Pour Pierre Pollin, tout s'est passé très vite parce que l'homme qu'il est sait toujours trouver la solution qui lui convient pour que sa vie soit harmonieuse. Il y a 25 ans, avant d'arriver à Chicago, il n'avait nullement l'idée de tenter sa chance en Amérique. Vivre et travailler à l'étranger, il avait déjà donné, après un séjour en Grande-Bretagne, grâce auquel il maîtrisait bien l'anglais, il avait participé à Madrid, à l'ouverture du restaurant Maxim's. Il n'aspirait alors qu'à une chose : avoir quelque chose à lui, s'installer dans la vie et ça, il envisageait de le faire en France. Pourtant, quand le chef du Lucas Carton lui propose de partir dans un restaurant français à Palatine dans l'Illinois, à côté de Chicago, il tente l'aventure. Et c'est là qu'il s'est installé puisqu'arrivé comme cuisinier, il rachetait l'affaire 3 ans plus tard. La raison qui l'a poussé à agir ainsi ? "J'avais 30 ans, je ne voulais pas déménager alors j'ai racheté le Titi de Paris", explique-t-il en souriant...
Qualité et business
Pourtant, avec le recul, Pierre Pollin reconnaît que tout n'était pas si simple et qu'il
y avait beaucoup de chemin à faire pour que le Titi de Paris d'alors ressemble à ce
qu'il est aujourd'hui, au-delà du fait qu'il ait déménagé depuis 12 ans. "C'était
très dur pour nous Français, se souvient-il. La restauration française était
très médiocre, surtout au Titi de Paris. Nous ne trouvions pas de bons produits, pas de
personnel qualifié et le propriétaire du restaurant n'était intéressé que par une
seule chose : le business !"
Pierre Pollin s'est battu, le challenge le passionnait, il voulait prouver qu'il était
possible de faire de la qualité et de l'argent. En rachetant l'affaire, il avait les
mains libres et a tout changé en l'espace de 2 ans : le personnel, la carte et a
élaboré une carte des vins digne de ce nom. Aujourd'hui, Pierre Pollin est heureux de ce
qu'il est, de ce qu'il fait, de ce qu'il vit. Il revendique son appartenance aux Maîtres
cuisiniers de France, "le moyen de rester en contact avec nos racines, avec la
qualité de la cuisine française". Sa cuisine est définitivement à l'image de
la France, il propose à ses clients américains "qui ont beaucoup évolué, qui
reconnaissent de mieux en mieux les produits de qualité, qui sont gourmands et exigeants",
une carte avec du Saumon au cidre, des Coquilles saint-jacques au safran ou du Pigeon à
l'ail. Le Titi de Paris ouvert 5j/7, midi et soir, sert 800 couverts par semaine avec un
prix moyen de 25 $ au déjeuner et 55 $ au dîner.
S'investir dans la formation
Pierre Pollin travaille avec une équipe de 40 personnes. Il est un cuisinier très
demandé, très respecté par ses pairs et nombreux sont les jeunes qui veulent apprendre
à ses côtés. Sa relation avec le personnel est très appréciée. "Pour
apprendre, on doit être avant tout dans une ambiance de confiance, de respect",
explique-t-il. Dans sa cuisine, on ne crie pas. "Il faut toujours s'investir dans
la formation, avec patience, c'est le meilleur moyen d'avancer", confirme-t-il.
Pierre Pollin n'aime pas s'endormir sur ses lauriers. "Il faut se remettre en
cause, il n'y a qu'en voyant comment les autres travaillent que l'on progresse."
Régulièrement, il envoie en voyage en France, chez d'autres Maîtres cuisiniers, les
membres de son équipe. "Aux Etats-Unis, les gens ne sont pas formés mais le
métier passionne. J'ai déjà eu en cuisine un ingénieur électronicien de 45 ans. Les
jeunes filles aussi sont très intéressées et elles réussissent plutôt bien."
Malgré tout, c'est le problème de recrutement qui pour lui est le plus inquiétant : le
plein emploi a un coût. "Je les paie beaucoup plus cher qu'avant et ils sont
moins bons", explique-t-il. Qu'à cela ne tienne, il sait faire avec les gens
qu'il a. "C'est à moi de m'adapter à cette conjoncture. Je ne veux pas donner
toute ma vie à la restauration, je veux continuer à protéger ma vie personnelle. C'est
la raison pour laquelle je ne veux pas transformer le Titi de Paris en restaurant de luxe."
Pierre Pollin est heureux de ses choix : il a sa maison en Normandie, où il séjourne
régulièrement mais revenir vivre en France ne l'attire pas. Marié, il a deux enfants et
ils sont américains... alors sa vie est ici, dans l'Illinois, et ça lui convient tout à
fait. n
Le Titi de Paris
1015 West Dundee Road
Arlington Heights - Illinois 60004
Tél. : 00 1 847 506 0222
Fax : 00 1 847 506 0474
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Magzine 6 Avril 2000