m Nadine Lemoine
C'est grâce à un
fax de félicitations de Bernard Loiseau, confirmé quelques minutes plus tard par celui
d'Alain Passard, que Catherine Delaunay, propriétaire du restaurant La Luna et son chef
Christian Rocher ont appris leur bonne fortune. "J'ai été surpris mais pas
étonné, dit Christian Rocher. Parce qu'une étoile Michelin, c'est de la rigueur,
du travail et de la passion et lorsque l'on applique ses trois valeurs fondamentales tous
les jours en essayant de faire toujours mieux ce que l'on a déjà bien fait la veille,
ça ouvre des perspectives... Le guide Michelin n'a fait que me confirmer le travail que
je fais depuis trois ans et demi." Deux maîtres, Georges Landriot et Alain
Passard, beaucoup de travail personnel, le jeune Orléanais a derrière lui un beau
parcours "sans brûler les étapes".
A 16 ans, Christian Rocher partage son temps entre Ferrandi et le restaurant parisien Chez
Jenny où il effectue son apprentissage. "Ça me plaisait mais sans plus. La
passion est venue plus tard quand j'ai découvert une autre cuisine que celle de l'école."
Avec son CAP, le jeune commis fait ses classes à La Patinière à Viry-Châtillon, en
région parisienne, "avec M. Abelard et Daniel Le Quéré en cuisine, c'est là
que tout a commencé et que j'ai découvert une cuisine qui me plaisait. Ça m'a ouvert
les yeux".
Autre étape importante, la révélation en 83 : il entre chez Goumard à Paris (un
macaron obtenu en 85) en tant que chef de partie puis sous-chef de cuisine auprès de
Georges Landriot. Il y restera 7 ans. Pendant cette période, profitant de ses coupures,
il entreprend de passer un brevet professionnel cuisine à l'école hôtelière de Paris
(Médéric) ce qui lui permet de "revoir toutes les bases à fond avec Michel
Maincent, un très grand prof".
Le mentor Alain Passard
Sa première place de chef, c'est en 91, à La Grande Sirène à Versailles, dont il fait
l'ouverture. L'année suivante, pour Christian Rocher, alors âgé de 33 ans, c'est la
consécration avec une première étoile Michelin à son tableau de chasse. En 95, il
fête son anniversaire chez Alain Passard : "J'ai le coup de foudre pour sa
cuisine." Pendant un an, pour se perfectionner, il sera son second. "J'ai
découvert Alain Passard sur le tard, à 35 ans, mais il m'a donné les points de repère
qui me manquaient pour mon évolution personnelle", confie-t-il. Puis, en 96,
Christian rejoint La Luna, restaurant spécialisé dans le poisson, qui a ouvert ses
portes en 92.
"Cela fait 14 ans que je ne fais que du poisson. Le poisson, j'adore ça et j'aime
le travailler, déclare Christian Rocher. Ma cuisine, c'est le produit. On doit le
mettre en avant. C'est une cuisine créative mais dépouillée où aucune technique de
cuisson, aucun jus, ou aucun parfum ne vient le martyriser. On doit sublimer le produit.
Tous les poissons que je reçois, je les goûte crus. Grâce à leur texture, je sais si
je dois les cuire, les préparer en tartare ou en carpaccio. Qualité du produit, cuisson
et assaisonnement, ce sont les trois bases essentielles." Les plats préférés
des clients qui sont aussi les siens : Filets de rouget barbet à la provençale, Daurade
royale au gingembre en feuille de bananier, Homard breton en cassolette et lard fumé. A
La Luna, pas de menu. La carte change tous les mois et suit les saisons. Le ticket moyen
atteint 450 F et les prix, malgré cette étoile, ne bougeront pas.
Après deux postes de chef et deux fois une étoile, comment Christian Rocher voit-il son
avenir ? "La Luna, c'est ma dernière étape. La dernière fois que je travaille
pour un patron. Aujourd'hui, j'ai 40 ans. Je ne quitterai pas La Luna pour aller
décrocher une étoile dans un autre restaurant. Si je quitte La Luna, ce sera pour avoir
ma propre affaire." n
La Luna
69 rue du Rocher
75008 Paris
Tél. : 01 42 93 77 61
"Le maître-mot, c'est l'honnêteté. Il faut être honnête avec les produits, les
clients, les gens avec qui l'on travaille et envers soi-même."
Parlons chiffresCapacité 45Nombre de couverts par jour 50Ticket moyen 450 FChiffre d'affaires 5 MFEffectif 9 (4 en cuisine, 5 en salle) |
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999