Très présent dans son
temps, Philippe Starck n'en reste pas moins doué pour extrapoler le futur. Elu designer
de l'année, Starck n'en finit pas d'aligner prix, oscars et autres honneurs. Ce n'est pas
qu'il court après, mais il y a toujours quelque chose de plus ou de différent dans ses
créations qui lui vaut toutes ces distinctions. D'ailleurs, les musées ne s'y trompent
pas. Paris, New York, Munich, Londres, Chicago, Kyoto, Barcelone... Tous l'exposent et le
consacrent. Sa philosophie : revenir à la justification basique de l'objet. La
concentration sur l'essentiel.
De son enfance, Philippe Starck se souvient des innombrables heures passées sous les
tables à dessin de son père, concepteur d'avions. A l'époque, il décortiquait,
découpait, sciait, ponçait, collait, tout ce qu'il trouvait. Il passait des heures et
des heures à défaire et refaire tout ce qui le touchait, à réinventer le monde qui
l'entourait.
A 20 ans, il devient directeur artistique chez Pierre Cardin, puis part faire le tour du
monde, s'installe à New York, et revient à Paris dix ans plus tard.
Après quelques remarquables aménagements intérieurs, Philippe Starck réalise, en 1982,
les appartements privés de François Mitterrand à l'Elysée. Cette réalisation marque
le début d'une carrière fulgurante sur la scène internationale. Les voyageurs
apprécient sa griffe au Café Mystique à Tokyo, découvrent de nouveaux standards de
l'hôtellerie au Royalton et au Paramount à New York.
On le découvre également à travers le catalogue 3 Suisses, où il présente son
tabouret "Bubu Ier" et la première maison vendue sur plan par correspondance.
Dans les grandes métropoles, il continue de bousculer les traditions et les cultures, en
décorant le restaurant du Peninsula Hotel de Hong-kong, l'hôtel Theatron de Mexico, le
Delano de Miami, le Mondrian de Los Angeles, le restaurant Asia de Cuba à New York.
Enthousiaste et respectueux de la planète Terre
Il parsème le Japon de monstres architecturaux qui font de lui le chef de file de
l'architecture expressionniste. Il poursuit encore sa carrière par de nombreux projets
actuellement en cours à Londres et ailleurs dans le monde. Sa particularité : faire des
endroits qu'on lui confie de hauts lieux d'attraction, de plaisir et de rencontre.
Citoyen enthousiaste, respectueux de la planète, il se voit confier la réalisation de
l'usine de retraitement de nos déchets en région parisienne. Et pour aller vers un futur
meilleur, plus juste, plus responsable, il se fait un devoir de nous faire partager sa
vision subversive de notre monde actuel. Il tente de modifier notre quotidien en
l'enrichissant avec humour et fantaisie, d'une meilleure qualité de vie puisée dans les
racines de nos origines. Cela va de la brosse à dents au téléviseur, en passant par nos
pâtes alimentaires, nos cendriers, lampes, brosses à cheveux, poignées de porte,
couverts, bougeoirs, bouilloires, couteaux, vases, horloges, scooters, motos, bateaux,
bureaux, lits, robinets, baignoires, petits-coins... enfin, toute notre vie. Cette vie qui
le passionne de plus en plus, au point de se rapprocher maintenant du corps humain avec
les vêtements, sous-vêtements, chaussures, lunettes, montres, produits d'hygiène...
avec le souhait déterminé de respecter, dans toutes ses créations, la nature et
l'avenir de l'homme.
Fou, génial mais aussi extraordinairement lucide, il dessine sans répit, par
nécessité, par urgence, pour lui et les autres. Toujours et partout présent, il
anticipe nos besoins et nos envies. Il se fait un devoir de respecter ses concitoyens en
faisant de son travail un acte politique et civique. Du futur, il espère un retour sur
investissement de toutes les actions de nos ancêtres et la construction d'une
civilisation responsable pour et par nos enfants.
m Cécile Junod
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000