Un petit morceau de la
galaxie est tombé sur la tête de Bernard Giraudel, lorsque le dernier Michelin est sorti
dans les librairies. Son Vieux Logis, un Relais et Châteaux fort réputé en Dordogne,
implanté à Tremolat, s'est vu, avec 25 autres tables françaises, retirer son étoile,
décernée en 1991.
"Je suis surpris, déclarait-il alors, mais si Michelin m'a fait confiance
depuis si longtemps, et me retire celle-ci, je vais en trouver les raisons, et en tirer
les conséquences. La reconquête, c'est toujours stimulant." L'analyse a donc
été faite dans les détails, par cet autodidacte de 74 ans, devenu en 1984 le patron
officiel de cet établissement tenu depuis 1952 par ses parents, inscrit aux Relais en
1979 après avoir été durant 25 ans un Relais de Campagne. Car avec 43 salariés en
pleine saison et 25 en hiver, Le Vieux Logis propose toute l'année ses 26 chambres et sa
table placée sous la houlette du chef Pierre-Jean Duribreux (42 ans). Les chiffres sont
plutôt positifs : 13 MF de CA en 1998 pour 15 000 repas servis, 4 900 nuitées, des prix
moyens de 417 F par personne pour les premiers et de 1 000 F par chambre pour les seconds.
"Nous avons investi de 15 à 18 MF en quinze ans, commente Bernard Giraudel, et
nous continuons à le faire, rénovant nos locaux par tranches tous les ans. Notre
progression est constante, et hormis le Michelin, nous sommes dans les meilleurs guides.
16 au G & M, étoilés au Bottin Gourmand, etc." Pourtant, au Vieux Logis, on
estime que cette éviction est salutaire et va permettre une remise en question.
Un nouveau challenge
C'est bien ce que compte faire le responsable du Vieux Logis, orphelin d'une étoile qu'il
espère reconquérir rapidement. Partant du principe que la distinction lui a été
attribuée au titre de sa cuisine, il a pensé avec raison que son retrait venait de la
même origine, d'où un examen serré de ce département. "Il est possible que
nous nous soyons endormis sur nos lauriers, explique Bernard Giraudel. Dix ans avec
une étoile, nous nous étions habitués, et devenions somnolents. Cette remise aux normes
est donc stimulante, un challenge que nous allons relever."
Les qualités du chef ne sont pas remises en cause, et son talent culinaire encore moins,
mais Le Vieux Logis a peut-être abandonné au fil des ans la rigueur et les émotions qui
lui valurent en 1989 son premier macaron. L'imagination a peut-être en partie déserté
les assiettes, et le service a certainement connu quelques minuscules dérapages. Mille et
un petits détails, qui, pris chacun à part, n'ont guère d'importance, mais qui
rassemblés font, selon le propriétaire des lieux, un tout ayant pu faire tomber le
couperet des inspecteurs du Michelin. "Nous allons donc redresser la barre, avant
le mauvais temps, précise le propriétaire. Nous gardons bien évidemment
Pierre-Jean Duribreux, sans lequel nous ne serions pas à ce niveau, mais nous renforçons
l'équipe de cuisine autour de lui."
Redistribution des rôles
Le chef de cuisine monte en grade et devient chef de l'organisation, remplacé à son
poste par un jeune talent de 31 ans, Jean-Marc Réal, engagé le 20 mai dernier. "Il
ne va pas remplacer notre chef, il va l'épauler, souligne Bernard Giraudel. Nous
avons également recruté un directeur d'établissement, un directeur de salle et une
gouvernante, afin d'offrir à nos clients un service absolument parfait, à tous les
niveaux." Pour l'instant, la perte de l'étoile ne s'est pas fait ressentir dans
les chiffres, mais il est encore trop tôt pour en apercevoir les effets. "De
plus, notre entreprise est très saine : 3 jours de crédits pour les fournisseurs, pas de
découvert en banque, 8 % du CA réinvestis chaque année en aménagements divers."
Le patron du Vieux Logis revendique son droit à l'erreur, tout en relevant un manque
d'harmonie notable entre salle et cuisine, qui n'aura certes pas échappé à l'il
exercé du Michelin, mais qui reste en soi une rectification abordable. "Je donne
aux inspecteurs rendez-vous dans quelque temps", annonce Bernard Giraudel. n
Le Vieux Logis, un Relais et Châteaux réputé en Dordogne.
Il est possible que nous nous soyons endormis sur nos lauriers, explique Bernard
Giraudel. Cette remise aux normes est donc stimulante, un challenge que nous allons
relever."
L'HÔTELLERIE n° 2630 Magazine 9 Septembre 1999