Denis Onfroy, président du SILEBAN (Station expérimentale et de développement de la production légumière), explique : "Après des années de culture intensive, les mesures agro-environnementales préconisées par le règlement CEE n° 2078/92 correspondent à une véritable révolution culturelle. Mais les exigences du consommateur à l'égard de son alimentation évoluent radicalement. Les producteurs de légumes doivent donc entreprendre des efforts importants." Dès 1994, les producteurs de légumes du val de Saire en Basse-Normandie ont réfléchi. Ils ont décidé de produire autrement pour protéger l'environnement et offrir aux consommateurs des produits sains et de bonne qualité gustative. Ils ont entrepris de faire de "l'agriculture raisonnée". "Les producteurs, poursuit Denis Onfroy, ne pouvaient pas mettre en place tout seuls ce nouveau mode d'agriculture. Il a fallu créer un Comité scientifique et technique en développant et en renforçant les partenariats avec l'INRA et le CTIFL*." L'agriculture raisonnée se situe entre l'agriculture intensive et l'agriculture biologique. Contrairement à l'agriculture biologique, elle se permet d'utiliser des engrais et des produits phytosanitaires. Mais contrairement à l'agriculture intensive, elle n'utilise pas ces engrais et produits phytosanitaires d'une façon excessive et mal contrôlée. Elle cherche à n'utiliser que la quantité d'engrais juste nécessaire pour apporter aux sols les éléments nutritifs qui leur manquent. Elle cherche à appliquer les meilleures méthodes pour détruire les parasites.
© CTIFL/SELIBAN
Les légumes du val de Saire, issus de l'agriculture raisonnée.
Pour limiter l'apport des engrais et des produits phytosanitaires, les
agriculteurs du val de Saire pratiquent la rotation des cultures.
Une organisation efficace
Le val de Saire a été choisi comme zone pilote pour démontrer qu'une telle approche
permettrait de restructurer le paysage bocager et améliorer la qualité de l'eau fort
polluée par une activité maraîchère intense. Pratiquer l'agriculture raisonnée dans
une région implique que tous les agriculteurs et les éleveurs jouent le jeu. Dans le val
de Saire, qui est un bassin légumier où par conséquent les producteurs de céréales et
les éleveurs sont absents, la mise en place de ce type d'agriculture a été relativement
facile et pratiquement tous les "légumiers" ont décidé de se lancer dans
cette aventure. Ils sont assistés des techniciens des organisations de producteurs et des
techniciens du SELIBAN. Pour donner à leurs sols la juste quantité d'engrais
nécessaires, les agriculteurs s'appuient sur les résultats d'analyse des sols qu'ils
sont tenus de faire faire une fois par an pour chacune de leur parcelle. Pour les
traitements parasitaires, ils tiennent compte des avertissements et recommandations qui
leur sont transmis par fax par les techniciens du SELIBAN. En effet, le SELIBAN travaille
notamment sur la lutte contre les parasites par des méthodes chimiques mais aussi
biologiques (insectes) ou mécaniques (arrosage des légumes, bandes engluées...). Le
tout est d'utiliser la bonne technique au bon moment et au bon endroit. Ainsi, le SELIBAN
place des pièges à parasites au début des parcelles. Les techniciens effectuent des
contrôles réguliers pour vérifier l'apparition des parasites et prévenir ainsi
rapidement les producteurs pour qu'ils puissent traiter leurs parcelles le plus tôt
possible. Les légumes sont donc traités au moment où c'est efficace, alors qu'en
agriculture intensive, on est obligé de le faire plusieurs fois d'une façon
irrationnelle parce qu'on ne prend pas la peine de déceler le moment opportun. Les
producteurs sont tenus d'enregistrer les résultats des analyses de leurs sols, les
engrais et quantités d'engrais utilisées, les produits de lutte parasitaires et les
quantités pour chaque parcelle. Ces enregistrements permettent de suivre les résultats
de ce nouveau type d'agriculture. Les producteurs sont contrôlés par le SELIBAN et ceux
qui se sont engagés dans des démarches de certification de conformité le sont par des
organismes certificateurs indépendants. "Aujourd'hui, annonce Yves Leridez,
président du CEAFL de Normandie, les résultats probants après cinq années
d'agriculture raisonnée ont décidé les producteurs à poursuivre dans cette voie."
Les 1 200 producteurs de la Basse-Normandie offrent tout au long de l'année 220 000
tonnes de légumes frais ainsi qu'une large gamme de légumes prêts à l'emploi. Notez
que Carrefour distribue des fruits et légumes issus de l'agriculture raisonnée. Compte
tenu des bons résultats économiques, environnementaux et sociaux du programme du val de
Saire, les légumiers de Créances et de la côte Ouest se sont lancés dans l'agriculture
raisonnée. Ceux de la baie du Mont Saint-Michel ne tarderont pas.
m Bernadette Gutel
Des pièges à parasites (ici piège à mouches du chou) sont placés au début
des parcelles. Dès qu'un technicien du SELIBAN détecte la présence de mouches, il
indique aux agriculteurs la nature du traitement qu'ils doivent mettre en place.
Un agriculteur et un technicien du SELIBAN recherchent la présence de parasites
sur les poireaux.
Des engagements qualité précisPour atteindre leurs objectifs de respect de l'environnement et de qualité des
produits, les producteurs de fruits et légumes du val de Saire ont défini un programme
Qualité. Par ce programme, ils s'engagent : |
L'agriculture raisonnée, l'agriculture du IIIe millénaireAujourd'hui, on estime que 15 à 30 % des agriculteurs pratiquent à degrés divers l'agriculture raisonnée. Ils sont 65 % en Autriche, le dernier des pays entrés dans l'Union européenne. L'estimation est difficile à faire parce que derrière l'expression "agriculture raisonnée" chacun voit midi à sa porte. Non seulement le concept fait encore l'objet de virulents débats sémantiques mais en plus, il regroupe un maquis de définitions, une multitude de techniques et des niveaux d'exigence différents. La CFCA (Confédération française de la coopération agricole) vient de lancer le programme Agriconfiance Volet Vert dont l'objectif est de proposer dès 2001 une certification garantissant à la fois la qualité et le respect de l'environnement dans les méthodes de production. "Il est évident, comme l'indique Robert Mestre du service de la protection des végétaux au ministère de l'Agriculture, qu'une telle démarche, pour être efficace dans une région, doit être globale, sous peine de voir les efforts des uns ruinés par l'inconscience des autres." Source BIMA |
Agriculture bio, la conversion bio en production animale s'accélèreEn 1998, 1 350 exploitations (50 000 ha) se sont converties au bio (contre 930 en 1997), a annoncé l'Observatoire national de l'agriculture biologique le 21 juin dernier. Cette forme d'agriculture concerne désormais plus de 6 100 exploitations couvrant ainsi près de 220 000 ha soit 0,7 % de la surface agricole utile de la France. La première région bio de la France est Midi-Pyrénées, suivi des Pays-de-Loire qui ont connu la plus forte progression et enfin le Languedoc-Roussillon. Les productions animales biologiques ont connu un fort développement : + 150 % pour les porcs, + 50 % pour les poulets, + 34 % pour le lait de vache, + 45 % pour le cheptel ovin et + 24 % pour les vaches allaitantes. En parallèle, et malgré une croissance importante (+ 16 %), les productions végétales restent modérées. Malgré tout, le déficit en produits bio de la France s'accroît. La filière bio totalise un chiffre d'affaires de 4 milliards de francs par an, en croissance de 25 % par an. A l'horizon 2000, le potentiel de consommation de produits issus de l'agriculture biologique pourrait atteindre 5 % du budget national. Au sein de l'Union européenne, la France, avec 0,6 % de surface agricole, est devancée par l'Italie (3,3 %), l'Autriche (8,3 %) ou la Suède (8 %). |
Lutte biologique contre les parasites, prédateurs ou confusion sexuelleLa lutte biologique contre les parasites peut se faire de manières fort
différentes. Dans les vergers, on utilise par exemple des tryplodromes, des insectes
prédateurs qui vont manger les acariens qui envahissent les arbres fruitiers. © CTIFL/SELIBAN |
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000