Les premières expériences d'éveil sensoriel des enfants ont été réalisées en 1970 par Jacques Puisais, fondateur de L'Institut français du goût. En 1990, en partenariat avec le CNAC (Centre national des arts culinaires), il a lancé "Les classes d'éveil du goût". L'idée était d'initier au goût des enfants d'écoles primaires par des instituteurs volontaires formés à cette nouvelle approche. Mais, c'est le CEDUS avec Jean-Luc Petitrenaud qui est à l'origine de la Semaine du Goût et qui lui a donné l'ampleur de sa réussite. Depuis dix ans, chaque année, cet événement célèbre le goût dans toute la France en sensibilisant enfants et parents à la redécouverte et à la recherche de produits du terroir, de produits de qualité, de produits qui "ont du goût". Cette manifestation désormais nationale qui mobilise l'éducation nationale, les enseignants des écoles primaires et des écoles hôtelières, les chefs de cuisine, les restaurateurs et tous les autres métiers de bouche mais aussi les sociétés de gestion de restauration, le CROUS, les agriculteurs, éleveurs, viticulteurs, distributeurs, les villes et les collectivités territoriales... a commencé en 1990 quand 350 chefs venus de toute la France ont inauguré la Journée du Goût dans les écoles de Paris pour donner aux enfants leur première leçon de goût. Un sondage révélait que 74 % des Français pensaient que le goût s'éduquait. En 1997, soutenue par 3 000 chefs, la Semaine du Goût touche 90 000 enfants et se fait connaître dans le monde entier en lançant son site Internet. En 1999, la Semaine du Goût s'est donnée pour mission de transmettre notre patrimoine culinaire. C'est ainsi que 70 musées du Goût ont été inventoriés par le CNAC (Conseil national des arts culinaires) et que de nombreuses villes et villages ont créé des animations autour de marchés, de jardins potagers et de casse-croûte. Des restaurants comme Le Vaudeville ou La Coupole à Paris ont invité leurs clients à visiter leurs cuisines et à parler "goût" avec leur chef. Des établissements d'enseignement hôtelier comme ceux de Nice ou d'Aire-sur-la-Lys, par exemple, ont invité des enfants accompagnés de leurs enseignants ou de leurs parents pour participer à des séances de dégustations dans leur laboratoire d'analyse sensorielle ou bien autour de producteurs régionaux ou locaux réunis à cette occasion. Chaque année, les initiatives sont de plus en plus nombreuses et attirent de plus en plus de monde. Il est impossible de toutes les citer.
© B. Delessard
Pour initier ses élèves à la dégustation, l'Ecole supérieure de cuisine
française Ferrandi dispose d'un laboratoire d'nologie et d'analyse sensorielle. Les
dégustations des élèves de BTS sont conduites par Ghislaine Lepetit, leur professeur.
Jean-François Thorel, chef de cuisine du Vaudeville à Paris, propose une leçon
de goût aux plus grands : ses clients, toujours à l'occasion de la Semaine du Goût.
© Semaine du Goût
Durant la Semaine du Goût, plus de 3 000 chefs retournent à l'école pour
enseigner le goût à plus de 90 000 enfants.
Du BAC Pro au DESS
"Jusqu'en 95/96, explique Serge Perrot, président de la nouvelle AMFORTH,
Association mondiale pour la formation hôtelière et touristique, le mot
"goût" n'apparaît dans aucun référentiel de l'enseignement hôtelier.
Jusqu'alors, les professeurs enseignaient des techniques, des savoir-faire d'une façon
empirique en apprenant aux élèves à goûter les plats et à ajuster les saveurs. Jamais
lors des commissions de révision des référentiels, ils ont demandé d'introduire
l'éducation du goût." Il est vrai que le goût est une notion difficile à
appréhender : il change en fonction du temps, des lieux mais aussi de la lumière, de la
température, de l'hygrométrie, du bruit ambiant. Cependant, la campagne sur le goût
réalisée par Jacques Puisais et le succès de la Semaine du Goût ont sensibilisé les
établissements d'enseignement hôtelier. Désormais, la notion de goût apparaît dans
tous les référentiels de cuisine ou restaurant : CAP, BEP, BAC Pro, BTS, voire dans un
nouveau référentiel de DESS. Ceci marque une avancée considérable : les
établissements hôteliers vont devenir de véritables écoles du goût. Ainsi dans les
référentiels CAP cuisine et BEP hôtellerie-restauration option cuisine, il est dit dans
le paragraphe "Education du goût et de l'odorat" que les élèves devront
"savoir expliquer l'importance des caractéristiques des aliments : goût, odeur,
aspect, texture, couleur et l'action du cuisinier dans ce domaine ; différencier et
associer les saveurs physiologiques de base (salé, sucré, acide, amer) ; citer les
préparations culinaires caractérisées par les aromates, condiments, épices".
En 2e année de BTS hôtellerie-restauration, on demande aux élèves de "déterminer
à partir de fiches d'évaluation sensorielle la part relative de chaque sensation dans
l'appréciation de la qualité organoleptique, d'expliquer la perception sensorielle et
ses variations sous l'influence des divers facteurs, de définir les divers types
d'épreuves sensorielles, d'analyser pour une situation donnée les paramètres
d'influence de la qualité organoleptique..." Pour atteindre ces objectifs
pédagogiques, une dizaine d'établissements d'enseignement hôtelier (Paul Augier à
Nice, ESCF-Ferrandi...) s'est déjà dotée d'un laboratoire d'analyse sensorielle.
Institut de dégustationFormation : "La dégustation, ses applications" 1re demi-journée 2e demi-journée 3e demi-journée 4e demi-journée 5e demi-journée Institut de dégustation : Tél./Fax : 02 47 64 84 66 |
Associations d'enseignants
Bon nombre d'enseignants réunis en association veulent aller encore plus loin et
uvrent pour maintenir ces valeurs du goût et conduire les établissements
hôteliers à devenir de véritables conservatoires du goût. Ainsi l'AMFORTH, Association
mondiale pour la formation touristique et hôtelière, s'est donnée pour objectif de
défendre sur le plan mondial les notions d'accueil, de gastronomie, d'éducation
sensorielle et de culture du goût. Pour cela, l'AMFORTH organise ou participe à des
séminaires pour mettre l'accent auprès des professeurs et directeurs d'établissements
sur les nouveautés dans la formation. Elle est intervenue par exemple sur la formation
des cuisiniers lors du dernier colloque organisé par la Fondation Auguste Escoffier, les
3 et 4 décembre derniers. L'EUROHDIP, association animée par René Menu qui regroupe 80
écoles hôtelières accréditées, a défini avec Jacques Puisais, président de
l'Institut du goût, un séminaire de cinq jours sur l'éducation du goût, destiné aux
professeurs de ces écoles. L'AFLYHT, Association française des lycées d'hôtellerie et
de tourisme, présidée par M. Prosperi, proviseur du lycée hôtelier et de tourisme de
Nice, propose un DESS Arts culinaires : culture, science, création. "En étudiant
les formations de chefs de cuisine dans le monde, nous nous sommes rendus compte,
explique M. Prosperi, que la France ne proposait pas de diplôme supérieur en cuisine
contrairement au Culinary Institute of America où d'ailleurs beaucoup de chefs français
sont enseignants. Le programme de ce DESS a été réalisé en partenariat avec
l'université de Sophia-Antipolis de Nice, le lycée hôtelier et de tourisme Paul Augier
de Nice et Jacques Chibois. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec l'Ecole
d'Ecully, l'université de Dublin et une université hollandaise qui essaient de mettre en
place un diplôme universitaire de cuisine." Le DESS Arts culinaires de Nice a
pour objectif de former des cuisiniers qui pourront s'inscrire au concours des MOF ou
Taittinger ou bien devenir directeurs de restauration. Il donne une large place à
l'éducation du goût. Dans le module intitulé "Le goût entre nature et
culture", les élèves apprendront la Chimie du goût, l'Ethnologie du goût/histoire
de la cuisine et l'Analyse sensorielle. Chacune des trois parties du module sera reprise
selon un thème transversal et un thème culinaire. Par exemple, à propos de l'Analyse
sensorielle, la mise au point de descripteurs sensoriels sera travaillée sur la Cuisine
de saison et la mise au point d'une grille d'évaluation sensorielle sera étudiée sur la
Cuisine des régions.
Le jury des petits gastronomesEn l'an 2000, le Concours général agricole organise le premier concours de produits jugés par des enfants. Le goût des enfants, consommateurs de demain, sera donc à l'honneur à l'occasion du prochain Salon de l'Agriculture. Les jurés issus d'un échantillonnage national ont appris à identifier les goûts et saveurs et acquis des méthodes d'analyse des produits. Ils ont été entraînés à la dégustation. Ils auront à goûter des produits laitiers frais et du miel. Les produits primés par les enfants pourront être valorisés par le Label du jury des petits gastronomes : Délices d'Or, Délices d'Argent ou Délices de Bronze. |
Restaurateurs : pour leur personnel et leurs clients
"Aujourd'hui, se dit Bernard Charret, chef propriétaire du restaurant Les
Chandelles Gourmandes à Larçay (37), les industries agroalimentaires maîtrisent
parfaitement bien le goût. Grâce aux recherches menées par l'Institut français du
goût ou d'autres organismes ou encore grâce aux cours sur le goût et l'évaluation
sensorielle donnés à l'université de Tours ou autres écoles d'ingénieurs, elles
savent utiliser les arômes pour donner du goût à leurs produits et elles savent
fabriquer des produits qui séduisent tout de suite les consommateurs. Elles façonnent le
goût des consommateurs et leur font oublier les saveurs authentiques. Avec le temps,
elles ont pris la place des restaurateurs qui doivent initier leurs clients au goût, leur
faire découvrir et apprécier des saveurs qu'ils ne connaissent pas ou plus. Le goût
s'éduque comme la connaissance de la musique. Il faut parfois écouter une uvre
musicale plusieurs fois et se la faire expliquer avant de savoir l'apprécier. Le goût,
qui est la base du métier de chef de cuisine, est une notion mal maîtrisée. Les chefs
de cuisine et les restaurateurs ne savent pas parler du goût alors que les industriels
savent aujourd'hui très bien le faire." Bernard Charret sait que les
consommateurs sont aujourd'hui de plus en plus curieux, qu'ils veulent savoir, qu'ils
veulent comprendre. Le chef doit pouvoir leur raconter les produits qu'il cuisine, les
mets qu'il mijote mais avec des mots justes et précis. Il doit donc, comme l'industriel,
s'initier à l'évaluation sensorielle afin de mieux communiquer avec ses clients, afin de
leur faire partager ses propres émotions sensorielles autour d'un plat. Bernard Charret,
qui est un passionné du goût et des véritables produits du terroir, veut aussi parler
un langage commun avec ses fournissseurs de poulets, de beurre ou d'ufs. "Il
faut que chacun sache par exemple ce que signifie le mot amer", explique-t-il.
Alors, il a pris contact avec L'Institut de dégustation de Tours pour mettre au point un
stage de cinq demi-journées qu'il suivra avec Dominique, son épouse, et toute son
équipe. Ce stage intitulé "La dégustation, ses applications : méthode et
vocabulaire", est remboursé en partie par le FAFIH qui l'assimile à une formation
nologique. Bernard Charret est le premier restaurateur à avoir formulé cette
demande à l'Institut de dégustation qui a ouvert ses portes voici une dizaine d'années
(voir programme de formation p. 61).
m Bernadette Gutel
© Hugues Le Guellec
Dominique et Bernard Charret du restaurant Les Chandelles Gourmandes à Larçay en
Touraine vont suivre avec leur équipe un stage de formation à l'Institut de dégustation
pour apprendre à mieux parler "goût" avec leurs clients.
Pour découvrir le goût, rendez-vous au FuturoscopeLe goût est vraiment une notion d'avenir... Puisque le Futuroscope à Poitiers a décidé d'y consacrer d'une part "un site unique conçu autour du plaisir de goûter" et d'autre part, deux animations. Ces deux animations - Les Images du goût et L'Atelier du goût - ont été conçues par l'Institut français du goût en partenariat avec Carte d'Or Miko. Pédagogiques et attractives, elles invitent le public à comprendre les mécanismes plurisensoriels intervenant dans la formation du goût. Les Images du goût constituent un véritable spectacle imaginé par Aliah Bouchet et Hélène Bourgy, scénographes. C'est un véritable parcours initiatique composé de 6 étapes conçues comme des "saynètes audiovisuelles". Dans la première étape, grâce aux Vidéoconvives, vous êtes invité à une remontée historique de l'homme à travers les goûts en présence de cinq convives virtuels. Dans la deuxième étape, La Vue, un ordinateur géant fait défiler des images qui deviennent un hymne au plaisir de la vue et rappellent que ce sens est le premier avertissement donnant des éléments sur le goût. Dans la troisième étape, L'Odorothèque, vous êtes invité à actionner des diffuseurs d'odeurs qui vous en font découvrir une vingtaine identifiée par un visuel graphique. Au cours de la quatrième étape, Le Goût, des images agrandies de l'intérieur de la bouche en train de déguster, vous apprennent à repérer les mécanismes simples qui concourent à la reconnaissance et à la mémorisation du goût. L'étape cinq, L'Ouïe, démontre la diversité des sons accompagnant l'acte de manger. Dans l'étape finale, Le Bilan sensoriel, chaque visiteur, grâce à une vingtaine de questions présentées sur écran tactile, peut repartir avec son bilan sensoriel personnel sous forme de graphique. En complément de ce parcours, les visiteurs sont invités à se rendre à L'Atelier du goût pour s'initier à l'évaluation sensorielle.
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000