m Patricia Alexandre Le Naour
Au début, tout a vite souri pourtant à Christian Plumail. A peine sorti de l'école hôtelière de Nice, il se lance dans une folle aventure avec beaucoup de passion. Il reprend l'Auberge Esterel à Juan-les-Pins et sa passion paye, c'est immédiatement le succès. En 1988, il y décroche une étoile. Tout marche très bien : "On était complet un mois à l'avance", se souvient-il. Vite, il se sent à l'étroit, les clients viennent de partout, il a envie de faire toujours mieux et vend l'affaire pour avoir plus grand. C'est toujours dans la région qu'il compte consolider son savoir-faire et on le retrouve à La Colle-sur-Loup où il décroche une étoile peu de temps encore après s'être installé. Les clients viennent nombreux mais Christian Plumail n'est pas chez lui : la maison rencontre des problèmes de gestion. Sa déception est alors à l'image de la passion qui l'anime depuis le début et qui l'amène à toujours vouloir faire mieux. Aussi décide-t-il de partir loin de la Côte d'Azur, loin de chez lui et de voler de ses propres ailes vers d'autres cieux. C'est aux Etats-Unis qu'il va aller chercher la sérénité. Il passe quelques années en Californie avant de revenir chez lui, à Nice. Une fois de plus, il va repartir à zéro mais cette fois, il veut prendre son temps avant de reprendre une affaire et accepte d'intervenir en tant que conseil auprès d'un restaurateur avant de devenir son associé. C'est ainsi qu'il arrive à l'Univers, un établissement qui n'a rien de gastronomique, rien de plus qu'une brasserie très bien placée à quelques pas de la mairie et du marché aux fleurs mais il reste un peu distancié de ce qui s'y passe et ne s'implique pas vraiment dans la gestion jusqu'au jour où il réalise que les choses vont très mal : le passif est lourd, 2 MF. A partir de ce moment-là, tout va très vite. Christian Plumail reprend les choses en main, se sépare de son associé, restructure l'équipe, ne garde que 9 personnes, ferme 3 jours pour repeindre le restaurant, établir une nouvelle carte, une nouvelle formule et entamer une procédure de redressement judiciaire. "J'ai vécu des choses très dures, très lourdes, je n'ai été soutenu par personne d'autre que par mon personnel qui a cru en moi, qui a fait le pari qu'ensemble nous allions réussir. En cuisine, personne n'est issu d'un restaurant étoilé, tous sont plus formidables et motivés les uns que les autres. Cette étoile, c'est pour moi le plus beau cadeau que je pouvais leur faire, elle nous donne enfin les moyens de faire du bon travail, le restaurant est plein, les clients réservent à l'avance, on peut acheter de la belle marchandise. C'est un grand bonheur pour moi parce que ça me conforte dans mon raisonnement : dans la vie, il faut faire ce que l'on sait bien faire !"
Pari gagné
Quand voici moins de 2 ans il a changé de cap, personne n'y croyait... sauf lui. La carte
brasserie a disparu, sur les 600 m2 disponibles il n'en utilise plus que 200 m2 "pour
faire de la qualité". Il veut être champion du meilleur rapport qualité/prix
et revendique ses racines. "Ça fait 20 ans que je fais ce métier, que je fais
les marchés. Je suis niçois, je connais les paysans, les meilleurs endroits pour acheter
les meilleurs produits." Sa carte est changée tous les jours : "Le
premier investissement a été l'acquisition d'un traitement de textes. Ça nous permet de
toujours tenir compte de la marchandise que l'on trouve." A la carte au hasard :
Barbajuan au Stockfisch, Homard au pistou, Petite soupe de coquillages aux truffes du pays
varois, Agneau de lait artichauts violets rôtis aux poivrons. Un menu dégustation Retour
des marchés niçois à 350 F mais aussi une formule affaires à 100 F. Pour réussir à
faire de la qualité, il se limite à 35 couverts par service et... il refuse du monde.
Pas question de se laisser griser par le succès que l'étoile lui confère : "Je
ne travaille pas pour l'argent, je veux juste garder les pieds sur terre, payer mes dettes
et rendre mes clients heureux. Je connais parfaitement le prix de chaque chose, j'ai mis
un an à trouver mes marques et je ne veux perdre aucun client. Je me suis mis un point
d'honneur à réussir ici. Je suis devenu adulte, je suis là pour construire, je suis
heureux dans ma vie, dans ma maison avec mon équipe et mes clients, j'ai eu raison de
persévérer, cette étoile en est la preuve, alors je continue !"
Et Christian Plumail retourne en cuisine retrouver son équipe. Il a appris que le bonheur
pouvait être à portée de main de celui qui voulait le prendre. Il est devenu serein et
croit maintenant à sa bonne étoile. A Nice il est, à Nice il reste, il y a de la place
pour une table de qualité. La preuve, il joue à guichet fermé ! n
L'Univers de Christian Plumail
54 boulevard Jean Jaurès
06300 Nice
Tél. : 04 93 62 32 22
"J'ai eu raison de persévérer à Nice."
Christian Plumail se limite à 35 couverts par service pour faire de la qualité.
Parlons chiffresTicket moyen 290 F CA Nombre de couverts |
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999