m Olivier Lacour
"Leur choix prouve qu'il n'est pas nécessaire de se conformer à un moule pour être étoilé", se réjouit l'intéressé. Le jeune cuisinier alsacien, pur produit de la filière régionale d'apprentissage, n'est pas inconnu des lecteurs du guide rouge : en 1992, son restaurant précédent (Au Foyer des Pêcheurs à Illkirch) avait reçu la même distinction. Quelques années plus tôt, il avait fréquenté les cuisines du Buerehiesel à Strasbourg. Arrivé à Obernai en 1996, Bruno Sohn a été attiré par les boiseries intérieures presque centenaires de l'ancienne pizzeria implantée dans l'hostellerie des Ducs d'Alsace. La salle attenante constitue, avec ses banquettes et ses peintures, l'archétype de la winstub alsacienne. Après avoir investi 1,5 million de francs dans la reprise du fonds, la restructuration de la cuisine et la décoration, le chef a proposé pendant deux ans une carte gastronomique traditionnelle à sa clientèle obernoise. Avec succès, puisque l'établissement comptait l'an dernier neuf collaborateurs pour un chiffre d'affaires de 2,8 millions de francs. "En octobre, j'ai senti que la conjoncture allait changer", raconte Bruno Sohn. "Alors, j'ai tout modifié : la carte, les horaires d'ouverture, et le personnel qui a été réduit de moitié." Depuis cette date, la Table de Bruno n'est plus dressée que le soir et le dimanche à midi. "C'est largement suffisant pour une petite ville comme Obernai", commente Bruno Sohn, qui draine toutefois une clientèle sur une centaine de kilomètres à la ronde.
Une grande flexibilité
La formule du menu unique présente, selon son promoteur, plusieurs avantages. "Dès
le dimanche après-midi, je cible les produits que je travaillerai en semaine. Les plats
ne prennent forme que le matin, au marché." Outre cet aspect créatif, la
formule présente également un avantage de rentabilité : la Table de Bruno affiche un
coût matière de 30 à 32 %, et les frigos sont quasiment vides chaque soir. Le rapport
qualité-prix alléchant du menu complet incite les clients à faire preuve de fantaisie
dans le choix des vins. La petite carte, présentée dans un cadre en bois, ne propose que
25 références sur 300 disponibles en cave. "En effectuant cette présélection,
je ne propose que des vins prêts à boire et j'oriente favorablement la rotation de mes
stocks", dit Bruno Sohn. Les plats imposés conduisent les clients à accorder
une confiance totale au cuisinier. "Dans un rapport aussi privilégié avec mes
hôtes, tout dérapage et toute tricherie sont interdits", reconnaît le chef. La
fidélisation de la clientèle impose une créativité sans cesse renouvelée : les
réservations s'effectuent en moyenne une semaine à l'avance, mais le menu n'est annoncé
que le jour même. Mais si un plat vient à déplaire au client, Bruno Sohn dispose
toujours d'une "roue de secours" à accommoder sur demande. Côté projets,
Bruno Sohn n'affiche pas une volonté à revenir à une formule de carte classique ni
même à ouvrir sa table à midi : "Michelin et les clients me font confiance, la
rentabilité est satisfaisante : pourquoi changer ?" Pourtant, il se verrait bien
d'ici quelques années à la tête d'un hôtel-restaurant, pour "vendre du
sommeil, le prolongement naturel d'une soirée au restaurant". Mais les 19
chambres de l'établissement voisin ne sont pas à vendre. n
A la Table de Bruno
6, rue de la gare
67210 Obernai
Tél. : 03 88 48 33 38
Il n'est pas nécessaire de se conformer à un moule pour être étoilé.
Parlons chiffresInvestissements Nombre de couverts Prix moyen Prix unique du menu 300 francs Exemple de menu Chiffre d'affaires annuel (prévisionnel) Effectif 4 |
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999