Eric n'avait que 7 ans quand ses parents ont
quitté la France pour Singapour où il poursuivra une scolarité normale, grâce à
l'Alliance française. En 1981, il a 12 ans et c'est à Washington D. C. que la famille
Aubriot s'installe avant de rejoindre la Floride. C'est aussi à cette époque-là qu'Eric
commence déjà à se passionner pour la restauration. Un secteur vers lequel pourtant
rien ne le poussait, ses parents travaillant dans l'industrie. De toute évidence, c'est
une réelle passion qui guide alors Eric. Aux Etats-Unis, dans le milieu dans lequel il
évolue, les métiers techniques ne sont pas valorisés. "Ici, la seule chose
importante, c'est de faire du fric et ce n'est pas avec les métiers manuels qu'on en fait
vraiment." On lui dit, on lui redit, mais rien n'y fait et il trouve en Floride
un job de serveur.
C'est sa première expérience professionnelle. Elle est concluante, il passe en cuisine
et là il a trouvé sa voie, il en est sûr. Pour acquérir une formation de base
sérieuse, il suivra pendant une année les cours du Kendall College à Chicago. "Une
excellente formation qui dure 2 ans mais je me suis limité à une année étant donné le
coût élevé de l'opération 36 000 $ pour deux ans", explique-t-il. Il a
ensuite poursuivi ses études dans une autre école de cuisine en Pennsylvanie : "J'avais
à ce moment-là acquis les bases pour me lancer."
Un passage en France
Voler de ses propres ailes, c'est ce qu'il fera à la fin de cette formation en ouvrant en
Floride une pâtisserie. Mais Eric n'est pas satisfait, il veut aller plus loin, en savoir
plus. Aussi décide-t-il de partir en France pour continuer à apprendre. Un choix très
judicieux puisqu'on le retrouvera chez Michel Guérard à Eugénie-les-Bains et chez Alain
Ducasse à Monaco. "La France, c'est la qualité de vie, depuis toujours c'est le
pays où l'on aime les produits, manger en famille. Il y a une réelle culture
gastronomique qui se transmet et ça, c'est une richesse que l'on ne retrouve pas aux
Etats-Unis où les gens viennent pourtant du monde entier. Mais trop pauvres quand ils
sont arrivés, ils n'avaient rien à transmettre, ils ont préféré tout construire."
Eric, de retour de France, a continué de travailler en cuisine pour revenir à Chicago et
c'est en 1998 qu'avec son épouse, une ancienne du Kendall College, il a ouvert son
restaurant dans un des quartiers les plus chics de la ville.
Pas d'association, pas de partenaire, Eric préférait un plus petit chez soi qu'un plus
grand chez les autres : "Ici c'est plus facile, on est libre de faire son choix de
vie. Avec un projet cohérent, on va à la banque et on vous prête de l'argent."
C'est ce qu'il a fait et il ne le regrette pas. "J'ai une très belle clientèle,
très riche et éduquée, qui aime beaucoup la France : 95 % des clients y sont allés et
ont mangé chez des étoilés Michelin." Il est aussi enthousiaste sur sa
clientèle que sur les produits et sur son champ de liberté. "Ici en cuisine, on
avance plus vite, c'est normal, la technologie évolue très vite alors tout suit, la
cuisine aussi."
Autres produits, autres saveurs
Une influence asiatique qui lui permet un accès facile à d'autres produits, à d'autres
saveurs, à d'autres modes de cuisson, à d'autres techniques. D'où l'importance de la
créativité, l'absence de barrières du fait d'une grande ouverture sur le plan gustatif.
Eric cherche toutefois à maîtriser sa créativité pour ne pas choquer ses clients.
"Quand on est patron, on doit tout faire pour que ça plaise au client, pas
seulement à soi ! Il faut savoir réaliser des choses simples, créatives, pas trop
onéreuses et accessibles aux clients !" Cuisiner pour lui est un vrai bonheur.
"La cuisine française : je n'aime que ça", prévient-il. Une cuisine
créative où il aime jouer avec les émulsions, les réductions, les jus très légers.
Une cuisine que ses clients apprécient d'autant plus qu'elle se situe à des niveaux de
prix abordables. Ouvert seulement au dîner - ici les gens ne dépensent ni temps ni
argent au déjeuner - il réalise tous les soirs une cinquantaine de couverts à une
moyenne de 60 $. Eric n'envisage pas un retour en France. "Quand j'y retourne,
j'adore la douceur de vivre, mais ici, au quotidien, les choses sont plus simples... La
vie aux Etats-Unis est moins chère. Ce qui manque le plus ici, c'est le social mais il
faut savoir faire ses choix et faire ce que l'on fait de mieux là où on vit le mieux."
Eric a été ravi de participer au jumelage avec les cuisiniers de Marseille-Provence :
les échanges, l'enrichissement mais aussi la fête... un programme qui l'a réjoui. n
Eric Aubriot
1962 N. Halsted Street
Chicago - Illinois
Tél. : 00 1 773 281 4211
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Magzine 6 Avril 2000