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QUELS CAFÉS DEMAIN ?
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La convivialité

Le privilège du zinc à valoriser

Tant que l'être humain aura besoin de la chaleur d'un sourire, les cafés auront leur raison d'être. Mais pas n'importe lesquels.

A quelques rares exceptions près, les cybercafés ne font pas recette. Le principe est sans doute aux antipodes du bistrot, devenu, plus que jamais à l'aube du nouveau millénaire, un lieu de vie et de convivialité. En avril 1998, France Boissons, géant de la distribution CHR et filiale d'Heineken, finançait la première campagne publicitaire nationale et grand public ayant pour thème la défense des bistrots. Quatre visuels montraient alors des Français dans "leur café" : deux hommes discutant au comptoir, une femme donnant le sein à son enfant, un sportif s'octroyant une pause en terrasse, des copines déballant leurs achats autour d'un verre... Des images simples et conviviales, qui faisaient référence, en outre, à une enquête réalisée par la Sofres et qui confirmait l'attachement réel des Français au bistrot. Un vent nouveau soufflait enfin sur le secteur. Finis les abreuvoirs et la tristesse des zincs poussiéreux. Finis aussi les pleurs et les lamentations... Enfin, celles déployées traditionnellement par les porte-parole du secteur qui évoquent davantage son déclin que son renouveau. L'année dernière, le distributeur a réitéré la dé-marche. Courageux, car l'impact n'est pas facile à mesurer, et onéreux : 12 millions de francs ont été investis en 1998. La profession tout entière aurait dû applaudir des deux mains, mais elle ne l'a pas fait. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle reste profondément individualiste. Se montrer, elle ne sait pas faire. En outre, elle prend la mouche lorsqu'un fournisseur donne le ton. Rappelez-vous les réactions sulfureuses lorsque Perrier a mis sur le marché sa bouteille 33 cl ou encore l'échec de l'Institut pour le développement des cafés-brasseries (IDCB) initié par l'interprofession. C'est un constat, non un jugement. Car cette indépendance, aussi relative soit-elle, fait son charme. Il n'y a pas un bistrot, répète Robert Henry*, mais autant de bistrots que de patrons. Ajoutez à cela des gens venant de tous horizons. Les "grandes familles géographiques" qui détenaient une partie du secteur ont progressivement disparu au cours des vingt dernières années. Même si la région parisienne voit encore une proportion importante de propriétaires et de gérants originaires d'Auvergne et de Kabylie.

Logique sociale
Cette diversité s'inscrit toutefois dans un cadre que les consommateurs imposent de manière implicite mais se vérifie de plus en plus. Le consommateur est devenu exigeant. On ne peut plus lui vendre n'importe quoi, n'importe comment. Pire encore : le client réclame, compare et croit savoir ce qu'il veut. C'est toute la difficulté. Ce phénomène impose une remise en cause souvent totale de l'outil de travail. De nombreux "patrons" s'y sont égarés. D'autres n'ont pas senti, ou voulu sentir, le vent venir. A leur décharge, une société qui s'est, dans le même temps, rassurée et confortée dans le système administratif et l'empilement législatif. Ingérable au bout du compte pour des gens habitués à ce que le client entre, consomme et reparte, tous les jours que Dieu fait.
Ce qui devait arriver est arrivé. Quantité de bistrotiers ont mis la clé sous la porte. Le tableau n'est toutefois pas aussi noir que ça. Les banques qui ont racheté les "beaux emplacements" ont été très généreuses dans la plupart des cas.
Les mauvaises langues disent qu'une bonne partie du ménage qui devait être fait est terminée. "Et que les plus mauvais vont mourir de leur propre mort." Ce n'est pas aussi simple. Les besoins en milieu rural ne sont pas les mêmes qu'en centre-ville. Le propre du bistrot n'est-il pas de refléter la société ? Quand les chômeurs s'accrochent au jeu dans les bistrots, ce n'est pas du Zola mais un phénomène bien vivant et actuel. Quand un patron de bistrot consent à transformer un écran vidéo en machine à sous, c'est aussi parce qu'il n'a pas d'autre solution pour boucler son mois. Le choix n'est pas l'apanage du siècle qui commence.

Mutation
Regarder l'avenir avec optimisme paraît incongru voire indécent lorsqu'on se frotte au quotidien des petits bistrots. Et pourtant, l'activité en soi n'est pas obsolète. Il y a simplement mutation. Le processus, comparable à une révolution sourde, est engagé et bien engagé. S'il est quasiment impossible de déterminer le nombre exact de cafés en activité, l'estimation la plus probable s'approche des 50 000 licences IV. L'essentiel, à ce niveau, porte sur la stabilisation des chiffres. Oui, le bistrot s'adapte. Doucement, douloureusement, parfois à contretemps, mais il s'adapte.
Le fast-food n'a pas tué le café. Il l'a fait bouger. Et il n'est pas question de défendre ici les fast-foods mais de souligner une nouvelle fois seulement combien le café est en butte à la société et la reflète. Manger rapide, demeurer de longs moments devant une consommation unique, se tourner vers des produits significatifs d'une génération ou d'un style...
Cela dit, parier que le café de demain ressemble aux fast-foods made in US est une erreur.
Le bistrot de l'an 2000, c'est un bistrot qui fonctionne, qui attire, séduit, retient. Vaste programme, effectivement.
Si les cybercafés (en France) n'ont pas convaincu, ce n'est pas pour des raisons techniques mais tout bonnement par manque de "connexion" humaine. Les Français lui préfèrent et de loin le coude à coude des pubs.
Le bistrot de l'an 2000 est un bistrot à échelle humaine - ne pas confondre les dimensions de l'établissement et son état d'esprit. C'est un lieu dans lequel on peut partager quelque chose. Et de préférence un sourire, une poignée de main, un regard amical
Faites le détour par les bars des grands hôtels : ceux-ci sont devenus plus chaleureux, plus accessibles que par le passé. Même eux !
Le bar, le café, le troquet de l'an 2000 est plus que jamais une annexe, un repère, un rendez-vous. Qu'on se le dise.

m Sylvie Soubes

* Robert Henry, syndicaliste de longue date, a notamment été à l'origine de la première grève des guichets PMU.

Quelques habitudes

m D'une manière générale, la clientèle des cafés est masculine à 55 % et relativement jeune (46 % sont des 18/34 ans). Cette clientèle masculine est assez bien répartie en âge. En revanche, la clientèle féminine (45 %) est concentrée sur les 25/49 ans qui représentent 30 % de la clientèle totale.
m Parmi les personnes qui se rendent dans un café au moins une fois par mois, 55 % déclarent avoir un café habituel, dans lequel ils vont le plus souvent.
83 % des habitués sont attachés à un café particulier qui se situe généralement à côté de leur domicile (dans 44 % des cas).

m La présence d'un patron ou d'un barman sympathique est primordiale pour la clientèle (57 % des interrogés jugent ce critère très important).
m La boisson la plus régulièrement consommée reste le café (64 %) quelle que soit la catégorie de clientèle.

Chiffres extraits d'une enquête CSA/Perrier


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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000

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