Ce n'est pas un "voyage
au bout de l'enfer" que nous réserve l'avenir mais plutôt un voyage au bout
du fil téléphonique ou bien encore de la télécommande du décodeur numérique.
Allongé confortablement dans son canapé tout cuir, Alain sirote en effet un cocktail
sirupeux. Il se met soudain à pianoter avec frénésie sur la télécommande de son
décodeur numérique. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce téléspectateur ne
zappe pas d'une chaîne à l'autre, agacé par le nombre grandissant de "navets"
qui lui sont proposés sur le petit écran. Il s'apprête tout simplement à acheter un
week-end à Londres via Liberty Channels, chaîne de télévision initiée par Lofti
Belhassine (créateur du Club Aquarius et d'Air Liberté), spécialisée dans le voyage.
Inconcevable il y a encore quelques années, cet acte d'achat devrait bel et bien à court
terme devenir monnaie courante. Tout comme celui qui consistera à réserver son billet
d'avion ou bien sa chambre d'hôtel par le biais du téléphone portable (1 européen sur
3 utilisera son portable pour accéder au Net d'ici 2004). L'idée de nouvelles
technologies, née à la fin des années 70, avec les développements dans le secteur de
l'audiovisuel (câble, satellite) et de l'informatique (micro-ordinateur), atteint
aujourd'hui en effet son apogée avec l'essor des télécommunications. Et surtout, la
"véritable nouvelle technologie", basée sur le protocole de communication
TCP-IP (Transmission Control Protocol-Internet Protocol), imaginée au début des années
60 comme un moyen sécurisé de communication militaire par le Pentagone, a maintenant
trouvé son rythme de croisière. La naissance du World Wide Web, application multimédia
de l'Internet, a effectivement déclenché un profond bouleversement dans nos modes de vie
et de travail.
Les habitudes de consommation dans le secteur du tourisme n'échappent évidemment pas à
la règle. Bien au contraire ! Considéré comme l'activité la plus représentée sur
Internet, en nombre de sites et de transactions, le tourisme semble être l'industrie la
plus prometteuse du commerce électronique. Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes.
Rien qu'aux Etats-Unis, le chiffre d'affaires du tourisme en ligne devrait grimper à 16,6
milliards de dollars en 2003 contre 6,3 milliards en 2000, selon le cabinet spécialisé
Jupiter Communications.
Internet, un nouveau canal de distribution
Grande séductrice devant l'Eternel, l'Europe devrait elle aussi bénéficier amplement de
cette nouvelle manne. D'autant qu'elle abrite en son sein la destination la plus visitée
au monde : la France. Jupiter Communications table donc sur une explosion des ventes sur
Internet à travers le Vieux Continent. Ces dernières atteignant les 6 milliards d'euros
en 2003 contre 155 millions d'euros en 1998. Des prévisions avec lesquelles il est certes
difficile d'extrapoler tant le secteur avance à la vitesse V.
Reste que la déferlante Internet a désormais réellement franchi les frontières de la
Gaule. Le nombre d'internautes français aurait doublé en un an pour approcher sans doute
les 5 millions. Quant au nombre de sites web, il aurait lui aussi été multiplié par
2,5. Et en ce qui concerne le tourisme, Médiangles et A Jour révèlent que le total
touristique acheté en France se serait élevé à plus de 1 milliard de francs en 1998
(889 MF pour la billetterie et 123 MF pour la réservation hôtelière). Peanuts, diront
volontiers quelques mauvaises langues comparé au chiffre d'affaires tourisme de 8
milliards de francs via le Minitel en 1998.
En attendant, le leader du voyage sur Minitel dès sa création en 1991, Dégriftour, a
clairement détecté le sens du vent. D'ailleurs, dès 1996, Francis Reversé, fondateur
de l'entreprise, a donné le "la" en matière de web tourisme. "Et au
terme de l'exercice actuel (clos fin mars 2000), l'activité Internet pèsera 280 millions
de francs sur un volume d'affaires global de 580 millions", indiquent les
responsables de la société. En sachant que les ventes se répartissent de la manière
suivante, en % du volume d'affaires : 26 % vols secs, 59 % forfaits, 14 % hôtels et
locations et 1 % loisirs.
Dégriftour, qui s'est ouvert sur l'Europe dès septembre 1999, n'entend pas pour autant
abandonner les autres médias qui lui sont chers. "Internet ne cannibalise pas nos
ventes sur Minitel. C'est tout simplement un nouveau canal de distribution qui permet de
conquérir de nouvelles clientèles", indique Frédéric Battu, responsable de la
production/achats. Une vérité dont plusieurs autres protagonistes du milieu touristique
ont fait leur philosophie. A commencer par les centrales de réservations hôtelières et
notamment REZsolutions.
Acquise récemment par l'Américain Pegasus, cette dernière, qui déclare que quelque 25
000 hôtels dans le monde utilisent l'un de ses services, réalise d'ores et déjà plus
de 3 % de ses réservations (10 millions nuitées en 1998) par le biais d'Internet et
table sur 10 % d'ici la fin 2000. Son site, Hotelbook, enregistrant plus de 10 000 visites
par jour.
Les systèmes de réservations des compagnies aériennes, ou GDS (dont les quatre
principaux acteurs sont : Amadeus, Galileo, Sabre et Worldspan), ne sont pas en reste non
plus. Tous se mettent en effet à développer des sites marchands de voyages. Après
Travelocity.com de Sabre qui va fusionner début 2000 avec Preview Travel, Galileo
International devrait lancer deux sites sur la Toile au cours des prochains mois. Quant à
Amadeus, il entend lui aussi jouer sa carte sur Internet. A cet effet d'ailleurs, il a
dernièrement conclu une joint-venture avec Telefonica. Du côté des groupements
hôteliers, on n'a pas dit non plus son dernier mot en la matière. Les Américains ont
encore indubitablement un métro d'avance dans le domaine.
Bestwestern.com
A titre d'exemple, le site www.bestwestern.com premier producteur de nuitées Internet aux
USA, a généré plus de 27 millions de dollars de chiffre d'affaires en 1998. Reste que
cela se met à bouger sérieusement en Europe et plus particulièrement en France. Alors
qu'il y a encore quelque temps Envergure (Campanile, Première Classe, Clarine, Côte à
Côte, Nuit d'Hôtel, Balladins et Climat de France) était le seul groupe à proposer une
réservation en ligne, les autres opérateurs ont retroussé leurs manches afin de
rattraper leur retard.
"L'internaute qui surfe sur le web à la recherche d'une chambre d'hôtel veut
aujourd'hui avoir la possibilité de réserver en temps réel. C'est la raison pour
laquelle nous devons être capables de le satisfaire au plus vite. Sinon, nous le perdrons
!", indique Renée Ougier, présidente de la Fédération des Logis de France
dont le site Internet a enregistré entre 800 et 1 000 demandes de réservations/semaine
durant la saison estivale 1999.
Plateaux téléphoniques
Pionnier des groupements hôteliers indépendants avec l'ouverture de son site sur la
Toile en 1995, Relais & Châteaux va également jouer la carte on line au cours du
premier trimestre 2000. Beaucoup d'autres opérateurs s'apprêtent eux aussi à franchir
le cap. Ce qui ne les empêche pas évidemment de conserver leurs outils de réservation
classique. Car, ainsi que le soulignent Claude Origet du Cluzeau et Patrick Vicériat dans
un ouvrage à paraître au début de cette année, intitulé Le Tourisme des années
2010, favorisés par la baisse des tarifs Télécom et dotés de conseillers de plus
en plus affûtés, les plateaux téléphoniques jouissent d'un engouement important.
"La chaîne Voyage a ainsi sa propre agence sous forme de plateau téléphonique
et Liberty Channels disposera de 150 télévendeurs multilingue disponibles jour et nuit,
toute l'année", rappellent les deux experts. Dans le marché d'Internet où
l'offre sans cesse croissante est souvent difficile à apprécier, le contact
"humain" (vocal) en rassurera plus d'un. Tout comme la notoriété d'une marque
qui va redevenir un élément essentiel. Reste donc à ne pas semer le trouble dans
l'esprit des consommateurs et à occuper le terrain. Demain, il faudra en effet aller vite
et être présent sur tous les supports d'information. Pour cela rien ne vaudra encore et
toujours la bonne vieille recette d'antan : l'union fait la force.
m Claire Cosson
Le développement du commerce électronique passe par la sécurisation du
paiement.
m
Travelocity (émanation de Sabre)
m Expedia
(filiale de Microsoft)
m Preview
Travel
m Biztravel
m Travel
Network
m The
Trip.com
m Atevo
m Uniglobe
Travel Online
m
1Travel.com
m
TravelResDirect
*Liste non exhaustive, établie à fin novembre 1999
Pérennité de l'hôtelL'hôtel a encore de belles années devant lui. Et ce même s'il n'est pas hyper
branché ! |
Téléachat Liberty Channels : la première plateforme multimédia consacrée au tourismeLofti Belhassine, le fondateur des villages Aquarius et de la compagnie aérienne
Air Liberté, a toujours fait preuve d'imagination. Avec la création de Liberty Channels,
entreprise multimédia spécialisée dans le voyage basée à Bruxelles, l'homme n'a pas
failli à sa réputation. Liberty Channels, qui a nécessité un investissement de 200
millions de francs, est en effet une agence audiovisuelle pas ordinaire. Cette dernière
allie trois éléments distincts à savoir : une base d'images et de données mondiales
sur Internet, un centre d'appels téléphoniques et une chaîne de télévision. La banque
de données, dédiée exclusivement au tourisme, rassemble une multitude d'offres de
séjours, de réservations et de transport. Un établissement hôtelier peut ainsi y
paraître pour une somme variant de 75 à 300 euros. |
Les raisons citées pour ne pas acheter en lignem J'ai
des craintes quant à l'utilisation de la carte de crédit 64 %
*Source : Phocus Wright |
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000