A l'occasion d'une table
ronde organisée par le CSTB*, divers intervenants, architectes, concepteurs, chercheurs
et sociologues, ont exploré le demain et après-demain de la construction pour tenter de
tracer les grandes lignes du futur en matière d'urbanisme et d'habitation.
"Notre société vit une nouvelle révolution urbaine aussi importante que celles
déjà connues avec la révolution industrielle, le développement du capitalisme
industriel, l'émigration rurale, la machine à vapeur et la fée électricité",
a déclaré François Ascher, professeur d'urbanisme, en ouvrant ce séminaire de
prospective.
Une partie de plus en plus importante de la population vit dans un environnement bâti
concentré. L'ampleur de ce phénomène urbain concourt à transformer profondément le
paysage de la construction et tout porte à croire que cette tendance se renforcera encore
dans le futur. Aussi, on ne peut envisager la cité du futur sans s'intéresser au
bâtiment de demain, et réciproquement. Deux critères majeurs semblent conduire
l'évolution.
Tout d'abord, la quête incessante de l'homme pour un confort toujours amélioré. Du
confort primitif et très localisé autour de l'âtre au début de l'ère du feu à celui
des grands volumes climatisés des aérogares actuelles, l'homme a continuellement
cherché à étendre la zone de confort autour de sa personne. D'une part en se
protégeant des contraintes climatiques environnantes en organisant autour de lui une
enveloppe de plus en plus rassurante, d'autre part en contrôlant de manière active
l'environnement intérieur ainsi créé. Auparavant, ces bulles de confort étaient
localisées et fixes. Aujourd'hui, l'homme veut pouvoir conserver ce même niveau de
bien-être partout où il est et même en se déplaçant. Le champ des espaces contrôlés
ne va donc cesser de croître, jusqu'à atteindre une continuité des espaces à ambiance
maîtrisée. Alors l'habitat et la ville ne formeront plus qu'un seul objet.
L'autre paramètre déterminant est du domaine de l'immatériel, associé à une
modification profonde des rapports à l'espace et au temps. L'accès délocalisé et
immédiat à l'information et à la communication va révolutionner nos vies sociales et
professionnelles. De plus en plus, les technologies de l'information et de la
communication vont se focaliser directement sur l'individu, via des terminaux portatifs.
Tout ceci favorisera le télétravail. Aux Etats-Unis, la moitié des cadres commerciaux
font partie de la famille des "cols blancs mobiles". La capacité d'émettre et
de recevoir des documents de toutes sortes, en temps réel, devient primordiale. Aussi,
les outils de la mobilité seront-ils vite indispensables. La panoplie du parfait
télétravailleur comprendra au moins un PC s'accrochant à la ceinture ou se portant au
poignet qui répond à la voix, et un téléphone cellulaire doté d'un minuscule écran.
Et pour finir, on peut imaginer que ces nouvelles technologies modifieront la répartition
sur le territoire, la concentration n'étant plus nécessaire pour les échanges.
Le futur immédiat avec Landis & Staefa qui préconise l'hôtellerie
intelligente grâce à sa solution "Hotelgyr" qui gère les ressources
énergétiques et les contrôles d'accès, et offre un système d'information via les
téléviseurs des chambres. Un concept novateur pour une rentabilité optimale des
hôtels.
Des équipements à brancher sur le réseau électrique ou hydrocâblé
L'habitat de demain, tant dans ses matériaux que son aménagement, devra tenir compte des
nouveaux modes de vie. Souplesse et flexibilité seront les maîtres mots de la conception
des espaces construits qui devront être réaménageables pour s'adapter aux activités
changeantes des occupants, sachant que le confort, composant fondamental, jouera un rôle
moteur. En neuf comme en réhabilitation, le bâtiment devra en effet évoluer en fonction
des besoins de ses habitants. Un nombre croissant d'équipements, auparavant intégrés au
bâti, deviendra mobile. Les appartements seront livrés prêts à finir. L'aménagement
sera réalisé par l'occupant lui-même, grâce à des kits construits et réglés en
usines, qu'il suffira de brancher sur le réseau électrique ou hydrocâblé du logement.
Finie l'ère du définitif et de l'immobile. Bonjour la connectique et la modularité.
L'emplacement de la salle de bains ne vous convient pas. Qu'à cela ne tienne. Il vous
suffira de débrancher les appareils sanitaires et de les rebrancher là où cela vous
convient. Cela permettra également de recomposer à volonté les espaces de loisirs et de
télétravail. Dans cette version de l'habitat, on se rapproche des concepts de
l'électroménager, ce qui implique évidemment l'apparition de protocoles compatibles
d'assemblage et de raccordement.
Autre tendance lourde dans l'équipement de la maison, la durée de vie des équipements
eux-mêmes. Elle sera programmée, avec des objectifs aussi différents que la recherche
du moindre coût d'entretien, la volonté de rotation rapide dans une optique
productiviste, ou au contraire de non gaspillage. Quoi qu'il en soit, cette programmation
apparaît aux yeux des experts comme un impératif constant.
Des matériaux intelligents et programmables
Le bâtiment de demain intégrera également des matériaux intelligents et programmables
(par exemple, des façades variables en transparence, performances thermiques et
acoustiques, ventilation et sécurité). Ils réagiront spontanément, sans intervention
humaine, à leur environnement. L'intelligence sera intégrée dedans. Les alliages à
mémoire pourront changer de forme en fonction des sollicitations de l'environnement. Ils
seront également programmables, avec intégration d'une notion de fin de vie et/ou de
recyclage. On peut imaginer une programmation d'autotransformation ou d'autodestruction.
L'université de l'Illinois étudie actuellement des matériaux qui seront capables de
s'autoréparer grâce à la présence de fibres creuses qui en se cassant libéreront, au
sein même du matériau, un produit de réparation.
Certains matériaux seront également "confortables". Ils posséderont des
caractéristiques de surface exprimant des qualités esthétiques, sensorielles (tactiles,
visuelles...) et un confort hygro-thermique. La peau du matériau fonctionnera comme une
membrane interactive entre le matériau et l'usager.
Des matériaux biotechnologiques autoreproducteurs
Physique, mécanique et chimie ne sont pas les seules sciences à intervenir dans la
conception de ces matériaux du futur. La biologie fera également une entrée remarquée.
Autoreproduction, cicatrisation et réactions complexes à l'environnement seront leurs
grandes qualités. A l'instar de l'épuration des eaux usées par des bactéries, la
dépollution des sols contaminés fera également appel à des bactéries gloutonnes. La
biorestauration semble aussi promise à un bel avenir.
De plus, en sélectionnant soigneusement les bactéries, on pourra faire varier les
propriétés des matériaux. On déterminera les moyens de contrôler la résistance, la
densité, l'imperméabilité et l'isolation thermique de ces produits pour qu'ils puissent
répondre à n'importe quel cas de figure. Dans la maison biologique, la programmation
génétique aura fait de tels progrès que les murs, entièrement constitués de matière
vivante, pousseront comme des plantes en se conformant au dessin initial de l'architecte.
La qualité de l'air fera l'objet d'un contrôle bactériologique reposant sur des
capteurs biologiques. L'élimination des polluants dans les circuits de ventilation sera
assurée par des biotechnologies. Une peinture murale vivante pourrait ainsi se présenter
comme une sorte de lichen qui épure l'atmosphère, régénère l'oxygène et dégage une
odeur de printemps. Tandis que les moquettes seront capables de digérer les acariens.
Enfin, la physique des particules permettra la construction d'édifices atomiques
présentant de nouvelles caractéristiques. Les nouveaux états de la matière qui
sortiront des laboratoires permettront des applications dont la variété ne semble
limitée que par notre capacité à imaginer.
© Eurocoustic
Les matériaux seront de plus en plus intelligents. Ils s'autorépareront,
s'autonettoieront ou s'autodétruiront. Ceux-là assurent déjà un abaissement acoustique
très efficace et la sécurité au feu.
Des énergies non polluantes
Dans le domaine des énergies, il ne faut pas s'attendre à des bouleversements rapides.
Les techniques nouvelles émergent lentement et coexisteront longtemps avec les solutions
existantes. Les préoccupations environnementales, le souci de la qualité d'un air
respirable sans crainte ainsi que l'absence de tout risque technologique seront de plus en
plus prégnants. Et devant les perspectives de croissance de consommations mondiales, les
économies d'énergie resteront une nécessité qui aura, de plus, des effets positifs en
matière de protection de la planète.
Parmi les énergies renouvelables, le solaire est considéré comme la source la plus
prometteuse. Les travaux actuels concernent surtout le développement de modules
photovoltaïques, en façade ou en toiture, moins coûteux et de mise en uvre
aisée.
L'hydrogène liquide pourrait également avoir de l'avenir. Seulement utilisé dans les
moteurs de fusées, il pourrait avoir d'autres utilisations dans l'automobile, les usines
et l'habitat. Transportable comme le gaz naturel, il peut être stocké, puis converti en
énergie thermique ou électrique. De plus, sa combustion ne présente aucune atteinte à
l'environnement puisqu'il ne produit que de l'eau. Il a l'avantage de supprimer
l'essentiel des pollutions et les risques d'effet de serre. Son seul inconvénient est le
problème de sécurité encore non maîtrisé.
© Jolly France
Les décennies à venir verront se multiplier les automatismes. Ils régleront les
stores en fonction du soleil et du vent. Ils veilleront à notre confort et à notre
sécurité, tandis que d'autres détecteront les pannes et les défaillances de tout
système.
"Considéré comme habitacle, au même titre que la voiture ou l'avion, le bâtiment fait appel à de nouvelles exigences de confort, de services et de fonctionnalités, intervient pour conclure Alain Maugard, président du CSTB. D'où la notion d'environnement immédiat de l'homme, c'est-à-dire de sphère artificielle construite autour de lui pour vivre, qui pourrait aller jusqu'à, pourquoi pas, un bâtiment-vêtement ?... Les techniques évoluant, on pourra peut-être, demain, laver la vaisselle aux ultrasons pour économiser l'eau devenue rare et chère. On pourra moduler l'ambiance sonore de son appartement ou s'enfermer dans une bulle de silence. Des capteurs mesureront la qualité de l'air, commanderont l'éclairage devenu naturel par captation directe et stockage des rayons du soleil, réguleront pièce par pièce le chauffage et la climatisation... Le bien-être n'ira pas sans recherche de sécurité : détecter les pannes, se protéger des prédateurs modernes, éviter les sabotages de réseaux... Et puis, serait-il excessif de parler de matériaux intelligents, vivants, qui s'autoréparent, s'autonettoient, s'autodétruisent ? Mais ces évolutions technologiques que laissent entrevoir les recherches font partie pour certaines de la fiction. Leur développement dépend évidemment des choix de société, des facteurs économiques et politiques, et surtout des aspirations des occupants."
m Cécile Junod
© Mazda
En éclairage, la seule performance n'est plus suffisante. Il faut désormais allier
performance et design. Dans le futur, l'éclairage sera assuré par la lumière naturelle,
captée et stockée.
Demain, nous nous laverons sans eauDans 50 ans, nous ne nous laverons peut-être plus avec de l'eau, mais avec des
ultrasons. En attendant, la tendance est à la dissociation entre hygiène et
détente, de la douche et du bain. Pour mieux gérer son temps, son espace et son argent,
l'homme actuel se lave debout, sous la douche. Il se lave à l'eau propre, bien que
commencent à apparaître des systèmes de recyclage de l'eau de douche. Les appartements
de demain connaîtront la même évolution que dans les hôtels : un équipement sanitaire
par chambre (lavabo, douche, W.-C.) même de petite dimension. |
Le Bâtiment demain et après-demainPassionnant, cet ouvrage de prospective, réalisé par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), s'intéresse non pas à la ville ou à l'habitat comme tant d'études, mais aux fonctions du bâtiment avec un élargissement à l'urbain, à la notion d'habitacle, c'est-à-dire tous les lieux où l'homme modifie les conditions climatiques. En vente au CSTB : 4 avenue du recteur Poincaré - 75782 Paris CEDEX 16 - Tél. : 01 40 50 28 28. |
Des vitres antibruit à brancherAlors qu'il existe déjà plusieurs techniques permettant de faire varier l'opacité
des vitrages en jouant sur l'intensité lumineuse, un champ électrique et une variation
de température, demain, les vitrages seront capables "d'éteindre" le bruit.
Ils intégreront des petits haut-parleurs diffusant un contre-bruit pour neutraliser les
bruits indésirables. On pourra alors ouvrir ces fenêtres pour faire entrer l'air mais
pas le bruit. A brancher comme n'importe quel appareil ménager de la maison, ces
fenêtres seront faciles à poser. |
Des petits carts pour le transport urbainSelon Claude Lamure, chargé de mission pour la prospective technologique à
l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), les
transports en commun feront une plus large place aux automatismes et amélioreront les
services aux usagers : meilleure information, confort accru et meilleure accessibilité
pour les handicapés... Une espèce hybride résultant du croisement entre bus et tramway,
roulant sur pneumatiques et guidé par un rail central, pourra circuler en mode guidé
autonome. |
Paroles visionnaires... morceaux choisisAu XIXe siècle, certains auteurs se livraient déjà à des exercices de prospective ou de science-fiction. Ces utopies d'hier sont parfois des réalités d'aujourd'hui. Emile Souvestre en 1846 : "Il leur ouvrit ensuite
des robinets chargés de conduire partout l'eau, la lumière, le feu et l'air rafraîchi.
Il indiqua les tuyaux destinés à l'arrivée des journaux, les fils établissant une
correspondance télégraphique aussi rapide que la pensée avec les fournisseurs du
dehors, les appareils panoptiques au moyen desquels la vue pouvait surmonter les obstacles
et franchir toutes les distances... Jules Verne en 1889 : "Les hommes de ce XXIe siècle vivent au milieu d'une féerie continuelle sans avoir l'air de s'en douter... S'ils la comparaient au passé, ils apprécieraient mieux notre civilisation... Combien leur apparaîtraient plus admirables nos cités modernes aux voies larges de cent mètres, aux maisons hautes de trois cents mètres, à la température toujours égale, au ciel sillonné par des milliers d'aérocars... Et surtout à ces tubes pneumatiques, jetés à travers les océans et dans lesquels on les transporte avec une vitesse de quinze cents km/heure." Albert Robida en 1892 : "L'élaboration des petits plats est forcément et de toute façon plus dispendieuse que l'élaboration en grand des mêmes petits plats dans une cuisine centrale. Il n'y aura pas plus de cuisine chez mon fils que chez moi. Nous sommes abonnés à la Grande compagnie d'alimentation et les repas arrivent tout préparés par une série de tubes et tuyaux spéciaux. On n'a donc à s'occuper de rien. Economie de temps, ce qui est précieux, et, de plus, très notable économie d'argent !" |
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L'HÔTELLERIE n° 2648 Magazine 13 Janvier 2000