m Claire Cosson
© Atelier Proust
Le regard est lumineux, le
sourire enveloppant et la poignée de main chaleureuse. A 54 ans, qu'elle porte
insolemment, cette femme, à la voix douce et à la blondeur angélique, affiche une bonne
humeur déconcertante en ce mardi matin de septembre où pluie rime avec Paris. Pourtant,
pas plus tard qu'il y a cinq heures, - c'est-à-dire aux environ de quatre heures du matin
-, elle affrontait elle aussi, seule au volant de sa petite 106, les trombes d'eau qui
inondaient les routes de montagne la conduisant à Grenoble pour y prendre son train,
direction la capitale. D'ailleurs, des intempéries, elle en a connu un certain nombre
depuis son arrivée, en 1996, à la présidence de la Fédération nationale des Logis de
France (FNLF). Tout comme les problèmes d'organisation au sein de sa petite maison
familiale, Le Cassini, au Freney d'Oisans dans le département de l'Isère, qu'elle
abandonne durant deux à trois jours en moyenne par semaine pour orchestrer les actions
entreprises par la plus grande chaîne volontaire européenne.
"Au début de son mandat, il est vrai que nous avons dû embaucher une personne
supplémentaire afin de maintenir la qualité des prestations offertes aux clients",
confesse volontiers Marcel Ougier, son époux. "Personne n'en a, néanmoins,
jamais eu réellement conscience, ni même rien su", confie Marie-Lou Lopez,
directrice commerciale des Logis. Tout simplement parce que ce qui pourrait être un enfer
pour d'autres n'est pour Renée Ougier "qu'une patiente endurance tournée vers
l'avenir". Sans oublier également que, cette mère de trois grands garçons,
comme tout bon verseau qui se respecte, est capable de se détacher d'elle-même pour
défendre des causes communes. "Une fois quitté mon hôtel, je fais abstractions
de tous mes petits tracas personnels. Car ma première mission est d'aider les hôteliers
à être meilleurs", rappelle sans cesse l'intéressée.
Et Renée Ougier y parvient d'autant mieux qu'elle connaît bien les difficultés
rencontrées par les 3 682 adhérents (soit un parc de 66 188 chambres) du groupement.
Diplômée de l'école hôtelière de Bourges, elle-même est issue du cru ! "En
exploitant avec son époux un petit établissement composé de douze chambres et d'un
restaurant, dans une commune de 200 âmes à peine, on ne peut pas trouver de profil Logis
de France plus juste que celui-ci", souligne Dominique Boitel, directeur de la
FNLF. Sans compter que cette Berrichonne d'origine, fille d'agriculteurs céréaliers,
s'est aussi colletée toutes les galères de la profession, à savoir crise économique,
emprunts à des taux d'intérêts très élevés, pénurie de personnel... "J'ai
encore du mal à digérer le fait d'avoir investi 280 000 francs dans ma toiture",
avoue d'ailleurs la présidente, en souriant.
Les pieds sur terre
Des expériences personnelles fortes qui la rendent accessible à tous et lui permettent
évidemment de conserver les pieds sur terre. "Ce qui est formidable avec Madame
Ougier, c'est que malgré ses importantes responsabilités, elle a su garder contact avec
le terrain", témoigne Christiane Keller, propriétaire de l'hôtel Les Remparts
à Kaysersberg (68). Et de préciser : "Tout en en tirant les enseignements
nécessaires pour diriger la chaîne. Sachant qu'elle croit véritablement dur comme fer
dans les Logis."
Modeste et peu disposée à se raconter (estimant que parler d'elle n'est guère
passionnant), Renée Ougier s'anime vivement, en revanche, à chaque fois qu'elle évoque
les Logis et leur avenir. Ce n'est pas un hasard du reste si elle et son mari ont rejoint
le mouvement en 1973. Pas plus que l'investissement de la dame dans la vie de
l'association départementale des Logis de France de l'Isère (dont elle prend la
présidence en 1994), puis dans celle de la maison mère quel-
ques années plus tard (membre du comité
technique, du bureau national et enfin trésorière).
"Je mentirais en affirmant que le soutien financier dispensé par les Logis ne
nous a pas intéressés bien sûr ! J'ai néanmoins toujours pensé qu'il fallait que
notre établissement arbore les couleurs d'un label de qualité", explique la
présidente de la FNLF. Et avec son sens des anticipations et son jugement intuitif qui
lui font pressentir les modes de demain, Renée Ougier avait vu juste.
9,6 milliards de chiffre d'affaires
Il est vrai qu'aujourd'hui les produits du terroir et l'authenticité ont sacrément le
vent en poupe. Voire même font un véritable tabac auprès des clientèles françaises et
étrangères. Une tendance qui, avec la montée en puissance de la société de loisirs
ainsi que l'évolution des moyens de transport et des nouvelles technologies, devrait
aller crescendo.
Raison pour laquelle la présidente entend d'ailleurs se battre bec et ongles afin que les
Logis de France se taillent eux aussi une belle part de ce joli gâteau. Avec 18,82 % du
parc hôtelier français, 64,1 % des chaînes volontaires, 21,66 % de l'hôtellerie
indépendante et réalisant un chiffre d'affaires de 9,6 milliards de francs (1998) dont
62,5 % en restauration, Renée Ougier considère en effet que le réseau aux petites
cheminées jaune et vert n'a guère de complexe à avoir par rapport à ses concurrents.
Au contraire ! Le mouvement doit désormais communiquer son savoir-faire. Autrement dit se
donner les moyens de ses ambitions.
"Et quand ma femme décide d'entreprendre quelque chose, elle n'est pas du genre
à le faire à moitié", confesse Marcel Ougier, plutôt bien placé pour le
savoir. "Elle est, de fait, pugnace et va toujours jusqu'au bout de ses idées",
renchérit Marie-Lou Lopez. "Je la définirais volontiers comme une douce
entêtée ", ajoute pour sa part Dominique Boitel, son bras droit à la
Fédération nationale.
Une détermination qui lui a été d'un grand secours à sa prise de fonction à la
Fédération. S'installer aux commandes d'un tel bateau n'était pas en effet gagné
d'avance.
S'imposer en tant que femme
Qui plus est lorsque l'on appartient au sexe dit faible. "Cela faisait plus de
quarante ans que seul l'homme causait au sein du groupement", aime à rappeler
avec ironie le directeur. Reste que ne craignant pas même les abeilles (elle est
apicultrice à ses heures perdues), on voit mal comment les hommes auraient pu résister
à Renée Ougier. Ajoutons cependant que la FNLF, structure lourde, semblait alors
plongée dans un "profond sommeil". Et contrairement à la légende, c'est
finalement une "maîtresse" femme qui est venue réveiller la vieille dame,
aujourd'hui âgée de cinquante ans.
Au cours des trois dernières années, Renée Ougier s'est effectivement employée à
moderniser et professionnaliser ce réseau d'hôtels indépendants. Concurrence accrue,
globalisation des marchés et multiplication des moyens de communication réclamaient pour
commencer un tout autre mode de fonctionnement. La présidente a donc débuté ses actions
en réorganisant la fédération en son sein. Pas de révolution fracassante au programme,
mais une concertation judicieuse qui débouche à ce jour sur la mise en place d'équipes
dynamiques et motivées. "Avec son sens de l'écoute, sa disponibilité et son
pragmatisme, Renée Ougier a su insuffler un nouvel état d'esprit à la Fédération.
Elle a réalisé un travail remarquable et a fait les bons choix pour l'avenir du
mouvement", assure Hilaire Bosa, vice-président-trésorier de la FNLF.
Le client
Du courage, il lui en a fallu pour parvenir à faire bouger ces milliers d'hôteliers
indépendants et gaulois, difficiles parfois à gérer. Mais, quand elle est convaincue,
rien ne l'arrête ! D'autant plus que ses choix stratégiques ne visent, au bout du
compte, qu'à satisfaire davantage les intérêts du client et donc ceux de ses
adhérents. Ce qui n'empêche pas pour autant l'actuelle présidente de rester ouverte à
la discussion. Ainsi, quand il s'est agi de décider si oui ou non le guide de la chaîne,
outil de promotion capital, devait être distribué gratuitement à la clientèle, Renée
Ougier a-t-elle écouté les avis de chacun.
"Elle n'est pas du genre en effet à venir uniquement au début des réunions en
disant : voilà ce que j'attends de vous...", raconte Véronique Surcouf,
responsable de la communication du réseau. Et d'ajouter : "Elle gère de manière
très démocratique et tranche quand cela est nécessaire pour le bien du groupement."
Résultat : le guide est maintenant édité à 540 000 exemplaires (contre 180 000 l'an
passé) et offert gratuitement à chaque visiteur. Mais, mieux encore ! La fervente
admiratrice de George Sand, a également réussi à persuader les hôteliers de la
nécessité de promouvoir et commercialiser les Logis. "La commercialisation est
le nerf de la guerre pour notre réseau", martèle du reste la présidente à
maintes occasions.
A cet effet, la FNLF, via Logis de France Services, a obtenu d'une part une licence de
voyages afin de vendre packages et autres forfaits.
Centrale de réservations grand public
D'autre part, les Logis se sont dotés d'une centrale de réservations grand public
(création en 1997), ouverte désormais à l'ensemble des 3 682 établissements.
Un outil qui monte progressivement en puissance. Au terme de la deuxième année
d'exploitation, en 1998, cette centrale a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de plus de
2 millions de francs représentant quelque 10 000 nuitées. Mais la centrale a
littéralement explosé cette année. A tel point qu'à la fin du mois d'août dernier, le
chiffre d'affaires dépassait déjà les 8 millions de francs (le prix moyen de la
réservation s'élevant à 1 004,60 francs). Tout comme le site Internet qui, durant la
saison estivale, a enregistré entre 800 et 1 000 demandes de réservations/semaine.
"Nous avons dû embaucher quatre personnes en CDD au cours de l'été pour
répondre à l'assaut des clients", explique Renée Ougier. Le succès est tel
que la Fédération vient de lancer un appel d'offres afin d'équiper la centrale de
réservations d'un nouveau logiciel. Le but final de la présidente étant, bien sûr, de
disposer au plus vite d'un système on line.
Parallèlement, la présidente a sué sang et eau pour augmenter l'enveloppe budgétaire
accordée à la communication externe et interne de la fédération. Grâce à son
argumentaire musclé, les Logis jouissent maintenant d'un budget communication
représentant 55 % du budget global de la FNLF (25 millions). De quoi se payer des
émissions de télé à fort taux d'écoute, une campagne d'affichage sur l'ensemble des
départements de l'Hexagone et une journée spéciale anniversaire sur France Inter.
Reste qu'il ne suffit pas de parler de soi ! Encore faut-il être capable d'offrir un
produit homogène de qualité pour séduire touristes et autres hommes d'affaires. Voilà
un problème dont Renée Ougier a fait, dès sa nomination à la tête de la chaîne, un
véritable cheval de bataille. Preuve en est le nombre continu de radiations prononcées
depuis le début de son mandat pour non-respect de la charte mais également l'attitude
personnelle qu'elle a eue à l'égard de son propre établissement. "Pendant
longtemps, nous arborions trois cheminées. Après discussion avec mon épouse, nous avons
préféré descendre d'une catégorie pour mieux répondre à la clientèle",
explique Marcel Ougier.
Améliorer la lisibilité du parc
"Si nous voulons rivaliser avec les grands noms de l'hôtellerie, il est de fait
impossible de transiger sur la qualité des prestations que nous servons à nos clients",
tance la présidente. Et d'ajouter : "Il était évidemment indispensable de
réviser nos critères de sélection tout en nous donnant les moyens d'un meilleur
contrôle." Une nouvelle grille de classement va donc prochainement voir le jour
(en l'an 2000) et des visites mystère réalisées par des cabinets spécialisés
animeront dans quelques mois la vie du réseau. Sans oublier la mise en place d'une
segmentation affinée des produits existant au sein du groupement avec l'apparition de
nouveaux labels : les Logis de caractère, les Logis famille-enfants et les Logis
nature-silence.
De quoi enfin améliorer la lisibilité du parc des Logis de France, qui bien que se
définissant comme "le réseau d'hôtels à visage humain", peut parfois
manquer de clarté dans l'esprit de certains consommateurs. Ce qui ne signifie pas pour
autant que le mouvement trahisse ses valeurs. "Renée Ougier, c'est en réalité
des racines et des ailes !", commente Christiane Keller. Les Logis demeurent en
effet unique en leur genre grâce à des milliers d'hommes et de femmes qui collaborent
ensemble afin de rendre honneur à la richesse des terroirs français. Encore quelques pas
en avant, et ils seront fin prêts à affronter les plus grands de l'industrie
hôtelière. n
Outil de promotion par excellence, le Guide des Logis de France, tiré à 540 000
exemplaires, est désormais offert gratuitement à la clientèle.
Les chefs de cuisine des Logis privilégient la gastronomie du terroir pour le
plus grand bonheur des clients.
Pour une meilleure lisibilité du parc, les Logis se doteront d'une nouvelle
classification dès l'an 2000 avec, entre autres, les Logis nature-silence.
Petite histoire des Logis de France1948 Création du premier Logis de France avec L'Hôtel
Mistou à Pontempeyrat en Haute-Loire |
Classement des établissements Logis de France
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L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999