m Olivier Marie
En entrant dans l'arrière-salle du Mandarin, on pénètre tout droit dans l'univers colonial. Les ambiances feutrées et sensuelles des films L'Amant ou Indochine nous envahissent. Le plancher en bois exotique rougeâtre grince légèrement et les stores en bois fermés éveillent l'imagination : que se passe-t-il dehors ? Une activité bouillonnante ? Où sommes-nous ? A Pékin, Hô Chi Minh-ville ?... Kim Tan l'a voulu ainsi. "Lorsque les clients sont à l'intérieur, ils rêvent de l'extérieur mystérieux. En ouvrant le Mandarin, je ne voulais pas tomber dans le kitsch habituel des établissements asiatiques, trop souvent décorés en rouge et or." Déjà, les habitués rennais de la cuisine orientale s'y pressent. Tout simplement parce que Kim Tan - "on m'appelle plus souvent Kim" - n'est pas un inconnu sur la place. En 1979, ce Cambodgien d'origine ouvre le Mekong, suivi trois ans plus tard du Shanghaï. Une référence dans le milieu. "J'ai vendu le Shanghaï en 1988 pour me consacrer à une usine de plats préparés à La Mézière. Mais l'affaire a pris trop d'importance pour moi." Alors ce professionnel au sourire permanent repart en Asie, avant de revenir sur Rennes. Quand repartira-t-il ? Nul ne le sait...
Place aux artistes
Pour l'instant, Kim Tan veille à son nouveau projet. Un restaurant asiatique "où
l'on puisse non seulement manger mais également se cultiver, s'imprégner de la culture
asiatique". Expositions, livres, animations... Le Mandarin va plus loin que la
table. Entre les volets, les murs sont ornés d'une série de tableaux évoquant une
tradition asiatique. "Actuellement, les quatre tableaux racontent l'histoire du
riz. Puis ce sera le tour de la route de la soie et du thé." Sous la peinture,
un texte concis donne les principales clés, mais si le client veut creuser, "je
tiens à sa disposition un petit livret contenant de plus amples informations et une
bibliographie sommaire", précise le maître des lieux.
En parallèle, tous les deux mois, le Mandarin expose les uvres d'artistes inconnus,
"qui ont en général un rapport avec l'Asie". Des toiles, des lampes
kaléo évoquant le Japon etc. "Ce peut être également de belles photographies
prises par des clients", poursuit Kim Tan. Cette démarche valorise le client,
ici habitué à voyager (professions libérales, enseignants etc.). Le décor est planté,
il ne reste plus aux comédiens qu'à faire leur entrée. "Ils viennent trois fois
dans le mois, lire des contes, des légendes... Lorsqu'ils arrivent, j'éteins les
lumières. Je laisse juste celles qui sont placées derrière les volets."
Métissage des goûts et des cultures
Attablés devant leur fondue chinoise ou l'un des douze plats végétariens, les clients
rêvent d'Extrême-Orient. Sur la carte, Kim Tan propose en effet un large éventail de
spécialités chinoises (cantonaises), thaïlandaises, vietnamiennes (8 poissons, 18
viandes, 9 potages etc.)... "50% des plats sont traditionnels, à savoir épicés
et parfumés, et l'autre moitié est adaptée au goût occidental. Pour ma part, je crois
au métissage des goûts et des cultures." Pour un ticket moyen de 140 à 150 F
(avec boissons), le Mandarin propose un réel dépaysement.
Une fois le repas terminé, il faut absolument feuilleter les nombreux livres éparpillés
ici et là, entre bonzaï ou pipe à opium. On s'initie au cerf-volant, aux murs
japonaises ou aux philosophes chinois. A propos de ces derniers, Kim Tan note sur une
petite ardoise une réflexion du jour comme celle de Lao Tseu : qui est esclave de ses
désirs ne peut en même temps rester maître de lui. n
"Je crois au métissage des goûts et des cultures", déclare Kim Tan.
L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999