Redonner au Grand Hôtel de l'Opéra, situé place du Capitole à Toulouse, les 37 chambres que l'incendie de novembre 1996 avait détruites était un défi. Un défi du cur et un défi économique que les nouveaux propriétaires, les frères Rouleau, ont relevé avec passion. Tombés sous le charme de cet établissement, ils viennent en effet d'investir 10 MF de plus dans cette réfection confiée à l'architecte d'intérieur toulousaine Elisabeth Drapeaud. Le chantier a débuté en février 1998. Fermées durant l'été pour des travaux de finition, les chambres sont en exploitation depuis l'automne dernier. Les gérants de l'hôtel, Jean-François Guillon et Michèle Drouin, ont préconisé un montage financier sur la base d'un TO de 60 % pour un prix moyen annuel de 600 F par chambre. Or deux mois après sa relance, le Grand Hôtel réalisait le meilleur TO, à 87,4 %, ainsi que le meilleur prix moyen de l'hôtellerie toulousaine, à 747 F la chambre (sur septembre-octobre). Rassurés, les frères Rouleau viennent de décider de rénover sans tarder les 13 chambres que le feu avait épargnées ainsi que le bar de l'établissement, l'ensemble étant à rehausser au niveau des chambres refaites. Les travaux se déroulaient cet hiver.
Les meubles fabriqués en Tunisie
"Ce projet est à l'inverse de tout ce que j'avais fait jusqu'à présent, explique
Elisabeth Drapeaud, car, dans cet hôtel, il n'y a pas un couloir, une chambre, une
fenêtre ou une hauteur de plafond qui soit identique à l'autre. On ne peut rien y faire
deux fois de la même manière." Ancien hôtel de préfecture métamorphosé en 4
étoiles il y a vingt ans, l'Opéra occupe en effet plusieurs corps de bâtiment
distribués en couloirs, espaces ou escaliers dérobés qui en font un lieu d'intimité
magique et baroque. Il compte aussi quelques chambres de petite taille. Surprenantes au
regard des formats standard des 4 étoiles, ces chambres désormais refaites sont comme
des écrins. "Un peu curieusement, le Grand Hôtel de l'Opéra était davantage un
hôtel à part dans l'esprit des gens et de ses clients que dans la réalité. Je crois
que le produit était en danger et que cette rénovation était risquée car il fallait
garder tout ce qui fait le charme de l'hôtel, y compris dans la mémoire des gens",
explique Jean-François Guillon. Le thème de la reconstruction des chambres et la couleur
générique étaient bien sûr tout trouvés : le rouge opéra. Les murs sont ainsi
recouverts de tissu tendu (Lelièvre), les rideaux sont des Braconnier (distribué par
Pierre Frey) et tout évoque l'univers raffiné du monde de l'opéra, un monde de rêve.
Autres prestataires : Dominique Alet (architecte gros uvre) à Toulouse ;
l'entreprise Bixio (staffeur) à Toulouse ; la société Galinier
(menuiserie-ébénisterie) à Mazamet ; Fabien Laborde (tentures murales des lits et
dessus de lit) à Toulouse.
Les meubles (lits, tables de nuit, fauteuils, bureaux, bibliothèques, etc.), luminaires,
boutons, poignées de porte ont été dessinés par Elisabeth Drapeaud et fabriqués en
Tunisie, ainsi que les nombreuses boiseries aux teintes chaudes. D'une chambre à l'autre,
la dimension des lits ou des bureaux n'est pas la même. Certains détails ont été plus
que peaufinés, Elisabeth Drapeaud ayant carte blanche. 10 prototypes ont ainsi été
réalisés pour les pieds des bureaux. "Elle a fait ce qu'elle a voulu,
résume Jean-François Guillon, et si les lampes n'étaient pas tout à fait de la
bonne couleur, elle les faisait aussitôt renvoyer en Tunisie." Bien que neuves,
les chambres semblent déjà patinées par le temps, en harmonie avec le marbre des salles
de bains, habitées par une âme. L'illusion est parfaite. n
L'HÔTELLERIE n° 2612 Magazine 6 Mai 1999