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La marine américaine à Toulon
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25000 nuitées pour les hôteliers

Les hôteliers de Toulon respirent : jusqu'en décembre vraisemblablement, l'US Navy fait réparer l'USS La Salle, le navire-amiral de la 6e flotte, dans l'enceinte de l'Arsenal. Des centaines de marins et d'ingénieurs américains séjournent depuis la mi-juin dans la cité varoise. Soit un total de 25 000 nuitées au moins. Dont bénéficient avant tout les 3 et 4 étoiles.

m Lisa Casagrande

Si Toulon accueille régulièrement des escales de l'US Navy, dont les marins animent alors les bars de la ville, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas bénéficié d'un contrat aux retombées économiques aussi intéressantes.
L'USS La Salle est arrivé le 18 juin dans le port pour une révision totale de son carénage et de ses installations haute technologie. Les travaux vont durer jusqu'en novembre, voire même décembre, car ils ont pris du retard. Pour les commerçants en général, et le secteur de l'hôtellerie-restauration en particulier qui pâtit de la médiocre image touristique de la ville, c'est une occasion inespérée.
Les 600 marins ou membres d'équipages, attendus au fil des mois, logent pour partie dans l'Arsenal (modules regroupés en village), pour partie sur une barge flottante, mais leurs familles ont déjà commencé à venir leur rendre visite, fréquentant alors épisodiquement hôtels et restaurants.
Plus intéressant encore : plusieurs centaines d'ingénieurs et de dockers de Norfolk se relaient pour superviser les travaux et logent, eux, en permanence, dans les 3 et 4 étoiles de la cité et des environs. Leurs proches viennent également passer, ici et là, quelques jours auprès d'eux.
Le pic de fréquentation le plus important a eu lieu cet été avec la réservation d'environ 200 chambres dans toute la ville.

Un cahier des charges draconien...
L'US Navy a chargé un agent de voyages américain spécialisé, habitué de l'US Navy (Roos Unlimited), de négocier l'hébergement de ce personnel qualifié, cahier des charges draconien à l'appui, tant au niveau de la superficie et du confort des chambres qu'au niveau de la sécurité. "Nous avons même reçu la visite des représentants des syndicats de dockers américains !", évoque Stephen Bak, président du groupement hôtelier de l'aire toulonnaise, qui rassemble aujourd'hui quatre établissements de 2 et 3 étoiles.
Stephen Bak est également directeur du New Hotel La Tour Blanche, trois étoiles de 91 chambres, bénéficiant d'une vue imprenable sur la rade toulonnaise, et du New Hotel Amirauté, installé au centre-ville (58 chambres). Ces deux hôtels font partie des établissements sélectionnés par la délégation américaine qui leur a réservé plusieurs dizaines de chambres, de juin à novembre.
"Cette opération devrait permettre aux hôteliers retenus de voir leur TO augmenter de 10 à 15 %, estime Stephen Bak. C'est très important car, en moyenne, le taux de remplissage annuel des 3 étoiles se situe entre 40 et 55 % et celui des deux étoiles, qui sont généralement plus petits, entre 45 et 60 %."
Les Américains ont également traité de manière étroite avec le groupe Accor, remplissant notamment une bonne partie du Mercure (ex-Hôtel du Palais) situé à côté du palais des congrès de Toulon, avec 80 chambres retenues pendant toute la période, soit 2 500 nuitées par mois jusqu'en octobre, ainsi que le Novotel de La Seyne-sur-Mer (une vingtaine de chambres). "Au total, cela représente un contrat de départ d'environ 12 000 nuitées pour le groupe, estime Jean-François Tardits, chef des ventes Sud Est. Seuls les trois étoiles du groupe sont concernés, car les Ibis, par exemple, ne convenaient pas aux critères imposés, sauf en dépannage, ajoute-t-il. Du coup, faute de place dans les environs immédiats de Toulon, l'US Navy nous a pris des chambres au Novotel de la Valentine, à Marseille. Le forfait journalier négocié par l'US Navy tourne autour de 400 à 440 F la chambre."
En fait, tous les trois étoiles de la ville et de sa périphérie sont concernés à des degrés variables, selon la politique touristique adoptée par l'hôtel.
L'US Navy aurait en effet souhaité réserver, pour des raisons pratiques, un maximum de chambres dans un minimum d'établissements, quitte à louer la totalité des hôtels, avec un allotement identique, en été comme en automne. Mais cela ne correspondait pas forcément à l'intérêt des hôteliers.

Les hôteliers ont su s'adapter à la demande américaine
L'Holiday Inn de Toulon, qui a obtenu son classement en quatre étoiles en juin, a choisi de ne réserver qu'une vingtaine de chambres, sur les 80 disponibles, aux Américains.
"Lorsque nous avons été contactés, nous étions déjà très chargés en juillet-août. Or les Américains voulaient un engagement identique sur toute la période, été et automne. Nous avons donc choisi de ne pas négliger notre clientèle habituelle, explique Florence Schaefer, la directrice. Cette opération avec l'US Navy est bien sûr intéressante. Mais, que se passera-t-il après ? Je reste inquiète en ce qui concerne l'activité de la ville car plusieurs manifestations culturelles (Fête du livre, Festival de Chateauvallon) qui attiraient du monde, ont périclité, voire disparu..."
L'hôtel indépendant Val'Hôtel, situé à la Valette, n'a également accepté de louer que la moitié de ses 42 chambres. Quant à La Corniche (24 chambres), il a quant à lui préféré, vue sa fréquentation, n'accueillir les Américains qu'occasionnellement - famille de passage, personnel en visite - ce qui constitue tout de même un complément appréciable. Tous sont cependant unanimes : "Il faut savoir jouer le jeu et s'adapter à cette clientèle inhabituelle, mais avec laquelle nous avons souvent des contacts chaleureux."
Au menu de cet accueil sur mesure : affichage des prix et prestations en anglais, geste de bienvenue à l'arrivée, élaboration de petits menus spéciaux avec cuisine américaine et... prix serrés, adaptation des horaires des petits-déjeuners (les Américains faisant les trois-huit, six jours sur sept), mise à disposition d'une salle équipée de micro-ondes, d'un barbecue en libre-service...
Les hôteliers se mettent également en quatre pour conserver sur place le soir cette clientèle, qui consomme cependant très peu en restauration, en organisant petites soirées à thème, mise en place de "happy hours" au bar, réductions sur les menus habituels...
"Nous leur apprenons même quelques mots de français et leur avons remis des petits textes avec la prononciation phonétique", sourit, en conclusion, Lydia Dugast, propriétaire du Val'Hôtel. n


La révision totale du navire USS La Salle dans le port profite largement à la ville de Toulon.


Val'Hôtel, l'un des établissements indépendants qui a profité de la venue des Américains.


Stephen Bak, président du groupement hôtelier de l'aire toulonnaise, directeur du New Hotel La Tour Blanche et du New Hotel Amirauté de Toulon.


Le New Hotel La Tour Blanche, 3 étoiles, bénéficie d'une vue imprenable sur la rade toulonnaise.


Le Mercure (ex-Hôtel du Palais), situé à côté du palais des congrès de Toulon, a largement profité de la venue de la marine américaine.


"Nous leur apprenons même quelques mots de français", déclare Lydia Dugast, propriétaire du Val'Hôtel.

Une satisfaction en demi-teintes...

Si les établissements trois étoiles et les hôtels de chaînes affichent leur contentement, il n'en est pas de même pour tous. "La réparation de ce bateau est pour toute l'économie de la ville une affaire bienvenue", reconnaît ainsi Michèle Stropoli, présidente du Syndicat de l'hôtellerie toulonnaise qui regroupe une quinzaine d'hôtels indépendants, et propriétaire du Grand Hôtel du Dauphiné, deux étoiles de 55 chambres.
"Mais l'US Navy a privilégié l'hôtellerie de chaînes, particulièrement le groupe Accor, et a complètement négligé l'hôtellerie indépendante, qui, pour une bonne partie, fait de gros efforts d'investissements. Certains d'entre nous n'ont pas à rougir face aux prestations des chaînes. Mais l'équilibre n'a pas été respecté. Et les indépendants ont très peu bénéficié de contrats de réservations fermes. Nous ne bénéficions que de la venue des familles des marins, qui sont, eux, hébergés dans l'Arsenal ou sur la barge. Pour mon hôtel par exemple, cela a représenté sur les quinze premiers jours de juillet environ 50 nuitées, ce qui, certes, est bon à prendre, mais représente fort peu par rapport aux 25 000 nuitées réparties entre les hôtels de chaînes."
Pour effectuer le grand carénage de l'USS La Salle, l'Arsenal de Toulon a été choisi devant Barcelone et Gênes. Face à cet événement économique sans précédent pour la ville, la CCI de Toulon s'est mobilisée pour que les Américains se sentent chaleureusement accueillis, et a fédéré les énergies (Syndicat hôtelier, Fnaim, transporteurs aériens ou ferrés, office de tourisme, CDT, association France/Etats-Unis, etc.) autour de l'opération "Welcome to Toulon", du nom d'un guide spécifique édité à 2 000 exemplaires. Les partenaires et commerçants ont signé une charte d'engagement (respect des prix affichés, taux de change au jour le jour, accueil personnalisé, réductions, cadeaux...). L'office de tourisme et la CCI ont également mis un numéro vert à disposition des commerçants qui auraient des problèmes d'interprète.
Parmi les retombées économiques importantes répertoriées : l'achat de vélos, les Américains ayant été séduits par ce mode de transport...


L'hôtellerie indépendante deux étoiles, ici le Grand Hôtel du Dauphiné, a assez peu bénéficié des retombées de la présence américaine.

Le Bibby Progress : un trois étoiles flottant

220 membres de l'équipage du navire-amiral de la 6e flotte américaine logent sur le Bibby Progress, une barge hôtel climatisée, transportée par bateau d'Australie, via Singapour et le canal de Suez.
Longue de 91 mètres pour 27 mètres de large, elle dispose, outre les 220 chambres équipées de salles de bains, d'un restaurant de 375 m2 (plus cuisine et annexes), pouvant accueillir 250 personnes, d'un salon de 400 m2, d'un bar de 100 m2, de salles à manger, de salles de réunion... Cette barge, que la France utilise ainsi pour la deuxième fois, avait notamment déjà hébergé du personnel français sur le site nucléaire de Mururoa, lors du démantèlement du centre de tir.
La compagnie possède plusieurs barges de ce type dans le monde, dont l'une d'elles, au large de New York, fait office de... prison !


L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999

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