à ses concurrents.

Par Claire Cosson


Situé au numéro 17 de l'avenue Kléber, le Raphaël est un havre de paix et de création pour beaucoup d'artistes renommés.

"Je suis comme les ânes, je tourne !", lance avec humour Françoise Baverez. Chaque jour, cette femme élégante à la silhouette longiligne, président directeur général de la société Hôtel Regina Paris, met effectivement un point d'honneur à effectuer la tournée des trois établissements parisiens (241 chambres au total) qui constituent son groupe. Levée aux aurores, sa journée débute par le Majestic, niché rue Dumont d'Urville dans le 16e arrondissement, lieu où elle a d'ailleurs établi domicile.
Quelques enjambées suffisent et voilà notre hôtelière, au beau milieu de la matinée, dans les murs du Raphaël, situé lui au numéro 17 de l'avenue Kléber. Reste à franchir la Seine puis elle commence l'après-midi au Regina, immeuble confortablement installé à l'angle de la place des Pyramides et de la rue de Rivoli, sur l'emplacement même du manège des Ecuries royales du palais du Louvre. Un dernier petit saut pour voir si tout se passe bien au Raphaël en fin de soirée... la boucle est bouclée ! Et à la prochaine réunion, en préambule aux questions financières et stratégiques, Françoise Baverez pourra discuter à bâtons rompus avec ses équipes de la température trop élevée dans les salons du Regina ou bien encore de la tenue des serveurs au bar du Raphaël.
Maniaquerie ? Pas le moins du monde. Une telle entreprise, qui vient tout juste de fêter son centenaire et demeure l'un des symboles de l'art de vivre à la française, n'a tout bonnement pas le droit à l'erreur. "Je dois impérativement être au courant de tout ce qui se passe dans mes hôtels ! Cela me permet d'agir au plus vite pour mieux satisfaire nos clients", explique la patronne des trois prestigieuses adresses hôtelières de la capitale. Une règle qui réussit plutôt bien à Hôtel Regina de Paris dont la trésorerie nette a bondi de 131 millions de francs en 1995 à 142 en 1997. Le taux d'endettement ne dépassant pas, lui, le seuil des 0 %.

Concurrents féroces

Au cours des cinq dernières années, le chiffre d'affaires de la société (Hôtel Regina Paris réunit en son sein le Raphaël, le Regina et le Majestic) a aussi sensiblement progressé pour atteindre les 93 millions de francs en 1997. Quant au résultat net courant avant impôts, il s'est stabilisé à 22 millions de francs. Pas si mal pour un groupe français d'une extrême discrétion, qui doit aujourd'hui, sur le marché parisien, rivaliser avec les géants de l'hôtellerie de luxe et les nababs de la planète toute entière.
Ce n'est pas un hasard en effet si le prince saoudien, Al Waleed, a mis la main sur le célèbre palace de la Ville Lumière : le George V. Pas plus que ne l'est en outre l'arrivée du sultan de Brunei au Plaza Athénée par exemple. Paris fait toujours autant rêver ! et demeure surtout un placement intéressant Alors, évidemment, pour conserver sa place et surtout son indépendance face à des concurrents de plus en plus féroces, la partie n'est pas une mince affaire. Mais Françoise Baverez n'est pas femme à renoncer aussi facilement. En témoigne la manière dont elle a repris le flambeau familial.
L'aventure hôtelière débute en 1961. Le Majestic vient tout juste de sortir de terre. Débordé, le docteur Baverez son père, déjà aux commandes du Raphaël, propose à sa fille de venir lui donner un coup de main pour lancer ce nouvel établissement. Après l'Ecole des cadres et un an d'expérience chez Peugeot, Françoise a certes une bonne connaissance du monde du travail. Elle pêche néanmoins côté terrain.

57 % du capital
Qu'à cela ne tienne ! La jeune femme décide de se mettre au diapason des techniques hôtelières. Passer l'aspirateur, faire un lit au carré, accueillir les clients, servir les petits-déjeuners... tout y passe. "C'est au Majestic que j'ai finalement réalisé mes premières armes. J'y ai quasiment tout appris et surtout découvert les joies de ce métier", se souvient le sourire aux lèvres la présidente d'Hôtel Regina Paris. Une formation à rude épreuve qui, loin de rebuter Françoise Baverez, la conduit rapidement à prendre la direction générale de cette petite unité, puis quelques années plus tard la présidence du groupe.
Et depuis qu'elle dirige cette entreprise, forte de 120 personnes auxquelles s'ajoute une trentaine de CDD en période de pointe, et possède 57 % du capital (avec sa fille et son mari), rien ne lui échappe. C'est tant mieux d'ailleurs parce que de cette façon elle a su dresser un bilan réaliste de la société. Ce dernier lui permettant d'établir une stratégie clairement définie en termes de positionnement marketing. La force d'Hôtel Regina Paris repose en effet sur trois règles d'or : trois hôtels ayant chacun leur propre personnalité, une prestation continuellement modernisée et une gestion saine.
De l'avenue Kléber à la rue Dumont d'Urville en passant par la place des Pyramides, les établissements ont tous de fait un "cachet historique", mais des allures différentes. Construit en 1925 par l'architecte André Rousselot, le Raphaël (90 chambres) est le palace parisien de charme incontestablement lié au monde de la littérature, du cinéma voire même de la musique et de la politique. Décorée de tapisseries et de meubles anciens, cette adresse fut considérée par Ava Gardner, Bernard Henri-Levy ou bien encore Serge Gainsbourg comme un véritable havre de paix et de création.

Quatre-vingts millions de travaux

Stratégiquement situé dans un quartier historique, le Regina (120 chambres) ravit pour sa part les touristes et les hommes d'affaires du monde entier. D'autant plus qu'appartements et chambres ici bas s'ouvrent sur les jardins des Tuileries et sur le palais du Louvre. Sans oublier le restaurant gastronomique, Le Pluvinel, orchestré par Hervé Riebbels, le bar anglais et son charmant salon de thé. Quant au Majestic, de moindre capacité, il se veut lui plus discret et plus convivial pour le bonheur de ses visiteurs habitués.
Chacune de ses spécificités donne bien sûr la possibilité au groupe de répondre aux besoins de clients différents. Reste que pour afficher un taux de remplissage global de 62 % en 1997 accompagné d'un prix moyen HT de 1 079,50 francs, Françoise Baverez a dû lourdement investir pour remettre chacun des hôtels au goût "technique" du jour. "Le groupe était en retard dans ce domaine au début des années 80. Nous avons donc décidé de moderniser le parc par tranche pour ne pas interrompre l'exploitation", souligne la présidente.
Au cours des douze dernières années, plus de 80 millions de francs ont ainsi été consacrés à la modernisation des établissements. Réhabilitation des chambres dont création d'un triplex avec terrasse et d'un duplex au Raphaël, installation de la climatisation, ravalement des façades, réfection des cuisines, mises aux normes de sécurité... la liste des travaux réalisés est longue. "Les chantiers les plus importants sont aujourd'hui achevés. Il y a encore toutefois quelques réhabilitations à finaliser comme notamment la création d'un fitness au Raphaël et celle d'une troisième salle de séminaire au Regina. La modernisation des installations téléphoniques est également impérative", précise Françoise Baverez.

Second marché

Sans en avoir l'air en effet, le développement des portables a entraîné une nette baisse des revenus liés au téléphone. Pas question cependant de baisser les bras pour Hôtel Regina de Paris ! En bon gestionnaire, il paraît évident que le passage des standards des trois hôtels au système Numéris et l'installation de prises modem et fax dans les chambres permettront de compenser ces manques à gagner. Prudente dans sa gestion quotidienne, la présidente sait parfaitement en effet qu'il est nécessaire de délier les cordons de la bourse au moment opportun.
Ce n'est pas ainsi un hasard si la société fonde désormais l'essentiel de sa politique sur le renforcement de ses actions commerciales. "Malgré les emplacements exceptionnels de nos trois hôtels, je considère qu'à l'heure actuelle il est devenu impossible de rester seul", indique Françoise Baverez. Résultat : les trois unités sont d'ores et déjà affiliées à la centrale de réservations Utell. Sans compter l'adhésion supplémentaire du Raphaël à Prima et celle des trois entités au guide The Charming Hotels. Ajoutons à tout ceci une commercialisation interne et de nombreuses actions menées auprès des tour-opérateurs. Le tout accompagné d'une mise en place de nouveaux forfaits (week-ends, lune de miel...) afin de mieux remplir durant les fins de semaine et séduire de nouvelles clientèles.
Et pourquoi pas également attirer de nouveaux actionnaires ? Le groupe Hôtel Regina Paris est effectivement passé du marché hors cote, sur lequel il était coté depuis 1956, au second marché le 23 septembre dernier. A première vue cependant, ce transfert n'avait pour seul but que de donner de la liquidité aux 390 actionnaires, la présidente n'ayant en revanche nullement l'intention de céder ses titres. Son attachement à l'entreprise est tel qu'elle ne peut demeurer aux commandes de ces trois navires qu'à la condition d'être indépendante.


Rien n'échappe à Françoise Baverez. Elle sait au jour le jour ce qui se passe dans chacun de ses établissements.


Charme discret et convivialité sont les deux maîtres mots du Majestic.


Vue de la salle à manger Art Déco au Regina.

Répartition du capital et des droits de vote au 22 juin 1998

Actionnaire Actions en % du total Droit de vote en % du total
Françoise Barverez   227755   52,9 %   251760   41,1 %
Véronique Beauvais   100   0,02 %   200   0,03 %
Christian Beauvais   15230   3,5 %   25460   4,2 %
Société civile Rejesel   5360   1,2 %   5360   0,9 %
Total famille Baverez   248 445   57,7 %   282780   46,1 %
Crédit Agricole Indosuez   38235   8,9 %   76470   12,5 %
Famille Bresson/Pietre   23625   5,5 %   44890   7,3 %
Public   119940   27,9 %   209125   34,1 %
Total   430245   100 %   613265   100%

Répartition du nombre de chambres par hôtel

Nombre total de chambres : 241
- Regina : 121
- Raphaël : 90
- Majestic : 30

Estimations de résultats Hôtel Regina Paris

En MF 1995   1996 1997   1998 1999 2000
Chiffre d'affaires   77,5   77,8 93,1     115,5   124,3   131
Résultat d'exploitation 8,8   11,5 17,7     27,2   30,5   33,4
Marge d'exploitation (%) 7,7   11,1 15,9 21   22,1   23,2
Résultat financier net   6,7   5,1 4,1     4,3   4,6   4,9
Résultat net   9,7 10 11,7     16,4   18,3   19,9
Marge nette en %   12,5   12,8 12,6     14,2   14,7   15,2

 

Les grandes étapes du groupe

 
1898 : Création de l'hôtel Regina en vue de l'exposition universelle de 1900.
1905 : Achat de l'hôtel particulier de la Reine de Castille au 19 avenue de Kléber. L'opération est financée grâce à la trésorerie du Regina.
1907 : Construction de l'hôtel Majestic (450 chambres avec salles de bains) au 19 avenue Kléber. Rachat d'immeubles situés sur l'arrière du 19 avenue Kléber dont l'actuel Majestic.
Construction de l'hôtel Raphaël au 17 avenue Kléber dans un immeuble avec jardin.
1925 : Ouverture de l'hôtel Raphaël.
1938 : Vente de l'hôtel Majestic, situé au 19 avenue Kléber, aux Domaines. Cet établissement n'est rien d'autre aujourd'hui que le Centre de conférences internationales. A noter que la société conserve les immeubles actuels ainsi que la raison sociale.
1956 : Inscription au Hors Cote (ancien marché de la Chambre syndicale des agents de change).
1961 : Construction de l'actuel Majestic.
1981 : Décès du docteur Baverez. Françoise Baverez se voit confier la direction.
1985Décroisements des liens avec l'Union hôtelière parisienne (UHP). La copropriété de l'immeuble du 1 place Vendôme est cédée à l'UHP en échange d'actions détenues par l'UHP dans les sociétés du groupe Hôtel Regina. Françoise Baverez reprend en outre la gestion de l'hôtel Raphaël et débute d'importants travaux (12 ans).
1991 : La société Regina absorbe les sociétés Hôtel Majestic et l'Immobilière de l'avenue des Portugais, propriétaire de l'immeuble de l'hôtel Raphaël.
1993 : Instauration d'un service commercial commun pour les trois établissements.
1997 : Fusion des hôtels Raphaël et Regina.
1998 : Transfert au second marché.

 

  Evolution du taux d'occupation, du prix moyen    
    et du Revpar d'Hôtel Regina Paris        
(239 chambres*)
Données     1992   1993   1994 1995 1996 1997
Taux d'occupation       50,3 %     46,5 %     55,4 %   52,8 %   54,5 %   62 %
Prix moyen HT (FF/nuitée)     1088,9     1042,9     995,1   977,7   988,3   1079,5
Revpar moyen HT (FF)     547,8 485 551   515,9   538,1   669,7
*241 chambres à partir de 1997

L'HÔTELLERIE n° 2607 Magazine 1er Avril 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration