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licence IV entreprise

Témoignage

Journal d'un café de campagne

A 36 ans, Arnaud Touraine vient de rouvrir le café de Soleines. Un hameau de la commune de Venoy (Yonne) qui compte 1 876 habitants... et plus aucun commerce. Un défi qui ne lui fait pas peur.

Tout découle d'un concours de circonstances qui débute par l'acquisition d'une maison en 1998. Le lot vendu comprend le local du café, fermé depuis. "C'était dommage, bien sûr, qu'il n'y ait même plus de café à Venoy, village déjà dépourvu de commerces, mais je ne me suis pas lancé tête baissée dans l'aventure", prévient Arnaud Touraine. Loin d'envisager de le rouvrir, il pensait plutôt alors aménager le tout en appartement. Mais les mois passent et l'entreprise pour laquelle il travaille en tant que vendeur automobile à Auxerre est rachetée. Arnaud ne s'y plaît plus et décide de partir. "Rouvrir le café me donnait l'occasion d'être à mon compte, tout en restant dans un métier de commerce et de contacts... et je prenais des risques somme toute limités, puisque propriétaire du local bénéficiant en plus d'une licence encore valide. Sans ces conditions avantageuses, me permettant de ne pas m'endetter, je n'aurais pas franchi le pas, car il était évident pour moi que je ne gagnerais pas des millions dans l'entreprise !"

Sponsoring de l'équipe locale
Arnaud Touraine commence à retaper le café le dimanche alors qu'il est encore salarié, puis s'investit à fond avec l'aide précieuse de ses amis. "J'ai pu ainsi m'en tirer pour seulement 50 000 F de travaux." Zinc en bois et en pierre, percolateur rutilant, grandes glaces derrière le comptoir... Les 85 m2 respirent la chaleur et la convivialité. Pour se faire connaître, Arnaud Touraine n'a pas lésiné : des tracts dans toutes les boîtes aux lettres du voisinage invitaient à l'ouverture officielle, le 1er octobre 1999, avec boissons et petits fours à volonté. Puis, Arnaud a investi les 3 000 F qu'il aurait pu transformer en publicité dans un journal local, dans la confection... de maillots de foot à son enseigne, offerts aux deux équipes locales. "Je ne regrette pas ! Les joueurs viennent boire un coup tous les jours de match et cette fréquentation attire d'autres clients." Bilan 4 mois après l'ouverture : la clientèle est essentiellement composée (outre des chasseurs du dimanche) de jeunes de 15 à 30 ans, notamment ceux du proche lycée agricole. Arnaud Touraine a su s'adapter à leurs attentes : le bar est riche d'un billard, d'un baby-foot, d'un jeu de fléchettes, et de plusieurs consoles vidéo louée : "Car il faut en changer souvent, sous peine de voir le public se lasser." Tout cela dans une ambiance copain-copain. "Les jeunes se sentent chez eux. C'est leur café. Ils peuvent mettre leurs cassettes dans la minichaîne et, mon passé oblige, je sais leur donner des conseils pour leurs achats de motos ou de voitures. Je mets d'ailleurs mes revues sur ces thèmes à leur disposition." Soirées karaoké, concours de billard, nuit de Halloween où les clients ont eux-mêmes décoré le café... Les occasions d'attirer le chaland sont toujours les bienvenues.

Un avenir difficile
Même si le succès est au rendez-vous, Arnaud Touraine a quelques regrets. "Je m'attendais à ce que les anciens viennent aussi se réunir ici pour des concours de belote ou simplement pour se retrouver ensemble. Mais mes initiatives n'ont pas beaucoup de succès. Les mentalités ont changé. Dans cette région viticole, chacun a ses tonneaux chez soi, et on ne se retrouve plus au café. Seulement parfois à la salle des fêtes. Les tournées d'apéro, c'est bien fini ! " Autre sujet d'amertume : l'incohérence des gens. "Lorsque j'ai ouvert, des gens me disaient qu'il serait bien que je fasse dépôt pour le quotidien local. J'ai lancé le projet et j'en recevais cinq par jour. Ensuite les habitants ne m'ont pas aidé. Certains jours je vendais les cinq numéros, et d'autres fois aucun... Alors que le livreur faisait un détour pour moi, j'ai dû arrêter rapidement. Et c'est souvent comme cela : les gens se plaignent qu'il n'y ait plus rien dans leur commune, mais ils n'encouragent pas le développement de tel ou tel service..." Aujourd'hui, 35 à 40 personnes composent le noyau dur de la clientèle du café. "Mes frais se montent à 12 000 F par mois. Je ne fais pas d'énormes bénéfices, bien évidemment, mais je ne suis pas déficitaire. Je suis donc satisfait." Pourtant, Arnaud Touraine n'envisage pas de garder son bar indéfiniment. "C'est malheureux à dire, mais je ne pourrai jamais développer mon activité ici. C'est déjà bien d'arriver à faire tourner l'affaire. Il faut que je pense à assurer l'avenir. Si je trouve l'occasion de monter quelque chose ailleurs dans quelques années, lorsque j'aurai plus d'expérience, je ne dirai pas non, même si je suis bien ici. Je suis assez pessimiste sur l'avenir des cafés de campagne en général. Car ce n'est pas rentable s'il faut investir au départ et fournir un grand nombre d'heures pour pas grand-chose." zzz24

 
Aujourd'hui, 35 à 40 personnes composent le noyau dur de la clientèle du café.


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L'HÔTELLERIE n° 2673 Magazine 6 Juillet 2000

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