C'est à nous de motiver les
jeunes et de leur rappeler qu'on fait un métier de passion où l'on donne du plaisir aux
clients. Sinon, il n'y aura plus d'amour du métier. Je leur dis : la loi est passée à
43 heures et à 39 heures bientôt. Vous avez un temps très court pour apprendre le
métier et faire des choses intéressantes. Si vous êtes professionnel, vous venez plus
tôt et vous vous dites 'je prends sur moi pour réussir ma carrière dans 10 à 20 ans'
comme on l'a tous fait. Si on ne les motive pas maintenant, dans 10 ans, on retrouvera
peut-être des groupes agroalimentaires derrière eux pour faire une cuisine beaucoup plus
simple.
Ce qui me fait peur, c'est qu'aujourd'hui les frontières s'ouvrent. Chez nous, on a des
traditions et on prend le temps qu'il faut pour produire un bon poulet. On a de bons
produits. On les paye un peu plus cher mais ce n'est pas grave, on veut de la qualité.
Avec l'ouverture des frontières, on sait que d'ici quelques années des produits qui ne
sont pas faits naturellement vont arriver sur le marché. Si nous, on ne fait pas
attention et qu'on n'inculque pas aux jeunes comment choisir les produits, ce sera une
catastrophe. Pour être de bons chefs demain, les jeunes que nous formons aujourd'hui
doivent travailler les goûts et les bons produits pour perpétuer la tradition.
m Je pense que la
cuisine traditionnelle avec des saveurs, ça existera toujours. Des chefs qui font de la
bonne cuisine avec de bons produits, il y en aura malheureusement de moins en moins parce
qu'il va falloir réduire les coûts. On va devoir sûrement encore baisser les prix pour
être compétitif. On ne pourra plus embaucher autant de personnel. Certains préféreront
les produits de Roumanie ou de Bulgarie parce qu'ils seront moins chers. Donc, on assiste
à une baisse de la qualité. La carte sera plus courte parce qu'on n'aura pas le choix.
On la changera peut-être plus souvent.
m Aujourd'hui, il y a
75 % de restaurants de cuisine traditionnelle en France. Dans 20 ans, il n'y en aura
peut-être que 50 % au profit des chaînes et de la cuisine étrangère (pizzas, chinois,
etc.). C'est ce que je redoute.
m Il y aura toujours de
grandes maisons, mais souvent régies par de grands groupes financiers. D'un autre côté,
il y aura des concepts spécialement viande rouge, viande blanche ou poisson, avec de bons
produits parce qu'il n'y en aura qu'un. Une qualité intermédiaire entre les chaînes
d'aujourd'hui et les restaurants traditionnels.
m C'est à nous de
faire comprendre aux pouvoirs publics qu'il faut faire attention, sinon dans 15 ans, on
n'aura plus de produits de qualité, les gens mangeront à 100 à l'heure et comme il n'y
aura plus beaucoup de formation, on prendra des étudiants...
m Malgré tout, je suis
d'un naturel optimiste et je le reste parce que nous sommes nombreux, nous professionnels,
à former des jeunes dans l'amour du métier.
Pierre Potel
Restaurant Le Cappeville à Gisors (Eure).
m Propos recueillis par Nadine Lemoine
Le profil du cuisinier de demainLes jeunes qui vont relever le défi devront être inventifs, créatifs et doublement passionnés. Ils feront connaître les produits nouveaux tout en conservant les bases de cuisine. Le cuisinier de demain devra défendre le patrimoine culinaire. Il sera aussi très attentif et plus rigoureux sur le plan de la gestion et des achats. Sans oublier qu'il devra impérativement aller en salle, faire le petit geste qui plaît à la clientèle. |
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000