Avant d'arriver pour Play Boy à Chicago, Jean Banchet avait déjà beaucoup bourlingué. Un très beau parcours pour ce Roannais qui, à 14 ans, débutait dans les cuisines des Troisgros pour continuer son chemin à Vienne, à la Pyramide aux côtés de Mado Point, à l'Hôtel de Paris à Monte Carlo, à l'Eden Roc avant de passer plusieurs années en Angleterre. Autant dire que quand il arrive à Chicago, sa réputation est déjà faite, sa cuisine est déjà reconnue. Pour Play Boy, il ne travaillera que 15 mois. "C'était trop gros pour moi, on ne pouvait pas vraiment jouer la carte de la qualité", explique-t-il. Il ne quittera pas Chicago pour autant. Cinq années durant, il relancera certains restaurants "pour d'autres", explique-t-il mais ça ne durera pas longtemps car Jean Banchet n'a qu'une idée en tête : s'installer.
S'établir en banlieue
C'est ce qu'il fera en 1973 avec un autre Français, Henry Coudrier, qui, malheureusement
très vite malade, laissera Banchet seul dans son aventure. Et c'est à une demi-heure du
centre de Chicago, dans la banlieue, à Wheeling, qu'il ouvre Le Français. C'est un
succès immédiat. "C'était le premier restaurant qui s'installait en banlieue",
se souvient-il au-delà du fait que Jean Banchet apportait autre chose à la restauration.
A l'époque, les restaurants qui s'affichaient cuisine française se cantonnaient à la
soupe à l'oignon et aux escargots. Jean Banchet amenait autre chose : un beau service,
des nappes, un décor élégant mais aussi une cuisine raffinée. "J'ai eu
beaucoup de chance, explique-t-il aujourd'hui. Les journalistes sont tout de suite
venus, j'ai eu beaucoup de retombées et le fait d'avoir travaillé chez Point, Troisgros
et Bocuse, c'était magique pour eux alors je les fascinais et ça m'a beaucoup aidé."
Jean Banchet servait facilement 120 à 130 couverts tous les soirs. Parce que les
Américains ne connaissaient pas la cuisine française, il les éduquait et réalisait à
chaque service tous les plats pour leur présenter. "C'était un travail de titan,
mais ça leur a plu tout de suite, ça marchait bien."
En 1976, un incendie détruit la totalité des locaux. Jean Banchet reconstruit un peu
plus en retrait de la route. Il est sollicité de toutes parts, radio, télévision,
presse, guides ; il est connu et reconnu dans tous les Etats-Unis. Il participe à de
nombreuses opérations de promotion. Ses amis lyonnais, Bocuse et les autres, viennent le
voir et Jean Banchet est définitivement implanté aux Etats-Unis.
Pas question de travailler en France
Mais en 1990, le chef a envie de faire une pause. Il donne son restaurant en gérance à
Roland Liccioni et part à Atlanta. Il y créera 2 restaurants : La Ciboulette et La
Riviera. Là encore, dès l'ouverture, il affiche complet, et y sert jusqu'à 200 couverts
par soir.
En septembre dernier, Jean Banchet est revenu à Wheeling. Après dix ans, il a fait
d'importants travaux et, à 59 ans, c'est aux fourneaux qu'on le retrouve, toujours aussi
exigeant, aussi passionné. Il dit qu'il se donne encore 2 à 3 années comme ça et qu'il
verra après mais il s'empresse de vous parler de sa brigade : 12 en cuisine, dont trois
Français qui viennent de chez Orsi et Marcon. Ils sont venus avec des contrats de 18
mois. Il aime avoir des Français dans son équipe : "Ils aiment travailler,
apprendre, ils ne sont pas comme les Américains qui regardent l'heure et sont à la
minute près."
La France, il en parle beaucoup bien sûr, mais pas question d'y aller pour travailler.
"C'est plus facile ici aux Etats-Unis." Même s'il avoue que les choses
changent là aussi depuis quelques années. "Tous les ans, il y a quelque chose de
plus à payer, les taxes sur les salaires ne cessent d'augmenter. Avant, je m'en sortais
très bien sans compter, sans gérer. Aujourd'hui, c'est impossible. J'ai dû apprendre à
gérer moi aussi", reconnaît-il. De sa cuisine, il explique son évolution à
travers son rapport avec la nourriture. "Avant, je mangeais beaucoup, j'étais
beaucoup plus gros et puis je me suis mis à changer mes habitudes alimentaires et ma
cuisine a évolué vers des sauces moins crémeuses, plus légères, je fais plus de jus,
des émulsions à l'huile d'olive." Une évolution qui sied plutôt bien à ses
clients qu'il reconnaît plus connaisseurs qu'avant, plus exigeants, tant en qualité
qu'en quantité. Jean Banchet est déterminé, il sait ce qu'il veut, comme ce qu'il ne
veut plus. Aux fourneaux, il restera encore un peu, mais seulement chez lui, au Français,
pour les grandes fêtes, les festivals, autremant il rejette tout en bloc. "J'ai
assez donné, je suis assez connu, je n'attends plus rien : place aux jeunes !",
prévient-il en retournant en cuisine ! n
Le Français
Jean Banchet
269 South Milwaukee Avenue
Wheeling Illinois 60090 5018
Tél. : 00 1 847 541 7470
Fax : 00 1 847 541 2043
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Magzine 6 Avril 2000