m Lisa Casagrande
A 46 et 42 ans, Christian et
Elen Guillaud ne regrettent pas leur choix. En quatre ans, ils ont réussi à se
constituer une petite clientèle de fidèles, en misant sur la qualité et la fraîcheur
des produits.
Certes, ils ont dû, pour réussir, se séparer des deux employés qu'ils avaient au
début et les remplacer par des apprentis (un en salle, deux en cuisine) ; certes ils ne
servent encore qu'une vingtaine de couverts par jour en moyenne, pour un chiffre
d'affaires annuel d'un million de francs. Mais le ticket moyen est passé en quatre ans de
180 à 250 F. Et après avoir racheté le fonds de commerce, ils ont pu récemment
s'offrir les murs et viennent d'investir 200 000 F pour embellir leur façade, désormais
en pierres apparentes, créer un petit jardin d'accueil à l'avant et une belle terrasse
à l'arrière, installer un chauffage climatiseur dans la salle de restaurant... Leur
objectif : investir encore 500 kF dans les deux ans à venir.
Des spécialités provençales à la cuisine gastronomique...
Dans l'ancienne bergerie, qui peut accueillir une quarantaine de couverts en configuration
normale et 80 en banquet, une cheminée diffuse sa chaleur conviviale. Plafond aux poutres
apparentes et meubles anciens renforcent l'atmosphère de quiétude dans laquelle baignent
les convives.
Christian leur propose ses assemblages de recettes personnalisées, élaborées et
peaufinées au fil du temps, et qui sont venues très vite cohabiter avec les
spécialités provençales, plus simples, que proposait l'auberge lorsque le couple l'a
rachetée.
Aubergine farcie à l'orientale, Terrine de faisan aux pistaches, Filets de rouget en
nougatine, Poêlée de foies de volaille aux morilles et Chaussons de fromage de brebis,
côté entrées ; Filet de sole et homard de Bretagne à l'huile de homard et salicornes,
Pavé de biche sauce à l'armagnac, abricots et raisins secs macérés, Demi-queue de
langouste grillée sous un sabayon de champagne, côté plats, agrémentent ainsi la
carte.
"J'avais envie de faire la cuisine que j'aime, c'est-à-dire une cuisine
gastronomique, qui me paraissait par ailleurs plus apte à fidéliser une clientèle de
gourmets", explique le chef. "En démarrant, nous nous étions fixés
trois objectifs : d'abord relancer le restaurant sur la base puis introduire quelques-unes
de nos recettes et enfin déboucher sur une cuisine très personnelle qui soit la marque
de la Bergerie. Nous avons franchi toutes ces étapes en quatre ans", poursuit
Elen.
Aujourd'hui, la Bergerie table sur deux menus gastronomiques avec mise en bouche à 219 F
(entrée, plat, fromage et dessert) et 325 F (deux entrées). Elle continue cependant de
proposer une carte régionale : un produit d'appel à 109 F, le Menu du berger, qui
s'adresse à une petite clientèle de passage, d'entreprises locales ou de vieux habitués
; et un menu aux mets plus élaborés, les Saveurs du terroir, à 169 F (Râble de lapin
au romarin, Roulé d'agneau au jus de thym, Gigot de canette au miel...). "Ce menu
est en fait une 'porte d'entrée' à prix incitatif, ouvrant sur notre cuisine personnelle",
commente Christian.
Qualité et fraîcheur
Charolais label rouge acheté à un boucher de Saint-Chamas ; volailles des Dombes ;
légumes produits localement... Pour séduire, le couple veille à ce que la provenance
des produits utilisés soit constante et sélectionne rigoureusement ses fournisseurs.
"Ma carte est volontairement limitée, estime Christian, car on ne peut pas
assurer une qualité maximum sur une gamme très étendue. Elle reprend en fait les plats
des menus et je ne change ces derniers que deux à trois fois maximum dans l'année, car
une recette a besoin de temps pour s'affiner..."
Les époux accordent également une importance particulière à la cave à vins qui
comporte 115 références, car "les clients ne rechignent pas sur le prix s'ils
sont sûrs que le vin est bon". Autre atout : la cave à whisky, riche d'une
vingtaine de produits différents, dont les clients sont friands. "A 70 F le
verre, cela représente un bon rapport pour la partie bar, car les digestifs sont, eux, de
plus en plus rarement demandés", constatent-ils.
En semaine, la Bergerie tourne grâce aux repas d'affaires ; le week-end, elle reçoit
beaucoup de familles d'Aix-en-Provence ou de Marseille. Elle accueille également de
petits groupes.
"Nous sommes peu sollicités pour les mariages, remarque Elen, car la
façade du bâtiment et l'environnement extérieur ne sont pour l'instant pas à la
hauteur du cadre intérieur et de la cuisine proposée. En revanche, nous sommes
fréquemment choisis pour les remariages, car les personnes sont alors moins attachées au
tralala."
En été, la Bergerie attire également quelques touristes français, et, globalement, son
chiffre d'affaires reste stable au fil des saisons.
Souplesse maximum
Mais pour parvenir à remonter en quatre ans une affaire en déshérence, encore faut-il
savoir faire preuve de souplesse. A midi, la Bergerie est ouverte sept jours sur sept. Le
soir, elle est systématiquement ouverte en fin de semaine. Et du dimanche au mercredi,
elle fonctionne sur réservations. "Nous ouvrons, même si nous n'avons que deux
clients", précisent Christian et Elen qui ont renoncé à avoir un jour de
fermeture fixe, comme ils le faisaient au début et qui se donnent congé le soir où
personne ne s'est annoncé.
Un jour peut-être, Christian et Elen rêveront d'accrocher une étoile à leur palmarès.
Mais, pour l'instant, estiment ces passionnés réalistes, il est encore trop tôt... n
"J'avais envie de faire la cuisine que j'aime", déclare Christian.
S'unir entre amateurs de qualitéPour remercier ses clients fidèles, la Bergerie leur offre chaque année en
novembre une dégustation-découverte du beaujolais nouveau y associant progressivement
des partenaires locaux comme le marchand de vins fins et le boucher de Saint-Chamas. |
L'HÔTELLERIE n° 2620 Magazine 1er Juillet 1999