mNadine Lemoine
Fung Ching Chen,
chef-propriétaire de Chen-Soleil d'Est à Paris, n'en revient toujours pas : "J'ai
été vraiment très surpris. C'est le rêve de chaque cuisinier, mais je n'ai jamais
imaginé que le guide Michelin me donnerait une étoile." Du restaurant public de
la province de Shanghai au macaron Michelin, petit retour en arrière.
C'est en 1951, dans un petit village de la province de Shanghai que Fung Ching Chen vient
au monde. Une enfance modeste dans une famille d'agriculteurs et tout petit déjà, il
hante la cuisine observant sa mère et l'aidant à la préparation du repas. En 1966,
l'adolescent est pris dans la tourmente de la révolution culturelle. L'école s'arrête.
Il part alors dans une ville voisine faire son apprentissage dans un "restaurant
public, un établissement pour tout le monde, bas de gamme". Il y restera deux
ans. Puis Fung Ching change plusieurs fois d'établissements avant de faire le grand saut
pour Honk-kong en 70. Deux ans plus tard, à 21 ans, il choisit de rejoindre l'Hexagone :
"Pour moi, la France, c'était la liberté, mais c'était surtout le pays où les
gens savent vivre. Je voulais cuisiner pour ceux qui peuvent apprécier." Dès
son arrivée, il trouve un poste de chef. Jusqu'en 1980, il enchaîne les restaurants et
multiplie les expériences. "Ce n'est pas le salaire qui me motive, c'est
apprendre et chercher à toujours faire mieux, explique Fung Ching. D'ailleurs,
pendant les coupures, les jours de congé, les vacances, je travaillais aussi chez moi où
j'avais installé une cuisine presque professionnelle."
En 1980, M. Chen ouvre son premier restaurant à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne).
D'une capacité de 56 places avec un ticket moyen à 150 F, il fait ses premières armes
et peut enfin laisser s'exprimer son talent à sa guise. A la fin des années 80, il se
met à chercher un emplacement sur Paris où il pourra toucher une clientèle plus aisée.
Après cinq ans de recherche, il trouve enfin un fonds dans ses prix (1,20 MF). Mais
l'ancienne pizzeria nécessite de gros travaux. Fonds inclus, l'investissement se monte à
5 MF. Le Soleil d'Est ouvre ses portes en août 1993. L'établissement connaît des
débuts difficiles mais le bouche à oreille, aidé par quelques articles élogieux, lui
sauve la mise. Puis en 1996, le guide Michelin l'intègre dans ses colonnes.
Le Demi-canard pékinois
"L'authentique cuisine chinoise se doit d'être composée de produits frais. Nos
arrivages de poissons en fonction du marché sont journaliers. Nos viandes, nos volailles
sont d'origine contrôlée. Ceci afin de satisfaire votre plaisir gustatif."
C'est par ces quelques mots en guise de mise au point que commence la carte. Canard de
Challans, poularde de Bresse... Fung Ching sélectionne ses produits avec précaution.
"La base, c'est la cuisine chinoise traditionnelle que je modifie à ma façon. Je
veux faire une cuisine qui sorte de l'ordinaire. Mais l'important, c'est que les clients
soient contents de ce que je fais avec mes mains", dit Fung Ching Chen. A la
carte : Cuisses de grenouilles sautées, au sel et poivre de Se Tchuang, Crêtes de coq à
la façon mandarin, Turbot aux saveurs extrêmes et son squelette. Mais son plat fétiche,
c'est le Demi-canard pékinois M. Chen en 3 services qui représente 80 % des ventes.
Avant l'étoile, M. Chen réalisait une moyenne de 30 couverts/jour pour une capacité de
40 places. Depuis deux mois, effet Michelin oblige, les réservations affluent. "Je
me limite à 55 couverts/jour. Je ne veux surtout pas que les clients repartent déçus et
je tiens à conserver cette étoile", dit Fung Ching Chen. n
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(1) C'est la troisième fois, après La P'tite Tonkinoise (1981) et Tan Dinh (1985), qu'un
restaurant de cuisine asiatique décroche un macaron Michelin.
Chen-Soleil d'Est
15 rue du Théâtre
75015 Paris
Tél. : 01 45 79 34 34
Fax : 01 45 79 07 53
"La base, c'est la cuisine chinoise traditionnelle que je modifie à ma
façon."
Parlons chiffresCapacité 40Nombre de couverts par jour
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L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999