m Cécile Junod
Né au début des années 80,
Oh!..Poivrier! appartient à une décennie battante, dans laquelle réussir sa vie,
c'était avant tout réussir son parcours professionnel. Une décennie élitiste où l'on
se devait d'appartenir à des clubs privés. Déjeuner Oh!..Poivrier! relevait de cette
gageure. D'ailleurs, à son origine, aucune signalétique n'indiquait ni son nom, ni la
mention "restaurant". Seuls les initiés pouvaient se rendre là pour un
déjeuner d'affaires. Une particularité inédite inhérente à son succès.
Oh!..Poivrier! est né gris. Délibérément gris. Une couleur très tendance à cette
époque. Et en fait de décor, on parlerait plutôt de non-décor, caractérisé par
l'absence totale de couleur et d'éléments décoratifs identifiés tels que des tableaux.
Le cadre n'offrait volontairement aucun repère précis pour l'il qui se perdait
indéfiniment dans une myriade de mini-miroirs aux effets démultiplicateurs. Résolument
anticonformiste, ce non-décor monochrome renforçait la notion élitiste du concept.
Nous reconnaîtrons là l'imagination et le talent de Patrick Derderian, le génial
concepteur de plusieurs enseignes phares telles que L'Amanguier, Bermuda Onion, Zébra
Square et dernièrement Café Mosaïc, pour ne citer que les principales.
Aujourd'hui, la balle est dans le camp de Didier Chenet, p.-d.g. de Oh!..Poivrier! Depuis
1993, c'est à lui que revient la délicate mission de faire glisser, en douceur, le
concept vers le troisième millénaire. Pour ce faire, il a fait appel à Xavier Lagurgue,
un jeune architecte déjà reconnu par ses concours et réalisations : "L'emprise
du discours initial était tellement forte, tellement cohérente qu'en modifier le moindre
élément était sujet à risque, explique Xavier Lagurgue. Cependant, depuis sa
création, les années ont passé et la mode a changé. Les ambiances froides et épurées
ont cédé du terrain. L'heure est davantage au bien-être et au cocooning. Et malgré son
succès, Oh!..Poivrier! ne peut se soustraire à cette tendance. Il fallait réchauffer
son cadre. Mais le danger est grand. Dès que l'on change un élément, la cohérence du
tout s'ébrèche. Ce n'est pas pour autant qu'il faut rester dans l'immobilisme. Il faut
évoluer, en veillant à ne pas dénaturer le discours originel. Et à moins de tout
casser pour recréer un autre concept, l'évolution ne peut se faire que par touches
homéopathiques."
De subtils changements
Deux ans de réflexion et quelques erreurs seront nécessaires pour réécrire la nouvelle
version de Oh!..Poivrier!. Une version sans révolution, juste marquée par de subtils
changements, seaux d'une évolution sans heurt. "Aujourd'hui, intervient
Didier Chenet, je pense que le concept le mieux abouti est celui de l'Aquaboulevard.
Les principales modifications portent sur la signalétique extérieure, l'éclairage
intérieur, le traitement du plafond, de certains panneaux muraux et du sol, ainsi que la
création d'un mobilier de terrasse. L'adjonction du bois dans le décor a apporté une
note de chaleur, sans dénaturer l'identité du lieu. D'ailleurs, les habitués ont
détecté que quelque chose avait changé, sans pour autant être capables d'identifier
précisément les modifications. C'est ce que nous souhaitions : une évolution sans
révolution." *
Complicité et complémentarité entre Xavier Lagurgue et Didier Chenet : deux
atouts maîtres pour réussir l'évolution du concept Oh!..Poivrier!
Nouvelle signalétique extérieure : un caisson lumineux et à relief. A noter que
les premiers restaurants de la chaîne ne possédaient aucune enseigne. Seuls les initiés
pouvaient se rendre là pour un déjeuner d'affaires.
Une nouvelle ligne de mobilier pour terrasse : le gris inhérent à la marque se
marie au rotin naturel. La table bistro, grise naturellement, reprend sur son plateau les
lettres de Oh!..Poivrier!
Nouvelle signalétique à l'entrée.
Carte d'identitéNom Oh!..Poivrier! |
L'HÔTELLERIE n° 2620 Magazine 1er Juillet 1999