m Alain Simoneau
La brasserie Duyck lance le mois prochain une Jenlain blonde, "plutôt une bière spéciale qu'une bière de spécialité", analyse Raymond Duyck, p.-d.g. de la brasserie. Il s'agit néanmoins d'une bière de fermentation haute, donc de goût plus marqué que les Heineken et autres 1664 auxquelles elle sera confrontée. La Jenlain blonde présente un caractère assez houblonné. Elle titre 6 %, ce qui la démarque effectivement à la fois des pils et des fortes. Elle sera servie au café dans le même verre Jenlain que sa sur ambrée. Son prix se situe au niveau du marché des spéciales, ni plus ni moins. Duyck peut se permettre cet exploit économique avec des volumes modestes dans la mesure où l'outil brassicole, en amont comme en aval, dispose d'une large capacité d'accroissement de production sans investissement supplémentaire. Déception pour l'amateur de Jenlain au bistrot, ce produit vise d'abord le secteur GMS. Non que Raymond Duyck méprise le réseau CHR, mais l'analyse est lucide. La brasserie Duyck ne s'est jamais engagée dans la création d'un réseau de cafés sous contrat. Il n'est donc pas facile d'entrer sur un marché de dépositaires CHR contrôlé par la concurrence, avec un produit qui se démarque relativement peu de certaines spécialités de ladite concurrence. Le fût sera rapidement disponible, mais les chevaux de bataille sont le pack de 6 x 25 cl, la canette métallique de 50 cl et une toute nouvelle bouteille verte au long col de 65 cl, pour se démarquer des 75 cl aujourd'hui trop répandues. Cette bouteille sympathique, au format intéressant pour deux personnes, devrait néanmoins bien se vendre en restauration. Espérons qu'elle ne sera pas impossible à trouver. Raymond Duyck tire ainsi la leçon d'un succès artisanal, la création de la Sebourg, du nom du village voisin de Jenlain (59) dans le Hainaut français, une blonde pleine de caractère, un peu parente de la Duvel, mais moins forte. Succès artisanal, succès d'estime des connaisseurs, la Sebourg est un échec marketing. Elle se vend uniquement dans la région Nord, les autres marchés n'ayant jamais fait la relation entre les deux marques. "Or, explique Raymond Duyck, peu importe finalement pour vendre qu'une bière soit classée de luxe, spéciale ou spécialité. Ce qui compte, c'est la marque, le prix, le réseau de distribution, l'impact marketing." Constat un peu désabusé, mais c'est ainsi. Comme d'autres producteurs de bières de spécialité, ce brasseur a appris à dialoguer avec le grand public à travers les rayons de la grande distribution, et en fait une priorité, à l'inverse des champions belges des bières spéciales comme Duvel Moortgat ou Palm, qui obtiennent encore de très bons taux de croissance en CHR. Raymond Duyck abandonne aussi les "ambassadeurs Jenlain" (une politique de promotion de la bière au restaurant à travers un réseau de restaurateurs alliés et soutenus par divers moyens de communication). Trop cher pour la brasserie, pour trop peu de résultats. "Promouvoir la bière à table est une longue marche", constate-t-il. Par esprit de bon voisinage, par conviction régionale, il a néanmoins accepté de joindre le nom de la bière de Jenlain à un jambon de porc charcutier, mariné dans cette bière et rôti au four. Ce produit créé par la société PLID (170 MF de CA, 110 salariés, marques Porcival, Dindival, Lucullus, Illico Presto) à Wargnies-le-Grand (59), à quelques kilomètres de Jenlain, est un jambon (à l'os pour la restauration) de la région. Il est mariné douze heures dans la bière de Jenlain, baratté ensuite six heures, moulé sous vide et cuit à basse température. Refroidi, il est badigeonné d'une sauce à la bière, passé à la rôtissoire et arrosé brûlant de bière en sortie de l'appareil, avant d'être de nouveau refroidi et conditionné. La recette a été mise au point par Juliette Vanbesien, responsable recherche et développement de cette affaire créée par son père Claude Vanbesien. Raymond Duyck comme Claude Vanbesien, sans espérer de miracle économique de cette action, s'efforcent ainsi de lutter contre la banalisation des deux produits. Et comptent sur l'attention des restaurateurs pour atteindre cet objectif... n
Ce nouveau produit est lancé en GMS dans cette déconcertante bouteille
tronconique verte conçue par le designer Alain de Mourgues, un créateur habituellement
porté sur les parfums. Le fût suivra ultérieurement.
Bilan 1999Légère progression, Duyck a réalisé un peu plus de 70 MF de CA en 1999, en hausse de 5 % environ grâce à la grande distribution et aux nouveaux produits. La Jenlain représente encore 80 % des 70 000 hl produits. Satisfaction de l'année, la Fraîche de l'Aunelle a bien débuté. Elle est désormais vendue en fûts de 30 litres, et est également disponible en bouteilles de 35 cl. Sous ce format, elle a séduit Pizza Paï. |
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L'HÔTELLERIE n° 2651 Magazine 3 Février 2000