m Sylvie Soubes
Asnières, sur la rive gauche
de la Seine, à 2 kilomètres de Paris à vol d'oiseau. La commune, 72 000 habitants,
bénéficie peu des bureaux qui fleurissent à Courbevoie, ville mitoyenne dans le sillage
de la Défense. Ainsi, certains Asniérois s'inquiètent de voir par exemple un restaurant
turc s'implanter en lieu et place d'un charcutier-traiteur qui était là "depuis
toujours". Toute la difficulté, pour Asnières-sur-Seine, consiste en fait à ne pas
se laisser aller, à maîtriser au mieux plusieurs populations, à séduire des sociétés
commerciales comme a su le faire Levallois-Perret, autre voisine, et surtout à
préserver, voire dynamiser, une vie locale. Une vraie vie locale, sans heurts ni
ostracisme.
Il y a sept ans, Jean-Claude et Marie-Claude Cousiney reprenaient le Bistrot d'Asnières,
un restaurant centenaire au rideau désespérément baissé depuis plusieurs mois, situé
derrière la gare, côté Courbevoie. Ce couple de restaurateurs avait déjà fait ses
preuves, notamment à Maison-Alfort et Maison-Laffite. Premier objectif donc : retrouver
une clientèle, redorer l'enseigne.
"Nous avons choisi de respecter l'esprit bistrot en jouant la cuisine de
brasserie." Une "bonne" cuisine de brasserie avec des frites maison,
coupées à la main par le chef, des formules attractives (la formule express du midi -
apéritif maison, entrée et plat - est à 98 F ; la formule choucroute à 90 F inclut une
pinte de bière, etc). Parmi les plats de la carte, friture d'éperlans en saison, foie de
veau aux framboises, moules marinières ou au roquefort accompagnées de frites à
volonté, en été de grandes salades repas à 48 et 52 F... Si les parts sont
généreuses et la régularité rassurante, Jean-Claude ajoute : "Nous n'aimons
pas voir les gens manger tristement." La notion est importante. Les moulures, les
lumières rococo et les hauts plafonds de la salle, vestiges des années folles,
pourraient fredonner et ressasser le passé, satisfaisant complaisamment une clientèle
bourgeoise et vieillissante. Il n'en est rien. Les Cousiney, malgré l'expérience de
l'âge, séduisent une clientèle de bon niveau, qui revient aussi pour l'ambiance
gourmande et détendue. Bien manger est une chose, mais bien manger gaiement fait la
différence. Attention : gaieté n'est pas, ici, synonyme d'exagération, de plaisanteries
grivoises ou d'effets comiques. C'est de convivialité dont il s'agit. Avec un accueil
efficace mais familial, un service traditionnel mais tellement agréable...
Fléchettes, musique et convivialité
Le Bistrot d'Asnières, jusqu'en 1997, comportait deux salles à manger. Voici un an et
demi, portés par la volonté d'avancer et de s'adapter, de conquérir les nouvelles
générations et d'apporter un plus aux habitués, Jean-Claude et Marie-Claude se lancent
dans la reconversion d'une partie de l'établissement. Ils conservent une entrée unique
mais transforment la première salle en pub irlandais.
On enlève la moquette, le vieux carrelage qu'elle cachait reprend du service, un jeu de
fléchettes est installé, plaques de rue et photos sont accrochées sur les murs, une
grande bibliothèque contre la balustrade sert désormais de frontière entre le pub et le
restaurant. Deux atmosphères complètement différentes s'ouvrent alors. Le
réaménagement tient du pari. Certains fournisseurs restent d'ailleurs perplexes. Un pub
irlandais à Asnières ? Pour qui ? Et puis, comment vont réagir les habitués ? Ces
dames de la maison de retraite proche, qui font leur sortie dominicale au Bistrot
d'Asnières, ne vont-elles pas être effrayées par les verres de bière et les
discussions qui s'éternisent autour, si le pub marche ? Que nenni !
Pied de nez aux oiseaux de mauvais augures, le pub a créé une raison de sortir et de
rester à Asnières le soir. Des jeunes, bien sûr, fréquentent l'endroit mais la
clientèle en casquette se sent mal à l'aise, en général, dans la chaleur des pubs. Les
prix et la présence des patrons opèrent le reste de la sélection. Quant aux deux
thèmes développés, ils se marient pour le meilleur. Un pub fonctionne rarement avant 22
heures. Le Bistrot d'Asnières se consacre d'abord à son activité d'origine. Les gens
vont ensuite au bar refaire le monde, jouer aux fléchettes, serrer la main d'autres
Asniérois. Le pub répond aussi à la clientèle du cinéma d'Asnières, tout proche. De
nombreux habitants, lassés par leur journée de métro-boulot, ont découvert la parade.
Désormais, ils savent qu'ils peuvent passer un bon moment sans devoir reprendre la
voiture. Amateurs de jazz en tête. En effet, Maxime Saury et autres grands noms du jazz
viennent faire des "bufs" entre restaurant et pub. Récemment, ce sont les
musiciens de Julien Clerc, qui, après un spectacle donné au théâtre d'Asnières, ont
joué au Bistrot d'Asnières quelques airs pour le plaisir... Qui dit mieux ? n
En chiffres- Le pub est ouvert de 22 h à 2 h (A la pression : Guinness, Adelscott, Kilkeny, Blanche de Bruge) |
L'HÔTELLERIE n° 2630 Magazine 9 Septembre 1999