m Olivier Marie
La vraie vedette au Nozdei ce
n'est ni le client ni le propriétaire. La star, qui vient d'ailleurs de recevoir un prix
d'excellence récompensant ses dispositions physiques, se nomme Oscar... un basset Hound. "Lui,
tout le monde connaît son nom. Même les gens qui ne nous connaissent pas !",
sourient Katia et Alex, les propriétaires de ce bar situé non loin du centre de Rennes.
Sur le tableau en bois extérieur annonçant les plats du jour ? La tête sculptée
d'Oscar. Le nom de la SARL ? Oscar, etc. Un chien promenant placidement sa silhouette
allongée dans un café, assurément Le Nozdei se distingue des bars estudiantins de la
rue de la Soif ou des places alentour. Le Nozdei, "nuit-jour" en breton,
s'affiche comme un café de quartier à l'ambiance familiale et chaleureuse. Ailleurs, ces
qualificatifs pourraient effrayer une certaine clientèle. Pas ici. Katia Fournel et Alex
Delaury, respectivement 28 et 29 ans, réussissent à allier avec succès tradition et
modernité.
Cette alchimie résulte à n'en point douter de celle formée par les deux propriétaires.
Le dynamisme de Katia épousant parfaitement l'expérience d'Alex. Même s'il s'agit là
de son premier établissement, Alex reconnaît avoir été baigné par l'ambiance des bars
depuis longtemps. "Mon père tenait un bar dans la rue Saint-Michel et mon oncle
était tenancier d'un bistro de quartier." Katia quant à elle dispose d'une
formation de publiciste et s'occupe désormais de la gestion. "En fait, nous ne
voulions pas monter n'importe quelle affaire ! Nous voulions un bar",
assurent-ils. Ce café rêvé doit se situer dans le centre, "mais pas au
cur de la concentration de bars que sont les rues Saint-Michel, place des Lices...
Nous en avons un peu ras-le-bol de cette rue. C'est l'usine. En fait c'est l'opportunité
de la vente du Nozdei qui a tout précipité". L'affaire se monte en 15 jours,
après avoir vu une dizaine de banquiers peu coopératifs. "Ils essayaient de me
dissuader de me lancer dans une telle aventure, sourit amèrement Katia, en me
disant que c'était du gâchis par rapport à mes études." Ils rachètent le
fonds de commerce et la licence pour 690 000 francs avec un apport personnel de 160 000 F.
Et un crédit à rembourser sur 7 ans. Le Nozdei est un coup de foudre et la publicité
attendra.
Parquet et carrelage
Il y a 30 ans, Le Nozdei "ne comportait que la première salle. Derrière,
c'était la cuisine du propriétaire". Aujourd'hui on trouve une salle feutrée
avec sa cheminée, son parquet et ses poutres apparentes. C'est la salle des concerts et
du café-théâtre... et des clients plus discrets. Elle contraste avec la première
pièce, plus lumineuse et plus animée. Celle des habitués accoudés au comptoir. Elle
s'inscrit davantage dans cette ambiance conviviale de quartier avec ses plantes vertes,
son carrelage, son étagère vitrée fourre-tout (jeux de cartes et de sociétés
omniprésents y trouvent refuge) et ses murs beiges ornés d'une grande glace, d'affiches
de spectacle... Alex n'a pas de préférence : "Les ambiances sont
complémentaires. Mais de toute façon je préfère le comptoir. La vie d'un bar, c'est au
zinc qu'elle se déroule."
A l'instar des deux salles, la clientèle ne se caractérise pas par son homogénéité.
Bien entendu, Le Nozdei n'a rien d'un bar à étudiants, les propriétaires leur
préférant "une clientèle de jeunes actifs, la trentaine. Beaucoup sont des
habitués d'ailleurs. Mais le midi, reconnaît Katia, les clients tendent davantage
vers la quarantaine." Ce nouveau service de restauration (plats du jour le midi,
salades et tartines le soir), "nous l'avons mis en place pour proposer un plus à
la clientèle. Et dans quelques mois, l'ancien hôpital militaire à proximité va être
transformé en bureaux et logements". Le Nozdei accueillera dès lors le midi la
clientèle ouvrière et, à plus long terme, celle des affaires. Complément de cette
restauration, les nouveaux patrons proposent un plus large éventail de vins, allant de
l'Augey (11 F le verre) au haut-médoc (20 F).
Animations tous azimuts
Mais sa nouvelle dimension, Le Nozdei la doit bien entendu à son intense activité
culturelle, allant des expositions renouvelées tous les 15 de chaque mois (peinture,
photo, sculpture), aux concerts et café-théâtre organisés tous les mois. Par ailleurs,
Le Nozdei propose un punch gratuit aux spectateurs du théâtre du Vieux Saint-Etienne
voisin. "J'avais préparé ça depuis longtemps, souligne Katia. En fait je
négocie directement avec les metteurs en scène et tous les 15 jours environ, nous
offrons un punch à l'issue des représentations." Une initiative bien
sympathique qui permet de fidéliser la clientèle, "puisqu'il y a effectivement
des têtes qui sont revenues". Et les deux jeunes tenanciers gardent d'autres
surprises dans leur sac : "Pourquoi pas des rencontres littéraires ou des
réunions de travail dans l'arrière-salle... En fait il faut que nous dynamisions les
après-midi." Oscar ne pourra plus dormir tranquille, mais bon... n
L'HÔTELLERIE n° 2634 Magazine 7 Octobre 1999