m Jean Bernard
"Je suis
admiratif de la passion qui te motive dans ce beau métier de cuisinier. Bravo d'être un
exemple !" En lisant, parmi des dizaines de lettres ou de fax transmis par les
plus grands chefs français, ce courrier de Christian Germain, étoilé lui aussi au
Château de Montreuil, Robert Bardot affiche une émotion de jeune homme ému par un
compliment.
Pourtant, une barbe plus sel que poivre témoigne d'une évidente maturité. Mais à 64
ans, il ne doute de rien et parle de son installation en Provence comme d'une cure de
jouvence...
"Tout a commencé il y a trois ans, lorsque nous avons acheté ce restaurant où
nous étions venus un jour comme clients. Les négociations ont un peu traîné mais
finalement la transaction s'est faite et nous avons ouvert le 18 mai 1996." A
cette époque, Sabine et Robert Bardot venaient de couper les ponts avec Lille après de
longues années d'activité. Dans le Nord, ils avaient tout connu depuis l'ouverture du
Flambard à l'automne 1973. Une étoile au Michelin, cinq ans plus tard, trois toques au
Gault et Millau, presque dans la foulée, et en 1984 une deuxième étoile témoignait
autant du talent du cuisinier que du succès de l'homme d'affaires. "En
parallèle, nous avons créé La Porte de Gand qui nous a valu d'être à nouveau
récompensés par une étoile..."
Une autre vie
Mais une certaine lassitude commençait à gagner le couple. Un mélange de raisons
personnelles et professionnelles les conduit alors à mettre un terme à la période
lilloise. Un tel point de non retour qu'ils ne veulent plus aujourd'hui en reparler et
encore moins envisager de repartir là-bas. Un adieu sans remords...
D'autant plus logique qu'à Vaison-la-Romaine ils ont trouvé, l'un et l'autre, une vie
différente. Et pendant que Sabine Bardot, archéologue et numismate de formation, affirme
"que cette étoile est la plus belle parce que c'est celle où elle s'est le plus
impliquée", Robert lâche avec humour qu'il prend le temps de faire la sieste,
qu'il a le sentiment d'avoir rajeuni sur le plan physique et même un peu côté
caractère. Et surtout qu'il est davantage passionné qu'avant.
Signe aussi de cette rupture, la crème brûlée, si attachée à l'image du Flambard, a
cédé la place au millefeuille alors que le plateau de petits fours est devenu
assortiment de fruits confits maison.
Le MOF fait ses preuves
Un nouveau départ dans la vie qu'ils ont voulu discret, pour ne pas débarquer en terrain
conquis dans ce coin du Vaucluse, au pied du Mont Ventoux. "J'ai notamment vite
compris, poursuit Robert, qu'il ne fallait pas raconter d'histoires aux petits
producteurs locaux dont on souhaitait faire ses fournisseurs. J'ai donc choisi de rester
humble, dans un premier temps, et de leur montrer, ensuite, ce que je savais faire.
Aujourd'hui, on se comprend, on s'apprécie, et mes fleurs de courgettes, je vais les
cueillir moi-même." Le Meilleur ouvrier de France (1976) qui ne travaille
qu'avec un second en cuisine a vite fait évoluer son savoir pour parfumer sa carte aux
aromates et épices de Provence.
Au point que son Moulin à Huile, avec sa vaste terrasse ouverte sur l'autre rive de
l'Ouvèze, sa salle aux pierres mises à nue et sa lumineuse véranda sont devenues
l'ambassade d'une gastronomie ensoleillée marquée par une pointe d'accent
méditerranéen. En particulier pour la clientèle étrangère qui, en saison, assure
près de 80 % de l'activité.
C'est pour ceux qui font l'effort de venir de très loin, notamment, que Sabine Bardot est
partie à la découverte du vignoble afin de sélectionner une centaine de références
issues des côtes du rhône. De quoi offrir un panorama assez large aux nouveaux visiteurs
de son restaurant. Car les effets d'une promotion dans le guide rouge ont été rapides.
Le week-end commence dès le jeudi et Robert souligne aussi un gain de régularité.
"Mais ce plaisir, nous sommes surtout heureux de le partager avec toute une
région qui nous a aussi vite adoptés", conclut ce chef jamais inactif - il
peint et ses aquarelles servent de support aux menus de fêtes - et encore ambitieux.
"Le rêve, c'est désormais d'obtenir ici une deuxième étoile. En continuant à
travailler comme nous le faisons depuis le début. Entre nous, sans maître d'hôtel ni
sommelier, en exprimant simplement dans notre cuisine le bien-être que nous inspire ce
pays." n
Le Moulin à Huile
Quai Maréchal Foch
Route de Malaucène
84110 Vaison-la-Romaine
Tél. : 04 90 36 20 67
Fax : 04 90 36 20 20.
"Mais ce plaisir, nous sommes surtout heureux de le partager avec toute une
région qui nous a aussi vite adoptés."
Parlons chiffresOuverture
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L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999