Jusqu'ici les 40 000 tonnes d'escargots consommés en France proviennent pour l'essentiel du ramassage d'animaux sauvages. La production actuelle d'escargots d'élevage, de l'ordre de 800 tonnes, ne représente que 2 % de notre consommation. Ces 800 tonnes correspondent à du petit-gris (Helix aspersa müller) et du Gros-gris (Helix aspersa maxima), deux espèces qui s'adaptent bien à l'élevage. Alors qu'un petit-gris sauvage atteint une taille commercialisable au bout d'une année, voire deux, les petits-gris d'élevage atteignent cette taille en 4 à 6 mois. Quant à l'Escargot de Bourgogne, il faudrait l'élever pendant deux ans avant de pouvoir le consommer, c'est trop long et pas rentable. En 1980, les connaissances sur le petit-gris étaient très rudimentaires. Les études qui avaient été réalisées jusqu'alors ne concernaient que son anatomie, sa reproduction, ses physiologies nerveuses et cardiaques. L'élevage ou héliciculture était encore inexistant à l'époque même si des sociétés ou individus vendaient déjà du matériel et des bâtiments "clés en main".
Des études scientifiques très poussées
Afin d'aboutir à la mise au point du développement d'une véritable héliciculture, il
s'est révélé nécessaire d'entreprendre des recherches sérieuses sur la biologie et le
mode de vie de ces animaux. C'est ainsi que le laboratoire de zoologie et
d'écophysiologie de l'université de Rennes, en collaboration avec l'INRA, a concentré
tous ses efforts de recherche sur ce thème. De plus, la création au Domaine du Magneraud
près de La Rochelle, unité de recherche à échelle agronomique, a permis de mettre au
point une technique d'élevage fiable et rationnelle. Les recherches entreprises avaient
pour objet l'écologie, le comportement et l'activité, l'hibernation, les conditions
optimales (température, humidité, lumière, densité) pour la reproduction et la
croissance, le parasitisme, l'alimentation, la chronobiologie, l'uf et le
développement embryonnaire, la génétique et le matériel d'élevage... Jean-Claude
Bonnet, ingénieur spécialisé en héliciculture à l'INRA, travaille sur ce sujet depuis
vingt ans et a d'ailleurs publié en 1990, avec Jean-Louis Vrillon, un ouvrage qui
présente les résultats de ces études. Aujourd'hui, l'élevage des escargots est bien
maîtrisé. On compte aujourd'hui une dizaine d'associations régionales qui regroupent
près de 250 héliciculteurs répertoriés.
Sélections génétiques et alimentation optimisée
"La plupart des héliciculteurs aujourd'hui, fait remarquer Jean-Claude
Bonnet, élèvent des Gros-gris parce que c'est plus facile. Mais ces escargots à la
chair très brune ne plaisent pas à l'ensemble des consommateurs. La demande porte
plutôt sur le petit-gris. Nous travaillons donc sur le petit-gris afin de rendre son
élevage plus rentable." Pour cela, Jean-Claude Bonnet et son équipe cherchent
à optimiser l'alimentation donnée aux escargots en améliorant la formule mise au point
par l'INRA voici plusieurs années. Tous les aliments destinés à élevage des escargots
sont à l'heure actuelle fabriqués par les industriels selon cette formule. "Par
ailleurs, poursuit Jean-Claude Bonnet, depuis cinq ans nous poursuivons un
programme d'amélioration génétique. Nous faisons comme pour n'importe quel autre
élevage. Nous sélectionnons les animaux qui possèdent les caractéristiques que
l'éleveur souhaite développer. Ces animaux servent "d'étalons-reproducteurs".
C'est ainsi qu'en cinq ans, en couplant alimentation et sélections génétiques, nous
sommes arrivés à obtenir des petits-gris qui pèsent 15 g au lieu de 10 g. Nous avons
gagné 1 g par génération." Mais au fait, ces petits-gris qui grossissent ainsi
en un temps record, sont-ils bons ? A force de faire la course à la productivité, ne
va-t-on pas faire des escargots trop gras, trop mous et avec un goût bizarre ?
Jean-Claude Bonnet et son équipe viennent d'entreprendre des recherches sur les qualités
technologiques de l'escargot d'élevage avec no-tamment l'étude de la perte à la
cuisson. Les tests organoleptiques sont prévus mais bien plus tard, d'ici quelques
années. "Nous n'avons pas les moyens d'entreprendre toutes les études à la fois,
confie Jean-Claude Bonnet. Mais soyez rassurés, nous ne voulons pas faire avec les
escargots ce qui a été fait avec le saumon. Nous ne mettrons sur le marché ces
petits-gris "géants" que lorsque nous seront certains d'avoir préservé toutes
leurs qualités." Affaire à suivre.
Des conditions idéales
Un escargot petit-gris prend un à deux ans pour devenir adulte s'il est livré à
lui-même dans la nature. Sa croissance est interrompue par des périodes d'inactivité
durant lesquelles l'animal ne se nourrit pas donc ne grossit pas. L'escargot est inactif
quand il fait trop chaud, trop froid et bien sûr durant sa période d'hibernation. "L'escargot,
explique Jean-Claude Bonnet, possède une horloge interne. C'est la durée du jour qui
influe sur son activité ou son inactivité. Ainsi, en septembre, dès que les jours
raccourcissent, dès que la photopériode devient inférieure à 14 heures par jour,
quelle que soit la température, l'escargot se prépare à hiberner. Sa période
d'hibernation dure six mois." En mai/juin, il sort de sa coquille et cherche à
se nourrir. Encore faut-il qu'il trouve à manger et qu'il ne fasse pas trop chaud. Alors
dans les élevages, pour accélérer sa croissance, on élimine toutes les conditions
défavorables : on le fait naître à la bonne date, on lui donne une nourriture à base
d'herbages et de créréales broyées. Cette nourriture est équilibrée en protéines,
lipides, glucides et riche en calcium (pour la coquille). On le maintient dans un taux
d'humidité et à une température confortables et on lui laisse la lumière allumée
pendant au moins 16 heures. L'animal reste ainsi en activité permanente. Il peut manger
quand il en a envie donc il grossit rapidement. "Ce n'est pas du forçage,
souligne M. Simoncelli, animateur de l'Aspersa (Association spécialisée des producteurs
d'escargots des régions du secteur alpin). Les escargots mangent ce qu'ils veulent
quand ils le veulent." Ainsi, certains héliciculteurs arrivent aujourd'hui à
produire près de 50 tonnes d'escargots par an. Est-ce la fin des escargots sauvages ?
Aujourd'hui, les transformateurs industriels français boudent ces escargots qu'ils
trouvent moins bons et surtout plus chers que les escargots sauvages. Cependant, beaucoup
de représentants étrangers en provenance de Norvège, Colombie, Chypre, Afrique du Sud,
Equateur..., viennent visiter le Domaine de Magneraud. Comme L'INRA n'a déposé aucun
brevet, tout le monde peut se lancer dans l'élevage des escargots. n
© Lycée agricole de Savoie
Le Gros-gris, Helix aspersa maxima donne de bons résultats en élevage. Sa taille
est comparable à celle de l'Escargot de Bourgogne.
© Lycée agricole de Savoie
Escargots huit jours après leur naissance. En élevage, ils atteignent la taille
adulte en 4 et 6 mois.
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Il y a deux façons d'élever des animaux : soit à grande échelle afin d'obtenir
un produit à prix compétitif soit à plus petite échelle en respectant certaines
contraintes pour obtenir un produit de bonne qualité organoleptique mais cependant plus
cher. Les héliciculteurs regroupés sous l'UNGH, Union nationale des groupements
hélicicoles, ont choisi de défendre la qualité de leur élevage et d'obtenir
l'appellation "fermier" pour leurs produits. Pour cela, en collaboration avec la
chambre d'agriculture du Doubs et avec la participation de Claude Aubert, responsable de
la section Escargot à l'ITAVI (Institut technique de l'aviculture), ils ont élaboré un
cahier des charges pour définir
les conditions d'élevage de l'Escargot fermier. Ce cahier des charges très précis
définit entre autres la densité des escargots au m2 et le type de nourriture
(définition des végétaux utilisés sur plus de 40 % de superficie des parcs en plein
air). Il impose aussi aux héliciculteurs d'avoir suivi une formation adéquate.
Le respect de ce cahier des charges permettra d'assurer une véritable traçabilité
notamment en ce qui concerne l'alimentation des escargots. Bien sûr, les héliciculteurs
qui souhaiteront pouvoir apposer sur leurs produits la mention "Escargots
fermiers" devront se soumettre à un contrôle annuel réalisé par les services de
la Répression des fraudes. "Notre objectif, précise Maryse Petit, membre du
conseil d'administration et du bureau de l'UNGH, ce n'est pas la productivité avant
tout, c'est de satisfaire les consommateurs en leur offrant des produits de bonne qualité
gustative et sanitaire." La démarche de l'UNGH est en cours de validation au
ministère de l'Agriculture.
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Dès qu'ils sont réveillés après leur période d'hibernation, les escargots
s'accouplent et pondent trois semaines plus tard.
Tous les ans, de janvier à mars, l'éleveur réveille les reproducteurs mis à hiberner à 4 °C en chambre froide depuis le mois de septembre. Pour cela, il les transporte dans un local dit "de reproduction à 20 °C", les dépose dans des hamacs et leur donne à manger. Le passage de 4 à 20 °C suffit pour déclencher le réflexe de reproduction. Les escargots, animaux hermaphrodites, s'accouplent.
© L'Escargot du Terroir
Pour l'accouplement, les escargots sont déposés sur des hamacs.
Trois semaines après, chaque escargot pond entre 130 et 150 ufs en grappe. Ces ufs recueillis dans des boîtes de ponte sont transportés dans l'écloserie, un local chauffé à 20 °C, très humide et éclairé 16 heures par jour. Ces paramètres doivent être bien maîtrisés car l'éclosion est une phase délicate. Au bout de trois semaines, de minuscules escargots d'un millimètre avec une coquille entièrement constituée sortent des ufs.
Dans certaines régions, notamment en Poitou-Charentes, ces bébés-escargots nés à partir de février sont placés en nurserie, des serres-tunnels qui permettent aux petits escargots de se développer dans de bonnes conditions à l'abri des intempéries extérieures. Là, bien nourris et arrosés trois fois par jour, ils doublent leurs poids tous les 15 jours.© L'Escargot du Terroir
Dès leur naissance, les petits escargots sont placés en nurserie.
Au bout de 4 à 8 semaines de nurserie ou dès leur naissance selon les régions, les escargots sont transportés dans des parcs d'engraissement de plein air ou dans des parcs d'engraissement sous serre. Pendant quelque temps, ils sont essentiellement nourris de trèfle blanc, colza, radis, chou, radis-fourrager, ray-grass... Puis cette nourriture est complétée par une farine à base de céréales enrichie en calcium, farine mise au point par l'INRA. Là encore, ils sont arrosés deux fois par jour.
Parcs de croissance en plein air.
© L'Escargot du Terroir
Le ramassage des escargots doit se faire avec soin pour éviter de casser les
coquilles.
Le ramassage des escargots se fait en général début juillet jusqu'à la mi-octobre. C'est une opération délicate car il ne faut pas abîmer les escargots.
© L'Escargot du Terroir
Une fois récoltés, ces derniers sont placés dans des paniers ou en filets et
disposés sous serre ou un local bien aéré pendant une huitaine de jours. Les escargots
vont sécher et s'operculer. Ils seront alors stockés en chambre froide avant d'être
commercialisés ou transformés.
Les futurs géniteurs sélectionnés parmi les plus gros sont mis à part. Ils hibernent
entre trois et six mois en chambre froide jusqu'à la période de reproduction.
L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999