m Alain Simoneau
Patrick d'Aubreby ne respecte
rien. Partant de la bière d'abbaye maison, la Saint-Landelin, et de la liqueur de Grand
Marnier, le patron de Brasseurs de Gayant a mis au point une bière du énième type,
baptisée Madison.
La Madison est une blonde élaborée à partir d'une bière de spécialité déjà riche
en goût, houblonnée et épicée de coriandre, à laquelle vient s'ajouter la liqueur de
Grand Marnier. Le degré d'alcool est limité à 7,2 %, en sorte que cette boisson évite
le classement en premix. Le goût est très marqué, à la fois fortement liquoreux, ce
qui peut déconcerter (pour le moins) les amateurs de bière, avec cette association
détonante houblon et orange amère, complexe avec le malt relégué à l'arrière-plan.
Ceux qui se souviennent de leur première expérience de dégustation d'un vin résiné en
Grèce se rappelleront peut-être leur grimace lors de la première gorgée, et de la
douce habitude qui s'empare des papilles ensuite. En sera-t-il de même avec cette
nouveauté dirigée vers un public plutôt jeune et branché ? C'est tout le mal que l'on
souhaite à Brasseurs de Gayant, opérateur d'un lancement très prudent avec le concours
de Grand Marnier Lapostolle comme fournisseur, associé à la confection du produit, et
éventuellement pourvoyeur de bonnes idées et d'adresses marketing.
Déjà fournisseur du monde des délicatesses alimentaires, et associé à d'innombrables
cocktails de part le monde, le précieux liquide cognaçais entre pour la première fois
officiellement dans la composition d'un autre liquide. La bière n'était pas le premier
attendu. L'idée est venue d'essais réalisés à La Miroiterie, le pub douaisien
propriété de la brasserie. Les héritiers des Marnier Lapostolle et des d'Aubreby ont
affiné le projet et trouvé un terrain d'entente. A Cognac, on s'est souvenu que le
mélange bière et Grand Marnier avait déjà été tenté dans les bars de New York
après-guerre. D'où le nom de Madison, marque déposée mondialement, au cas où le
concept rencontre le succès.
Bouteille blanche à long col
Patrick d'Aubreby, p.-d.g. de Brasseurs de Gayant, et Claude de Jouvencel, directeur
général adjoint de la firme charentaise, lancent simultanément le produit en bouteille
de 25 cl en grande distribution, et en 33 cl en CHR. Après études et tests, ils ont
choisi une bouteille blanche, à long col, qui rappelle beaucoup la Corona. Mais "cette
bière n'est pas une tex-mex", insiste Patrick d'Aubreby. Le lancement sera
prudent, ciblé côté CHR, vers des établissements métropolitains où la clientèle est
la recherche du neuf. Une campagne de communication ne sera lancée qu'après évaluation
des marchés tests en vraie grandeur. Brasseurs de Gayant pilote aussi bien l'aspect
commercial qu'industriel, mais Grand Marnier Lapostolle ouvrira son carnet d'adresses et
participera au lancement comme conseil.
La Madison vient enrichir un portefeuille de six spécialités lancées en un peu plus
d'une dizaine d'années. Les Brasseurs de Gayant réalisent 75 % de leur chiffre
d'affaires (132 MF en 1998 pour 180 000 hl brassés) dans le segment des spécialités. Ce
n'est pas le coup d'essai du brasseur nordiste dans le domaine du mélange osé. Avec la
Tequieros, une bière à la tequila, le public était déjà prévenu. Pour la liqueur de
Grand Marnier, à 90 % exportée hors de France, c'est une manière de rechercher une cure
de rajeunissement et de tenter un autre public. Les deux promoteurs se refusent pour le
moment à indiquer des objectifs chiffrés. Même s'ils ont leur idée à ce sujet. n
Une bouteille de 33 cl pour les CHR, et un verre élégant. On vise une clientèle
branchée.
De gauche à droite, Patrick d'Aubreby, p.-d.g. de Brasseurs de Gayant, Claude de
Jouvencel, d.g. de Grand Marnier Lapostolle, et Alain Dessies, directeur technique de la
brasserie douaisienne. Un lancement prudent.
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L'HÔTELLERIE n° 2651 Magazine 3 Février 2000