Une réflexion souvent entendue : "T'es pas un peu "barje", de te lancer dans la bière." Une réflexion de poids puisque Gérard Barbéris, âgé de 44 ans, s'en est inspiré pour baptiser sa cervoise lancée en avril 1999. Agriculteur et berger pendant vingt ans, dans le repère qu'il a construit de ses mains à 700 m d'altitude (route, maison et ateliers), Gérard avait envie de créer. "J'avais également besoin de me libérer des contraintes quotidiennes liées à un troupeau." Pour se consacrer à La Barje, Gérard a délégué son cheptel de 25 têtes à sa fille Manuelle, 22 ans, même s'il se rend encore deux fois par semaine sur le marché du cours Saleya, dans le Vieux-Nice. "Une conversion purement artisanale ne peut économiquement réussir qu'avec l'appui financier d'une activité parallèle solide." Gérard a commencé par acheter un fût, puis deux, puis cinq... "Au départ, pas de réduction mais progressivement, en achetant davantage, on y vient, et c'est valable pour le matériel comme pour les ingrédients. Je n'ai pas fait d'école brassicole, et je ne me doutais pas que je parviendrais à faire descendre le prix du malt de moitié." Pour les bouteilles aussi, il faut jouer de malice en les commandant, à un prix concurrentiel, au Portugal. "Les tarifs français compétitifs concernent uniquement les très grosses quantités", précise Gérard.
Les restaurateurs restent prudents
Pas d'arômes ni alcools ajoutés, La Barje se distingue par une composition à base de
houblons aromatiques belges ("pour remplacer l'amertume !"), de plusieurs
sucres - roux cassonade, blanc et lactique - et surtout de malt concentré en provenance
d'Angleterre. "Pas de secret, pour obtenir une bière qui ait du coffre, il faut
lui donner à manger..." Résultat : une blonde de 6,7° fruitée
"agrumes", et une brune de 7,4° dite "classique", à partir de
levures traditionnelles, et à l'arrière-goût de caramel. Sans oublier la Noire,
dernière-née non encore commercialisée, pur malt, au taux d'alcool à définir, au
goût fumé, "épaisse en mousse et en couleur". Fermentée deux fois (dont la
deuxième en bouteille comme le champagne), La Barje n'est pas filtrée et reste trouble.
Vendue au détail 16 francs les 33 cl, il convient d'ailleurs de l'entreposer debout.
Certaines crêperies useraient même de son dépôt (dextrine de malt et de levure) pour
l'inclure à leur pâte. "La bière non pasteurisée s'affine avec le temps. La
Barje est commercialisée au bout d'un mois, mais elle est encore meilleure trois ou
quatre mois plus tard."
Seul artisan brasseur de la région
Gérard Barbéris s'est accordé un trimestre d'élaboration avant de prendre son bâton
de démarcheur. Parmi sa première centaine de clients, la plupart lui achetaient déjà
ses fromages. "La première réaction, c'est la peur de l'inconnu. Lorsque les
restaurateurs testent ma bière, ils y prennent du plaisir, mais beaucoup ne m'en
commandent encore que pour eux. J'apprécie que la bière devienne un produit à goûter
et si cela doit commencer par les professionnels, qu'il en soit ainsi." Seul
artisan-brasseur inscrit à la chambre de métiers des Alpes-Maritimes, Gérard Barbéris
sait qu'on ne boira jamais la bière en Provence comme on la boit dans le
Nord-Pas-de-Calais mais il continue de sillonner les routes de la Côte d'Azur. "Je
pense que l'amateur actuel aime se diversifier. Cet amateur-là se trouve aussi dans le
Sud !" n
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Magzine 6 Avril 2000