m Sylvie Soubes
Tout spécialiste brassicole
vous le dira, les femmes furent les premières à brasser et à servir la bière. Ainsi,
dans l'Antiquité "parce la femme donne naturellement la vie, celle-ci a le
pouvoir de transformer, au sein de son chaudron, les céréales brutes en une boisson
mystérieusement désaltérante". Au Moyen-âge, c'est de mère en fille que se
transmettent les secrets de fabrication de la bière. "En 1070, souligne
Heineken, c'est aussi une abbesse, Hildegarde de Bingen, qui découvre que l'amertume
du houblon combat certaines fermentations nuisibles dans les boissons et permet de les
conserver plus longtemps..."
XXe siècle. Autres temps, autres murs. En France notamment. A l'exception des
régions productrices, la bière est une affaire d'hommes. Une boisson d'hommes ! Le
constat est restrictif, voire péjoratif. Résultat des courses, alors que le troisième
millénaire arrive à pas de géant, le monde de la bière s'interroge et tente de
rattraper le coup. Chez Heineken aussi, mais le groupe a pour lui d'avoir renoué depuis
25 ans avec la tradition des femmes brasseurs.
Sur le terrain
La Valentine, à Marseille : en 1995, après 20 ans passés à travailler à
l'élaboration et à la qualité de brassins, Martine Charlier devenait la première femme
chef de fabrication dans l'histoire des Brasseries Heineken. 1997 : 28 % des ingénieurs
en chimie-bio et en fabrication agro des brasseries Heinekein sont des femmes, "de
même pour 40 % des chercheurs de l'Institut français de la brasserie-malterie et 50 % de
la section bière de l'Ecole nationale supérieure d'agronomie et des industries
alimentaires", précise Heineken. Récemment, une visite "spéciale
femmes" avait lieu à Schiltigheim où plusieurs femmes brasseurs ont témoigné
auprès d'autres femmes de leur travail, de leur passion. Isabelle Combes, adjointe au
chef de fabrication : "La bière est un produit passionnant, à la fois ancien,
rafraîchissant et naturel. Et en plus, je suis très sensible à l'aspect d'un beau
verre, arrondi, avec une couronne de mousse. C'est sensuel et très convivial."
Sylvie Piffaut, ingénieur fabrication : "Ce qui m'attache à mon travail, au
départ, c'est le produit. J'aime la bière parce qu'elle est équilibrée, ni trop
alcoolisée, ni trop sucrée. La bière met en uvre un organisme vivant : la levure.
C'est quand même plus noble qu'un mélange de poudre et d'eau !" Elle ajoute :
"Je voulais travailler en brasserie, en production, et sur le terrain. Si la
fabrication de la bière est automatisée, les cuves de brassage sont ouvertes et les
tanks de fermentation se visitent en nacelle. Et surtout, il faut sans cesse régler les
paramètres, il n'y a jamais deux filtrations identiques." Liliane Pestour, chef
du laboratoire brasseries : "De par mon métier, je suis sensible à la qualité
de la bière et à son équilibre alimentaire. Ce sont d'ailleurs des préoccupations
typiquement féminines... Je n'ai jamais eu une image trop macho de la bière, car chez
moi, les femmes en boivent souvent. Avec la bière, tout le monde peut trouver le produit
qui lui correspond. Et Brasseries Heineken l'a bien compris et multiplie aussi ses
produits sans alcool, Panach', Monaco de Panach', Buckler et Buckler blanche..."
A ce retour aux sources, Heineken (dont le directeur de la communication est une femme,
Corinne Goff-Lavielle) estime que les "femmes qui apprivoisent l'amertume de la
bière contribuent parallèlement à la redécouverte de palette aromatique". Et
de rappeler cette phrase de l'nologue Emile Peynaud : "Les femmes apportent
à la dégustation leurs qualités d'intuition, de prise en compte globale des sensations
et le côté émotionnel que négligent les papilles masculines, plus blasées..."
Bien vrai ! n
Adjointe au chef de fabrication de la brasserie de Schiltigheim, Isabelle Combes
faisait récemment partager sa passion de la bière à d'autres femmes.
L'HÔTELLERIE n° 2630 Magazine 9 Septembre 1999