"Il ne faut pas être du métier pour se lancer là-dedans ou alors il faut avoir beaucoup d'argent", plaisante Jean-Bernard Oggero, 41 ans, qui a créé La Rose Noire le 5 décembre 1994, soit au plus mauvais moment de l'année pour ouvrir un établissement de ce type. Les douze premiers mois ont été très difficiles, avec 8 000 couverts et un vrai problème à résoudre : il n'y avait personne en semaine mais il fallait refuser du monde tous les week-ends. "Ça s'est arrangé quand on s'est doté d'une structure commerciale et qu'on s'est résolument tourné vers les entreprises, qui représentent aujourd'hui 80 % de notre chiffre d'affaires." A partir de 200 F (boissons non comprises), La Rose Noire propose, du mardi au samedi, un repas (de 20 h 30 à 22 h 30), une revue d'une heure trente (6 danseuses) conçue et mise en scène par le chorégraphe James Carles, et accueille quelques jeunes talents (magiciens, imitateurs, etc). A minuit, soirée dansante.
Trouver son positionnement
La formule a été assez longue à roder en raison de la difficulté, pour une équipe
relativement réduite, de préparer et servir un grand nombre de repas en très peu de
temps. "On a fait l'erreur d'ouvrir avec une carte trop vaste, ce qui posait des
problèmes en cuisine. On a résolu la difficulté en se limitant à des formules viande
ou poisson et deux choix d'entrées. Pour les groupes de plus de 10 personnes, on se met
d'accord avant et on leur propose un menu unique", explique Jean-Bernard Oggero.
Au programme, orchestré par le chef Jean-Philippe Parenté, "de la cuisine du
terroir et pas du tiroir-caisse" : foie gras maison, foie chaud, filets de
buf, poisson, profiteroles maison. "Nos clients viennent pour passer une
agréable soirée et, on les connaît, ils regardent ce qu'il y a dans l'assiette, ça
fait partie du bonheur."
Les entreprises comme locomotive
Dans sa stratégie commerciale, La Rose Noire fait porter le plus gros de ses efforts
(participation à des salons, mailings, phoning, prospection) sur les entreprises. Elles
permettent, à travers les CE, les repas d'anniversaire, les fêtes de fin d'année, etc.
de faire découvrir l'établissement et de générer une clientèle individuelle, les gens
venant une deuxième fois avec des amis ou en couple pour faire découvrir le lieu. Les
autocaristes et les clubs du 3e âge sont aussi démarchés. Dans le but d'inciter les
décideurs et d'installer son nom, La Rose Noire dépense sur un an environ 100 kF en
publicité (presse quotidienne et hebdomadaire de spectacle). "Pour pérenniser
l'entreprise, on estime qu'il faut que les clients reviennent chez nous au moins une fois
tous les deux ans. Nous devons donc les fidéliser, explique Carole Riot, chargée de
clientèle, et étaler leur venue sur tous les jours de la semaine."
Extension obligatoire
Lassé de refuser du monde le week-end alors que certains soirs, en semaine, le spectacle
est annulé faute de monde ("On ne joue pas à moins de 20 couverts, ce serait de
la folie"), Jean-Bernard Oggero a porté de 150 à 200 places la capacité
d'accueil de La Rose Noire. En progression constante, le nombre de couverts servis
atteignait, à la fin de l'année 1998, 16 000 (contre 8 000 couverts la première année,
11 000 la seconde, 13 000 la troisième) pour un effectif salarié d'une vingtaine de
personnes, la plupart à temps partiel, y compris les danseuses. "On perd de
l'argent depuis quatre ans mais là je crois qu'on est bon, on devrait arriver à
l'équilibre." A ce stade de développement (3 MF de chiffre d'affaires) deux
solutions s'offrent à La Rose Noire soit elle garde le même cap, prudent, soit elle
programme des vedettes de cabaret. "Si je fais passer de grosses pointures de
temps en temps, je vais me sentir seul les jours où je ne les aurai pas. Ce qui
m'obligera à en passer tout le temps et à faire le plein 7 jours sur 7. Ce n'est pas
évident. Pour l'instant, on réfléchit." *
Jean-Bernard Oggero, créateur de La Rose Noire.
L'HÔTELLERIE n° 2616 Magazine 3 Juin 1999