m Cécile Junod
C'est en 1994 que
Jean-Philippe Nuel réalise son premier hôtel, Le Clos Médicis à Paris. Depuis, il n'a
fait que s'affirmer dans cette voie réalisant plus d'une douzaine d'établissements dans
la capitale et en province. Architecte DPLG de formation, il s'oriente aujourd'hui vers
l'architecture intérieure et la décoration, deux activités qui constituent l'essentiel
de son travail.
"Ma formation d'architecte, intervient-il, me permet de superviser toutes
les étapes d'un projet depuis la conception générale jusqu'au dessin du moindre détail
du mobilier. A chaque échelon, je peux ainsi assurer la cohérence du vocabulaire
architectural et intégrer très vite les contraintes dites de décoration."
Son travail de création, Jean-philippe Nuel le conçoit comme une fonction de
récepteur-émetteur. Le côté "récepteur" répond au besoin de sentir,
appréhender, deviner les tendances, les évolutions, les attentes de ses clients tant au
niveau artistique que culturel et socio-économique. Quant à la fonction
"émetteur", c'est en fait la partie création, lorsque le concepteur use de sa
sensibilité et de sa créativité pour imaginer des univers personnels répondant aux
attentes inconscientes, présentes et futures, de notre époque. En cela, les grands
créateurs, peintres, architectes, musiciens ont souvent été de grands visionnaires
exprimant mieux que quiconque les aspirations et les peurs de chaque époque.
La conception de la décoration d'un hôtel n'a pas cette ambition, mais quelle que soit
la nature du projet, l'objectif est de créer une atmosphère qui réponde subtilement aux
attentes et aux aspirations secrètes de ceux qui vont le faire vivre.
Ce travail sur la création d'une atmosphère est d'ailleurs essentiel. Le voyageur
entrant dans un hôtel examine rarement tous les composants d'un décor. Il ne s'arrête
qu'à quelques détails emblématiques, mais retient avant tout une sensation globale qui
s'imprimera comme souvenir de l'établissement. En revanche, c'est à l'architecte
d'intérieur de créer cette ambiance. Pour ce faire, il doit être attentif à une foule
de détails et surtout en assurer la cohérence suivant une ligne. "Le pays, le
lieu et les attentes du client constituent les premières pièces du puzzle autour
desquelles s'écrit le scénario, commente à nouveau Jean-Philippe Nuel. L'atmosphère
créée doit permettre à l'utilisateur de s'approprier le lieu et d'éveiller son
imaginaire pour construire son histoire personnelle. C'est le côté fantastique d'un
décor. Et si l'hôtel se doit d'être aussi convivial et confortable qu'une maison, il
doit également posséder une autre dimension suscitant le dépaysement et une réelle
invitation au voyage imaginaire. La décoration ne s'arrête pas au choix d'harmonies ou
de matières. A l'instar de toute expression artistique, elle se doit de transcender le
réel pour accéder à une communication plus émotionnelle."
Témoins de son talent, les réalisations de Jean-Philippe Nuel s'inscrivent dans son
discours. Partout une atmosphère spécifique a été imaginée, en tenant compte, bien
sûr, des aspirations des propriétaires.
Situé dans le centre historique de Nancy, l'hôtel Crystal a retrouvé une seconde
jeunesse dans un style contemporain. Le goût des propriétaires pour la modernité et la
couleur a été l'élément déterminant de la démarche. Une fois ce parti pris,
l'ensemble de la décoration s'est décliné autour des collections de tissus hautes en
couleur de Kenzo, éditées par Lelièvre. Les tonalités choisies transmettent une
personnalité forte à l'établissement.
S'adapter à la sensibilité du propriétaire
L'hôtel Washington Opéra est beaucoup plus classique, suivant le désir du
propriétaire. Seule la salle du petit-déjeuner, se transformant en bar le soir, est en
rupture. Elle introduit une note de modernité. Quant à l'inspiration du décor, elle
prend sa source dans la proximité immédiate des jardins du Palais Royal. Un panorama de
Zuber, représentant des jardins, donne de la profondeur au hall d'accueil et lui ouvre de
vastes perspectives. C'est lui aussi qui conditionne la gamme des couleurs autour des gris
et jaunes.
Quant à l'hôtel Lavoisier, il concilie l'alliance de la nouvelle modernité et les
impératifs d'un immeuble ancien. Ces deux tendances, loin d'être antinomiques, se
combinent et créent la véritable richesse du projet. D'ailleurs, l'intégration du
passé correspond à une valeur recherchée par l'homme urbain souvent éloigné de ses
racines. Il ne s'agit pas de mauvais pastiche, ni d'un repli sur d'anciennes valeurs.
C'est au contraire puiser dans le passé les sources spirituelles qui nous permettent de
préparer l'avenir. n
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Ses référencesHôtel Lavoisier Malesherbes, un 4* à Paris. |
L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999