Trente années qui n'ont rien estompé du
caractère trempé du cuisinier français. Quand il parle sa langue natale, son accent est
plus proche de celui d'un titi parisien que de celui de Woody Allen et c'est très bien
ainsi. Bernard Crétier est un cuisinier français et revendique haut et fort sa
spécificité. Son installation en Illinois tient du hasard... il était en route pour le
Japon !
C'est en hiver 70 qu'il est arrivé. Il avait déjà bien bourlingué : après avoir
travaillé à Paris chez Maxim's, il était allé en Allemagne puis à l'Inter-Continental
de Genève. "Je voulais aller au Japon et en Australie", explique-t-il,
mais comme à l'époque Maxim's avait un restaurant à Chicago, cet ancien de la rue
Royale imagina que l'Illinois pourrait être une halte. Il y resta et n'en a aucun regret.
"Un jour Bocuse m'a proposé d'aller au Japon mais j'étais marié avec Priscilla
qui est américaine, elle a dit non, alors je suis resté là et c'est très bien."
On compte ses sous
C'est le 13 octobre 1976 que Bernard Crétier ouvre son restaurant. Il trouvait qu'il y
avait trop de restaurants down-town et n'avait pas envie de supporter cette
concurrence, et pour tout dire, Bernard Crétier avait gardé de ses racines des valeurs
sûres. "Vichy, c'est déjà l'Auvergne et en Auvergne, on compte ses sous alors
je ne voulais pas m'embarquer dans une aventure où je n'allais pas tout maîtriser, j'ai
refusé tout partenaire et j'ai voulu être propriétaire." Autant dire qu'il ne
pouvait prétendre à acheter un palace... Un banquier a joué le jeu et il lui a permis
de s'installer dans des espèces de bungalows où tout était à faire. "Quand mes
parents sont venus me voir, ils étaient accablés, ils trouvaient même que ça sentait
mauvais."
Qu'à cela ne tienne, il avait affiché French Restaurant sur la devanture, c'était pour
être aux fourneaux et cuisiner après un grand nettoyage. Les premières années ont
été les plus dures, on ne trouvait pas sur l'Illinois la qualité de marchandise dont
avaient besoin les restaurateurs français. "Avec Jean Banchet, Le Français s'est
ouvert en 1973, nous faisions venir des champignons de Paris, des haricots verts
extra-fins et d'autres produits directement de France ! Autant dire qu'au début c'était
très dur." Un père grainetier, ça donne des idées. Aussi avec les années, ce
sont des graines que Bernard Crétier a ramenées de ses voyages en France, il les a
données à des fermiers de l'Illinois et, d'autres Français arrivant, face à la demande
grandissante de ces produits d'une autre qualité, nombreux ont été les fermiers à
produire. "Aujourd'hui, on trouve tout ce que l'on veut." La passion et
la pugnacité de Bernard Crétier ont vite payé, quelques bons papiers dans le Chicago
Tribune et le restaurant a été lancé.
Une clientèle fidèle
Bernard Crétier est heureux, il n'ouvre que pour le dîner, le service débute dès 17 h
30, et il réalise en semaine une moyenne de 60 couverts contre 100 le week-end avec un
prix moyen de 45 $. "Ici les gens sortent beaucoup plus souvent qu'en France mais
ils dépensent moins et se contentent souvent d'un seul plat." Des clients très
fidèles qui peuvent dépenser de 24 à 100 $ pour un dîner... en fonction de leur
humeur.
Un retour en France ? Bernard Crétier ne l'envisage pas. Il revient très souvent "mais
au bout de 15 jours je suis fatigué", il y va avec des clients pour lesquels il
organise des séjours gastronomiques. Le dernier était sur le thème du Sud-Ouest
gastronomique : 10 jours durant, il guida 15 clients de chez Michel Guérard à l'Hôtel
de la Cité à Carcassonne en passant par Château Palmer.
Un seul bémol au bonheur de Bernard Crétier : le personnel. "Ici il n'y a pas de
chômage et on ne trouve pas de personnel qualifié." Autant dire que c'est aux
fourneaux que l'on trouve Bernard Crétier au Vichyssois, les jeunes qu'il a formé sont
partis voler de leurs propres ailes... n
Le Vichyssois
French Restaurant
220 West Route 120
Mc Henry - Illinois 60050
Tél. : 00 1 815 385 8221
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Magzine 6 Avril 2000