"C'est une grosse responsabilité ! Je suis le premier étoilé à Sens depuis vingt-huit ans. Avant, nous étions déjà extrêmement attentifs à nos produits et nos préparations, il va nous falloir encore plus de concentration." Pour Patrick Gauthier, même s'il l'espérait, sa première étoile Michelin est arrivée par surprise, mais "elle vient récompenser huit années de stabilité et de travail d'équipe avec les trois mêmes cuisiniers". Patrick Gauthier, 37 ans, propriétaire et chef de son restaurant, a été éveillé à la cuisine dès son enfance "par ma grand-mère, une vraie grand-mère qui me faisait des gaufres quand je regardais Zorro à la télé". Après un apprentissage dans l'Yonne, à la Vieille France, le jeune cuisiner fait ses classes à Paris, son CAP en poche. Il passe entre autres chez Lamazère, spécialiste de la cuisine du Sud-Ouest, de la truffe et du foie gras, à la Tour d'Argent, dans l'Atelier du Maître Albert et au restaurant La Marée, toujours à Paris. En 1990, Patrick Gauthier décide de revenir dans l'Yonne et rachète un vieil hôtel-brasserie. Il en fait un restaurant gastronomique, La Madeleine. "Nous avons tout cassé à l'intérieur, tout refait, et nous sommes partis de zéro", se rappelle-t-il. Les cinq premières années sont fastes, le chiffre d'affaires ne cesse d'augmenter, et le restaurant crée son fonds de clientèle actuel, plutôt des hommes d'affaires et des personnes à partir de 60 ans. Pourtant, en 1995 et suite à une grave crise économique à Sens, les affaires baissent dangereusement. Patrick Gauthier réagit en créant, en bas de son établissement, un bar à vins avec un menu unique. C'est un succès, qui assurera la pérennité de l'ensemble de la maison.
Une cuisine pleine de sensibilité
Dans un espace décoré de manière légère, "provincial et pastel" avec fleurs
et boiseries, mis en valeur par un bon éclairage, le chef de La Madeleine sert une
cuisine classique "précise et pleine de sensibilité". "J'essaie
de prendre totalement en compte le produit, d'y réfléchir sans cesse pour l'amener à
son top, explique Patrick Gauthier. Ce n'est pas si facile. Si je prends l'exemple
de la volaille de Bresse, il m'a fallu un certain temps pour comprendre toute la
subtilité de ce produit." Pour les viandes et les poissons, Patrick Gauthier
fait ses achats directement chez les producteurs, éleveurs ou marins-pêcheurs. Pour les
autres produits, il se fournit à Rungis "où il se rend dix fois par an, à
chaque changement de carte", choisissant ses produits de manière méticuleuse.
Fort de son étoile, il a décidé de moderniser son établissement. Ayant fait appel à
un architecte troyen de renom, Dominique Honney, le chef souhaite transformer le hall
d'entrée en cuisine ancienne, afin de mettre ses clients dans une ambiance qu'il
affectionne, avec une formule "si l'on passait par la cuisine". "J'aime
cette phrase, souligne-t-il, car la cuisine c'est toute ma vie, j'y suis du matin
au soir, et je veux faire partager ma passion." Patrick Gauthier envisage
également de diminuer sensiblement le nombre de couverts, afin que le passage de gourmets
dans son restaurant "reste un moment d'exception, qui est impossible s'il y a trop
de monde". Quand il n'est pas dans sa cuisine, le chef se transforme en
pédagogue et va donner des cours au Château de Fey, une école anglo-américaine proche
de Joigny. Ainsi, les fourneaux ne sont jamais loin et il respecte l'adage qu'il a fait
sien : "cuisinier avant tout". n
La Madeleine
1 rue d'Alsace-Lorraine
89100 Sens
Tél. : 03 86 65 09 31
Fax : 03 86 95 37 41
Un goût de la cuisine éveillé par "ma grand-mère qui faisait des gaufres
quand je regardais Zorro à la télé".
Parlons chiffresInvestissements 3,85 MF Nombre de couverts 30 (45/jour) Prix moyen 370 F Menus Chiffre d'affaires Effectif 10 à plein temps |
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999
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