C'est une première ! Grâce
au rapport "Réinventer les vacances", commandé par la direction du tourisme,
la profession dispose bel et bien aujourd'hui d'un véritable outil de prospective. Le
groupe d'experts de la rue Martignac, présidé par Jean Viard, directeur de recherche au
CNRS, est en effet parvenu à analyser les besoins spécifiques des Français en matière
de consommation touristique à l'horizon 2010. Sans oublier que les résultats de ce
travail révèlent aussi les forces et les faiblesses touristiques de l'Hexagone. Un moyen
comme un autre d'alerter les acteurs du secteur quant à la nécessité impérative de se
remettre en question afin que le fossé existant entre leur offre et les attentes des
vacanciers ne se creuse pas davantage au cours des prochaines années.
Parmi les grandes tendances observées, la première sur laquelle insiste le rapport du
Commissariat général du plan est : la banalisation des vacances. D'ailleurs selon une
enquête de la Sofres réalisée à l'attention de ce groupe de travail, pour près de 91
% des Français, "les vacances sont une nécessité absolue, un droit inviolable
même". En d'autres termes, le tourisme est entré dans les murs. Et sauf
amplification majeure des situations d'exclusion profonde, 90 % à 95 % de la population
française, et sans doute européenne, partiront demain en vacances. "Ce qui ne
signifie pas pour autant que l'aménagement et la réduction du temps de travail auront
une action positive sur la demande touristique", précisent cependant les auteurs
du rapport.
"Se retrouver en famille"
Parce qu'en matière de consommation touristique, les comportements varient véritablement
en fonction de différents critères tels l'âge et l'état psychologique de chaque
individu. A titre d'exemple d'ailleurs, 16 % des Français ne partent jamais en vacances
dont 6 % par manque de goût déclaré pour les vacances. En fait, la génération
"mai 1968", qui rentrera dans l'âge de la retraite d'ici dix ans, récemment
marquée par le phénomène du chômage, éprouve "un besoin de se raccrocher à
des valeurs sûres (tels le couple, les amis, la famille...)". La génération
"Gorbatchev" (âgée de 20 ans) en revanche, ayant toujours vécu dans un
contexte économique difficile, s'avère-t-elle plus ouverte au tourisme à proprement
parler. Et à l'horizon 2010, une troisième génération, essentiellement urbaine, ayant
déjà une mémoire touristique personnelle et familiale, fera son apparition sur la
scène du tourisme français.
Face à cette diversité de la demande, "la consommation touristique devra de plus
en plus être ciblée et individualisée", souligne le rapport. Et d'ajouter : "Les
équipements qui évoqueraient la masse et la contrainte collective seront en danger
d'inefficacité." L'étude des motivations des touristes montre en effet
qu'elles reposent moins sur les caractéristiques intrinsèques du produit que sur le
contexte personnel dans lequel s'inscrit le séjour. Autrement dit, les motivations
propres au tourisme passeront au second plan au profit de motivations plus générales. Et
dans un contexte de vie urbaine stressée, les vacanciers chercheront avant tout des
valeurs sûres à savoir "rompre avec le quotidien, dénicher le dépaysement, se
retrouver en famille et en couple. Ils auront également envie de soleil et de
chaleur".
Suivre la dynamique mentale des vacanciers
Un certain nombre de valeurs auxquelles il sera impératif parallèlement d'adjoindre une
part d'imaginaire. "En somme, note le rapport du Commissariat général du
plan, le touriste dira aux professionnels : ne me parlez pas de ce que vous m'offrez,
parlez-moi de ce que j'ai envie de m'offrir." Il faudra effectivement, tout en
satisfaisant ces valeurs sûres, savoir suivre la dynamique mentale de sa clientèle pour
gagner de nouvelles parts de marché. "Plutôt que de jouer sur les biens
matériels des produits qu'ils ont l'habitude de proposer, les professionnels devront à
l'avenir mettre en avant leurs caractéristiques immatérielles", explique
Christine Kovacshazy, rapporteur.
Autant d'éléments à la fois simples et complexes dont l'industrie hôtelière
française devra bien sûr tenir compte afin d'améliorer ses propres prestations de
service. D'après les recommandations citées dans l'ouvrage Réinventer les vacances,
plusieurs types d'améliorations pourraient ainsi intervenir en matière d'hébergement. A
commencer par l'habitabilité des chambres. Les hôteliers doivent envisager des
aménagements, sous forme de cloisons mobiles par exemple, afin de séparer la chambre des
parents de celle des enfants et d'accueillir des familles "tribus". Ils
pourraient aussi diversifier la typologie des chambres entre celles destinées aux fumeurs
et non-fumeurs, celles pour se reposer et pour travailler. "Des espaces collectifs
divisés en bureaux pourraient également regrouper les différents outils bureautiques
nécessaires", préconise le groupe d'experts.
Parmi les valeurs sûres : la famille
Maintien des destinations traditionnelles
"L'hôtellerie traditionnelle devrait également s'équiper de chambres dotées
d'un lit d'une personne afin de satisfaire notamment les besoins des seniors",
explique Christine Kovacshazy. Des progrès devront aussi impérativement être apportés
au niveau de la sécurité avec la télésurveillance (détection des pannes de
téléphone, télévision, chauffage...). Il faudra en outre, selon Patrick Vicériat,
travailler sur l'odorisation des locaux pour lutter contre les mauvaises odeurs, mais
aussi créer des ambiances voire des images olfactives. Sans oublier également la mise en
place de politiques tarifaires plus diversifiées et celle de nouveaux services comme le
secrétariat, la garde d'enfants, les bornes télématiques installées dans le hall de
l'hôtel recommandant les sites touristiques de la région avec possibilité de
réservation automatisée...
Concernant la commercialisation des produits touristiques, les professionnels devront là
aussi changer leur fusil d'épaule. Il faudra travailler en "bouquets d'offres"
plutôt qu'en répétition d'offres similaires et faire du "sur mesure". Les
actions de fidélisation prendront également une place importante. Sur ce point précis,
les acteurs du secteur devront ainsi imaginer des séjours pour deux personnes pour le
prix d'une, des réductions aux porteurs de cartes de fidélité...
La mer séduit et séduira encore les vacanciers. A condition qu'elle ne soit pas
"mazoutée"...
Quant à savoir où les Français se rendront en vacances d'ici douze ans, le rapport
dresse une cartographie des territoires français "très attractifs",
"moyennement attractifs" et "faiblement attractifs", riche
d'enseignements. On découvre ainsi que les "espaces anciennement et
traditionnellement touristiques comme le Pays Basque ou la Côte d'Azur conserveront leurs
avantages". Parallèlement, la Bretagne, la Côte d'Opale et la Baie de Somme,
qui se sont astreintes à prendre en compte les préoccupations environnementales de la
demande, ont de beaux jours devant elles.
En revanche, les "espaces aménagés dans les années 70 aggraveront leurs
handicaps (comme le Languedoc-Roussillon et certaines stations de Vendée)".
Concernant les espaces ruraux, situés pour les uns autour d'une "diagonale du
vide" de Toul à Tarbes, pour les autres dans le "ventre mou" de la France,
aux alentours du Massif Central, il sera nécessaire de développer des niches à forte
plus-value. Au sujet enfin du tourisme urbain, le document publié par le Commissariat du
plan montre du doigt le fait que notre offre est encore actuellement limitée à certaines
villes comme Paris, Nice... Il souligne toutefois que d'ici à quelques années d'autres
villes pourraient devenir touristiquement plus attractives telles Lyon, Marseille,
Bordeaux, Toulouse...
m Claire Cosson
* Réinventer les vacances, la nouvelle galaxie du tourisme est disponible au
prix de 140 francs, auprès de :
La Documentation française - 29-31 quai Voltaire - 75344 Paris CEDEX 07 - Tél. : 01 40
15 70 00
Les vacances pour les Français sont devenues un véritable droit. Un moyen
également de retrouver les amis.
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Plutôt aisés, avides de changement et de découverte, ce sont les touristes par excellence.
m Les
aventuriers (1,5 million de personnes, 9 millions de voyages) : ils sont
constitués d'un grand nombre de 50 ans et plus, adeptes des visites culturelles, du
vélo, de la randonnée, de la montagne
et des formules tout compris.
m Les innovateurs (3,8 millions de personnes, 20,9 millions de voyages) : un tiers sont des jeunes célibataires. Ils voyagent souvent avec des amis et apprécient les activités sportives à la montagne et à la campagne. C'est le groupe le plus mobile.
m Les hédonistes (3,1 millions de personnes, 13,5 millions de voyages) : il s'agit de jeunes couples 25-34 ans, qui cherchent des vacances plaisirs (partir loin) à la mer et à la campagne. Ils apprécient la gastronomie, les gîtes et les clubs de vacances.
Ils sont confrontés à deux sortes de contraintes. L'une est financière, leurs revenus étant peu élevés. L'autre résulte du fait qu'ils ont souvent des familles nombreuses. D'une manière générale, ils privilégient les aspects pratiques des vacances plutôt que leur contenu.
m Les grégaires (3,1 millions de personnes, 13,8 millions de voyages) : c'est la dimension sociale et humaine des vacances qui prime (un temps pour la famille, pour le couple), longs séjours, circuits (caravaning-camping-car), hôtels, résidences secondaires. Ils aiment aussi les activités, les visites de musées et les promenades.
m La
famille (4,8 millions de personnes, 12,4 millions de voyages) : ce groupe comporte
une forte proportion d'ouvriers et de familles nombreuses. Il pratique les séjours en
location ou dans la famille, en caravane, à la campagne.
Ce groupe d'individus a des revenus moyens et se caractérise par le besoin de vacances
sans surprise : même environnement, mêmes personnes fréquentées chaque année...
m Les casaniers (2,9 millions de personnes, 12,4 millions de voyages) : beaucoup de 25-34 ans habitant en milieu rural. Faible implication dans les loisirs et les vacances. Ils aiment les séjours chez des amis, à l'hôtel, en location et souvent en ville.
m Les individualistes (3,9 millions de personnes, 16,1 millions de voyages) : beaucoup de seniors, revenus moyens. Les vacances correspondent à du temps pour la famille, un ballon d'oxygène, des séjours en couple, à la mer, hôtel ou village de vacances.
m Les
bronzés (8,6 millions de personnes, 36 millions de voyages) : c'est le seul groupe
de cette famille à être vraiment actif en vacances. Séjours en couple, à la mer, à
l'hôtel, en location ou
en village vacances.
* Une enquête de la Sofres recense 8 types de consommateurs, regroupés en trois grandes familles de vacanciers.
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000