m Nadine Lemoine
Frédéric Anton, 34 ans, n'a
jamais eu la vocation. Originaire des Vosges, à Contrexéville, sa famille n'a aucun lien
avec la restauration. Et à l'adolescence, il se voit plutôt ébéniste. Refusé en
ébénisterie, il intègre le lycée hôtelier de Gérardmer et c'est la révélation !
Frédéric enchaîne CAP de cuisine classique et CAP de pâtissier. Pendant sa dernière
année au lycée, il fait des extras au Grand Hôtel Bragard qui lui donnera son premier
poste de commis. Puis, il part pour Nancy, 1er commis de Gérard Veissière au Capucin
Gourmand (1 macaron). "Un chef de cuisine passionné qui s'est beaucoup occupé de
moi", se souvient-il aujourd'hui, reconnaissant des conseils et encouragements
prodigués à un moment charnière. Sa voie, ce sera la gastronomie !
En 86, après son service militaire à Nancy, en cuisine, pour le cercle des officiers, il
prend le guide Michelin et envoie une centaine de lettres. "Dans les réponses
positives, il y a Robert Bardot, restaurant Le Flambart à Lille, 2 étoiles Michelin,
MOF. Pour moi, c'était la voie à suivre pour encore évoluer. Deux ans extraordinaires,
en tant que chef de partie, où j'ai appris l'innovation dans les recettes, la
créativité." En 87, c'est au tour de Gérard Boyer, au Château des Crayères
à Reims (3 étoiles), de lui ouvrir ses portes : "Une nouvelle étape. C'était
le luxe, la qualité, le produit. Une cuisine merveilleuse."
Et puis, en 89, après de nombreuses tentatives, Frédéric reçoit le feu vert de Joël
Robuchon qui l'embauche dans son restaurant parisien, Jamin (3 étoiles). "Joël
Robuchon, pour moi, c'est le meilleur !, s'exclame Frédéric Anton. C'est
quelqu'un qui sait tout faire, qui voit tout. Il est minutieux et d'une exigence totale
dans le travail. Il veut toujours le meilleur produit. Il faut toujours faire mieux et
avec lui, on apprend la régularité, c'est essentiel ! Il m'a tout appris." Chef
de partie tournant (sans poste fixe), il passe second au bout de quelques mois suite au
départ d'Eric Lecerf. Un an et demi plus tard, le poste de chef de cuisine se libère,
nouvelle promotion pour Frédéric. Il a 26 ans. "Il y a du travail, certes, mais
aussi une part de chance. Je suis arrivé à une période où c'était mon heure",
reconnaît Frédéric qui restera aux côtés de Joël Robuchon jusqu'à la fermeture de
Jamin, puis celle du restaurant de la rue Raymond Poincarré. Soit 7 années.
Vivre au présent
C'est en 97 qu'il arrive en tant que chef des cuisines au Pré Catelan (1 macaron),
restaurant créé au début du siècle en plein cur du bois de Boulogne et repris
par la société Lenôtre en 76. Une année plus tard, pari réussi, la première étoile
est conservée. Dans la foulée, en 99, une deuxième étoile. "En toute
honnêteté, je n'ai eu aucun bruit sur le Pré Catelan. Mais, si elle n'était pas venue,
j'aurais été déçu parce qu'on a tous travaillé pour. J'en ai eu les larmes aux yeux, confie
Frédéric Anton. J'ai 18 cuisiniers, la même équipe depuis deux ans, et elle leur
revient aussi. Tout seul, on n'est rien !"
Oursin moelleux, cuit en coque, fumet léger de céleri, Endive confite en cocotte,
caramel au pain d'épice, Sole cuite au naturel, glacée d'un fin comté, marinière de
lentilles et bigorneaux, jus de civet... Une carte bien fournie, équilibrée
viande/poisson, qui change 4 fois par an avec des produits de saison. "Je ne veux
pas définir ma cuisine. Je suis en constante évolution et je ne veux pas être enfermé
dans une case. J'essaye de faire tout et surtout de contenter la clientèle. Tout ce que
je peux dire, c'est que je fais bien à manger", dit-il dans un sourire.
Frédéric Anton n'est pas homme à se projeter dans l'avenir. A l'image de son parcours,
il procède avec méthode, par étape. Aujourd'hui, son but, c'est de confirmer cette
deuxième étoile et de "devenir l'un des meilleurs deux étoiles". Et
"Merci à tous ceux qui m'ont aidé et conseillé depuis ma première place. J'y
tiens beaucoup", conclut Frédéric Anton. n
Le Pré Catelan
Bois de Boulogne
75016 Paris
Tél. : 01 44 14 41 44
Fax : 01 45 24 43 25
"Pour réussir, il faut y croire, se battre, en faire plus que les autres.
Dans chaque maison, j'essayais d'être le meilleur à mon poste", explique Frédéric
Anton.
Parlons chiffresCapacité 70 couverts Nombre couverts/jour 110 Ticket moyen675 F Menus 550 F, 690 F CA 98 19,20 MF Effectif 33 (18 en cuisine, 15 en salle) |
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999