Ce millénaire s'achève sur
une note d'optimisme et le nouveau s'éveille plutôt rassurant. Les envies évoluent, les
rythmes s'accélèrent, mais la décoration reste le fidèle reflet des désirs d'un
consommateur qui prend toujours le temps d'organiser et d'habiller son univers domestique.
Au troisième millénaire, encore plus que jamais. Loin d'être un lac tranquille, la
société d'aujourd'hui est sans cesse traversée par des courants et agitée par des
tendances qui en modifient plus ou moins le paysage. L'étude de ces tendances, de leurs
évolutions dans le temps, de leurs influences sur les comportements et les modes de
pensée a été réalisée par plusieurs organismes de recherche européens, dont le
groupe Gimca. Cet institut de marketing a créé un observatoire, appelé Tendanciel,
qu'il met à la disposition des entreprises désirant ajuster leur offre et leur
communication à l'évolution du public.
Selon le rapport de Gimca, on peut affirmer que la crise, récemment traversée, a eu
quatre conséquences majeures, générant à leur tour diverses modifications dans nos
comportements.
La restriction des budgets est la première conséquence. Accompagnée d'austérité, elle
entraîne deux attitudes contradictoires : d'une part, le repli sur soi et une
hypervigilance sur les prix avec recherche acharnée de soldes. D'autre part, la recherche
de compensations et de consolations sous forme de petits plaisirs plus ou moins
raisonnables.
La deuxième conséquence est la perte des valeurs et des points de repère, le tout
conduisant à l'exaltation d'un besoin de vérité et de transparence qui s'accompagne
d'une volonté de retour aux sources et à l'essentiel.
Des besoins contradictoires mais complémentaires
La morosité ambiante a eu pour autre conséquence l'apparition d'un sentiment de dépit,
un "à quoi bon" qui entraîne la recherche de compensations positives, l'envie
de se divertir, d'oublier la réalité. Résultat : le franc succès des spectacles à
émotions fortes, du romantisme à la grosse rigolade, des effets spéciaux à la violence
physique ou morale. Cet état quasi dépressif conduit également au désir d'être avec
les autres pour partager du bon temps. D'où le retour des grandes tables d'hôtes.
Enfin, la crise a généré un sentiment d'insécurité qui nous pousse à nous protéger
de toutes les façons possibles : portes blindées, codes d'accès, mais aussi contrats
d'assurance en tout genre, voire le recours aux talismans et à la voyance.
A tout cela s'ajoute un certain nombre de dérives venu de la société de consommation et
entraînant une modification des comportements. Ainsi, la pollution engendre-t-elle un
désir de pureté et une exigence d'intégrité. L'aseptisation des produits réveille le
besoin de redécouvrir les goûts, saveurs et arômes authentiques. La perte de la
qualité offre de nouvelles chances à la renaissance de l'artisanat. Quant à la
nécessité permanente d'être performant, elle génère deux attitudes opposées : la
fréquentation assidue des gymnases et la recherche de sérénité dans les cercles de
yoga ou les retraites méditatives.
Tout ceci met en évidence la cohabitation de courants plus ou moins contradictoires,
ayant chacun des répercussions sur l'aménagement et la décoration de notre habitat.
Aux nécessités de mobilité et praticité de la vie moderne, (il faut être
"branché", savoir se servir d'un téléphone mobile, surfer sur Internet, être
prêt à changer de ville, d'entreprise, voire de métier...), s'oppose une première
tendance qui s'exprime dans un réel besoin de se relier à une histoire. Un besoin de
retrouver ses racines, redécouvrir des valeurs, redonner vie à des traditions oubliées
avec la réhabilitation du folklore, du mobilier et des spécificités régionales. D'où
le renouveau de la maison de famille gorgée de souvenirs et de portraits d'ancêtres. "Dans
le futur, intervient Léonie Cornelissen, styliste et décoratrice, ce besoin de
rattachement au passé restera une valeur sûre, telle une balise de sauvetage dans un
monde très mouvant. Cela se traduira par la naissance d'une nouvelle vague de mobilier,
mixant styles et cultures, mais aussi âges et époques. Par exemple, une table aux pieds
Louis XV et un plateau en acier poli, brossé ou travaillé selon mille et une façons
modernes."
A la recherche de l'essentiel et de l'émotionnel
A ce courant, s'ajoute un besoin de pureté et d'essentiel illustrant également cette
aspiration à l'authentique. Cette recherche apparaît comme une nécessité vitale, ainsi
qu'une quête d'harmonie, de santé, voire de spiritualité. Le tout afin de trouver un
équilibre psychosomatique devenu impératif. Le bien-être est un minimum, une étape
nécessaire sur la voie du développement. Laquelle inclut également la redécouverte de
nos cinq sens et des sensations. Dans un environnement hyperstimulant et parfois
envahissant, nous aspirons à une sorte de symphonie des sens, qui peut nous être
procurée, par exemple, par un dîner aux chandelles avec fleurs et plats raffinés ou un
intérieur chaleureusement éclairé et délicatement parfumé.
Dans le même temps, un besoin de raffinement et de sophistication se confirme. Dans un
contexte difficile, le beau devient un besoin fondamental qui s'exprime par un désir de
perfection, d'esthétique, voire de luxe, à posséder ou simplement à admirer.
A noter encore, la confirmation du courant de l'exotisme. Devenue nomade, notre
civilisation multiplie ses déplacements à travers le monde et en ramène des souvenirs
qui se côtoient sans a priori dans les intérieurs actuels. Cette tendance se confirmera
encore dans les années à venir. D'autant plus que désormais, on peut aussi voyager sans
quitter sa ville grâce à la multiplication des boutiques réelles ou virtuelles qui
proposent des saveurs et des produits venus de tous les coins de la planète. Plus que
jamais, chacun se sent citoyen du monde et l'affiche.
"D'ailleurs, reprend Léonie Cornelissen, devenu nomade, le citoyen
d'aujourd'hui a besoin d'avoir sur lui l'essentiel de sa vie de tous les jours : portable,
organiseur, etc. il saute d'avion en avion, de bus en métro, d'auto en rollers... Il se
doit de pouvoir voyager librement et tout avoir sur lui, dans des sacs multipoches et
polyvalents. Chez lui, son univers sera composé d'espaces libérés, dans lesquels les
meubles, devenus furtifs, discrets, transparents, seront également multifonctions et
faciles à vivre."
Des décors qui étonnent
Paradoxalement, naît aussi un besoin d'appartenance à une tribu. Ce courant semble
contredire le précédent. En réalité, il le complète en l'équilibrant. L'isolement
étant devenu insupportable, il est impératif de se rattacher à une communauté
d'origine ou d'intérêt. Ce peut être l'Association des Bretons de Paris, l'Amicale des
joueurs de pétanque ou Amnesty International. Souvent, dans le décor, cela se traduira
par la présence de clins d'il matérialisés par des trophées, posters ou autres
objets représentatifs.
"Enfin, conclut Léonie Cornelissen, pour contrecarrer l'ennui, la
monotonie, nous avons aussi besoin de surprise, de fantaisie, voire de transgression. Nous
apprécions de plus en plus les décors qui étonnent, surprennent, interloquent. Un point
à exploiter particulièrement en hôtellerie et en restauration."
m Cécile Junod
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Doc. B & B
Italia |
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Doc. B & B
Italia |
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Doc. Garnier
Thiebaut |
Les grands courants à exploiterm La nécessité
d'enracinement, avec retour aux sources, traditions et appartenance à une tribu. Le tout avec une grande évolution de la notion d'esthétique, du beau et du laid. |
Un nouvel art de vivre : Le Feng ShuiNé en Chine il y a quatre mille ans, le Feng Shui vise à améliorer de manière
sensible les conditions de vie. Alors, pourquoi ne pas tenter d'appliquer cet art de vivre
plusieurs fois millénaire, en hôtellerie ? Voici les principes essentiels à retenir :
Et pour en savoir plus, lire La maison Feng Shui-La décoration du bien-être de Gina Lazenby. Editions Flammarion. |
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000