Jean-Pierre Gourvest
A ceux qui osent comparer ses
Relais d'Alsace aux Tavernes de Maître Kanter, l'entreprenant Francis Morillon (64 ans)
oppose un démenti flagrant : "Mon concept diffère et sur le fond et sur la
forme. J'ai dirigé en tant que propriétaire deux Taverne (Poitiers en 1981, Niort en
1988) et pour monter mon premier Relais, je me suis inspiré de ce que je connaissais.
Mais le décor, la composition des menus, l'idée même se veulent totalement différents,
le seul vrai point commun étant celui de la disponibilité : chez moi on mange 7 jours
sur 7 et de midi à minuit, comme chez eux."
Boulimique d'activité, cet ancien torréfacteur, président du stade poitevin Volley,
s'est lancé dans la restauration avec l'aventure des Kanter par goût du risque et par
soif de challenge. L'ouverture de son premier Relais, à Chasseneuil-du-Poitou en 1995,
aux portes du Futuroscope, s'est faite comme on lance un pari. "J'avais été un
de ceux qui avaient lancé les Taverne, inventant de nouveaux produits comme le fameux
Jarret braisé. J'ai souhaité faire quelque chose de différent, en construisant une
véritable maison alsacienne, mâtinée de bistrot parisien", explique Francis
Morillon. Une tour, une terrasse, des poutres et du bois clair, du vert et du jaune, un
rayon boucherie et des menus variés sont les bases du concept qui peut se dupliquer sur
n'importe quelle surface, et qui ne craint pas les emplacements hors ville.
30 Relais en prévision
La formule paraît fort rentable, à la lecture des résultats du premier restaurant de
l'enseigne. Chasseneuil/Poitiers affiche un chiffre d'affaires 1999 de 22 MF, avec 150 000
repas servis (soit 400 par jour) et un ticket moyen de 150 F. Francis Morillon veut voir
pousser des Relais d'Alsace un peu partout en France, limitant dans un premier temps leur
nombre pour atteindre entre 25 et 30 unités. Après avoir conçu les tous premiers, il a
monté une holding avec trois autres partenaires chargés de manager l'ensemble. Poitiers,
Châteauroux, Aurillac, La Rochelle, Niort, et aujourd'hui Nantes, sont devenues en cinq
ans les autres maillons d'une chaîne en cours d'agrandissement. Le dernier établissement
en date a ouvert ses portes le 7 avril dernier à Nantes. L'entrepreneur a aussi en vue
Tours, Montauban, et pourquoi pas Bordeaux ou Toulouse ?
"En réalité, je vise surtout des villes de taille moyenne, révèle-t-il,
de 30 000 à 50 000 habitants, suffisamment importantes pour répondre aux besoins de
rentabilité d'un établissement proche des grandes brasseries parisiennes. Le chiffre
d'affaires des Relais existant est confortable, de 10 MF pour le plus modeste, à 22 MF
pour le plus grand." Cette duplication rapide va donc générer un système de
franchise, même si le patron de la marque n'exclut pas d'investir de ses propres deniers
sur certaines opportunités. Il compte passer ce qu'il nomme des "contrats de
savoir-faire" avec des candidats potentiels, leur vendant l'enseigne en imposant un
rigoureux cahier des charges et en touchant des royalties.
"Je ne m'associerai pas avec n'importe qui, précise-t-il, car je crois en
la valeur de certains hommes. Argent sur la table ou pas, je tiens compte de l'individu
qui achètera peut-être ma licence, mais qui devra ensuite continuer à travailler avec
moi."
Une image, une marque
Le premier critère d'installation des Relais pourrait être l'absence de leur
concurrent Kanter, puisque, malgré les affirmations de Francis Morillon, les deux marques
connaissent certaines ressemblances. L'argument est cependant très vite balayé par
l'inventeur qui explique : "A Poitiers, Kanter continue d'exister et de
proliférer en centre-ville. Mon Relais est à l'extérieur, sur une zone très
commerciale, celle du Futuroscope, et les deux ne se concurrencent pas. Quant à Niort,
l'Alsace a pris la place purement et simplement de la Taverne qui m'appartenait, que
j'avais vendu il y a cinq ans, et que j'ai racheté récemment."
Il est bien connu que les cigognes ont l'habitude de faire des petits : l'entrepreneur
poitevin compte bien faire comme sa mascotte et engendrer des enfants clones. Les détails
comptent beaucoup lorsque l'on veut imposer une image, notamment en restauration, et la
qualité du personnel également. A Niort, les trente-neuf salariés Kanter sont tous
restés en place, dont quinze en cuisine, managés par la directrice Catherine Dussol.
Francis Morillon part dans les provinces de l'Est chercher des éléments de décoration,
des recettes alsaciennes, des poteries, afin que chacun se reconnaisse dans ses
"maisons". *
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L'HÔTELLERIE n° 2668 Magazine 1er Juin 2000