Réunis au sein de l'originale association Bistrock Cafés, une vingtaine de bars rennais et bretons ont décidé de faire la grève des concerts pendant 3 mois. Cette démarche exprime un ras-le-bol face à une législation qu'ils jugent contraignante et inadaptée. Une première dans le monde des cafés- spectacles.
Olivier Marie zzz24
Pour la première fois depuis
son existence, l'Echo des Bistros, livret annonçant les diverses manifestations
culturelles organisées dans les bars de l'association rennaise Bistrock Cafés, paraît
en noir et blanc à l'image d'un avis de décès. Sur la couverture cernée de noir, un
"Stop ou encore" barre la une. On tourne la page pour lire : "Bistrock
en deuil... Bistrock se met en grève jusqu'à nouvel ordre. Une grève pour dénoncer
l'application de normes jugées trop lourdes et inadaptées. Une grève pour que vivent
ces lieux de spectacles, essentiels à la vie culturelle des cités..." Car à
Rennes, dire que les membres de Bistrock Cafés participent pleinement à l'enrichissement
culturel de la ville relève du pléonasme. "J'ai l'impression que dans d'autres
villes comme Caen ou Bordeaux, les cafés attendent de voir ce qui va se passer ici pour
réagir", explique Rodolphe Gontran, trésorier vice-président de l'association
et par ailleurs propriétaire du bar rennais L'Artiste Assoiffé. C'est juste une
impression, mais compte tenu de la notoriété de Bistrock dans le monde des cafés-
concerts, on est en droit de penser que la suite donnée ici pourrait créer un
précédant.
Bistrock Cafés, seule association en France établie par les bistrots pour défendre leur
programmation artistique, est née voici une dizaine d'années dans la rue de Saint-Malo,
à Rennes, lieu phare à l'époque des cafés-concerts et du milieu rock. "Tout
est parti d'un groupe de 7 ou 8 cafetiers qui organisaient des concerts. On a édité l'Echo
des Bistrots dans un souci d'information. Aujourd'hui, l'Echo sert également de
support à des gens qui ont des choses à dire, en dehors des spectacles, comme le RUT
(Rassemblement utile à tous, liste présentée par un patron de bar rennais lors des
municipales). Ça a connu tout de suite un certain succès", qui ne s'est jamais
démenti même si les hommes se sont succédé à la présidence de l'association,
aujourd'hui tenue par Bruno Lechevalier, propriétaire du Jardin des Plantes. Bistrock
Cafés accueille les établissements organisateurs de spectacles, essentiellement
musicaux. Le cercle des adhérents (actuellement l'adhésion à vie revient à 500 F)
s'élargit au fil des ans pour toucher des établissements dans toute la Bretagne, à
Brest, Dinan, Plérin, Saint-Brieuc, Fougères... Les chiffres parlent d'eux-mêmes,
Bistrock Cafés regroupe aujourd'hui "officiellement de 25 à 28
cafés-spectacles, mais en fait une dizaine de membres vraiment actifs", souligne
Bruno Rughoobur, patron du Sablier depuis 14 ans. Peu à peu Bistrock fait son trou et
initie maintes manifestations sur la ville. Elle est à l'origine des Bars en Trans (bars
organisant des concerts parallèlement au festival des Transmusicales), du festival des
Bar'baries de chansons françaises... Depuis 6 ans, Bistrock Cafés a accueilli quelque
850 000 spectateurs lors de 9 700 concerts pour une représentation globale de 29 000
artistes. Professionnels dans l'âme, les responsables de l'association se dotent même
d'une charte de qualité visant au respect des musiciens "créée il y a dix ans
pour donner un minimum social de 1 000 F par groupe. Elle concerne aujourd'hui l'accueil
des groupes, leur hébergement, leur repas chaud, le respect du voisinage... Dans
l'ensemble il n'y a pas eu de problèmes de voisinage".
Les patrons de bars rennais n'entendent pas aujourd'hui voir leur élan coupé par une
législation contraignante et réagissent. Leurs revendications s'expriment à divers
niveaux en commençant par "la visite de la commission de sécurité dans nos
bars". Ce n'est pas tant le rôle de la commission de sécurité en elle-même
qu'ils contestent, mais la manière dont la visite s'est opérée.
Une démarche légale
"Au sein de l'association Bistrock, nous avons demandé, il y a trois ans, des
licences de spectacles (qui les placent de fait dans la catégorie de salles de 50 à 400
places) pour l'ensemble de nos établissements, explique Bruno Rughoobur. Cette
démarche visait plus la légalité, pour que nous puissions payer les artistes avec un
chèque. Il y avait une facture, donc une traçabilité. Nous voulions adhérer aux
caisses d'intermittence pour pouvoir les rémunérer." En fait, cette démarche,
louable en soit, déclenche la visite de la commission de sécurité dans les bars
concernés. "A l'issue de cette visite, on nous a demandé de faire des travaux
comparables à des salles de 400 places ! C'est inadmissible. Chez nous on accueille 100
à 150 personnes maximum. Que les normes soient appropriées à la capacité de nos
établissements !" Outre ces visites, les bars rennais doivent se conformer
depuis décembre à la loi des 105 décibels. "Ici, au Sablier, j'en ai pour 250
000 F pour isoler le tout, alors que jamais personne ne s'est plaint, là encore on peut
s'interroger sur la pertinence des lois !" Et le propriétaire du Sablier de
poursuivre : "Se mettre aux normes et effectuer des travaux d'accord. Mais alors
que l'on nous accorde des mesures financières pour appliquer cette loi. Aujourd'hui il
existe des aides pour tout le monde, les agriculteurs, etc. Pourquoi pas nous ?" Et
Rodolphe Gontran de renchérir : "Rien que pour effectuer le contrôle, il nous en
coûte 7 000 F."
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L'HÔTELLERIE n° 2673 Magazine 6 Juillet 2000