Fermé depuis le 18 mars 1999 pour travaux, le palace parisien de la rue de Rivoli accueille à nouveau depuis le 3 juillet tous les grands de ce monde. Visite détaillée d'un établissement au charme époustouflant.
Claire Cosson zzz40r
La mosaïque de l'entrée principale, rue de Rivoli, composée de deux lévriers,
emblème du palace parisien.
Dans les couloirs
du Meurice, les femmes de chambre, baluchons de linge de toilette sur l'épaule, se
hâtent, mais hésitent parfois encore, cherchant leurs marques. "Il n'y a rien à
faire ! Je n'arrive pas à me mettre dans la tête que la 225 se trouve juste à ma droite
et non à gauche", lance l'une d'entre elles, le sourire aux lèvres, à la
gouvernante d'étages. Pas facile après plus d'un an d'absence de reprendre en effet
possession des lieux. D'autant que le palace parisien, racheté à l'Agha Khan en 1996 par
le groupe britannique Dorchester (dont la Brunei Investment Agency est l'un des principaux
actionnaires), affiche aujourd'hui un tout nouveau visage.
Sous les baguettes de Jean-Loup Roubert, grand prix de Rome, et de Nicolas Papamiltiades,
l'hôtel créé en 1817 par Auguste Meurice (maître de poste à Calais) revêt
effectivement des habits neufs. Habits, toutefois, bien différents des tenues
excentriques portées par Salvador Dali, qui établit, ici, son pied-à-terre un mois par
an, maculant les murs de taches de peinture tandis que ses guépards apprivoisés se
faisaient les griffes sur la moquette. A la modernité de ce visionnaire pictural, le
Meurice a consacré, évidemment, une large place aux technologies du futur, déroulant
des kilomètres de fils, afin d'offrir à ses clients la télévision par câble et par
satellite, deux lignes de téléphone avec boîte vocale, une ligne directe, un accès
Internet... Sans oublier la climatisation individuelle, le silence et l'espace, le nombre
de chambres ayant été réduit de 180 à 160.
Ampleur des volumes
Pour ce qui est du style et de l'ambiance, l'établissement a préféré, en revanche,
miser sur l'authenticité de ses décors. "Le souhait des propriétaires était de
rendre à cet édifice tout son charme originel", explique Dominique Borri,
directeur général du palace. Autrement dit, architectes, décorateurs d'intérieur,
ébénistes, doreurs, tapissiers, peintres et mosaïstes (plus de 400 ouvriers au total)
ont tous oeuvré en un sens unique : redonner au palace "l'ampleur de ses volumes
d'antan, l'éclat de ses décors historiques et la lumière du jour".
Un chantier pharaonique qui ne fut pas une mince affaire et dont le budget demeure
d'ailleurs toujours secret. Et pour cause ! A force de rénovations successives (de 1905
à 1907, puis de 1950 à 1960), l'hôtel Meurice avait quasiment perdu ses plus beaux
apparats. A commencer par une vaste verrière de fer forgé, agrémentée de motifs en
forme d'écailles de poisson, cachée par un faux plafond en staff. "Grâce à
l'utilisation de nouveaux vitrages en verre feuilleté, le jardin d'hiver (autrefois
dénommé salon des Quatre Saisons) a désormais renoué avec le passé retrouvant la
lumière", précise le directeur.
Dans un esprit identique, le salon Fontainebleau, jadis salon de lecture, s'est désormais
paré de trois fresques de Lavalley représentant des fêtes champêtres au dit château,
tout en se changeant en un véritable bar aux allures de fumoir anglais élégant.
Pilastre de marbre
Autre transformation exemplaire au rez-de-chaussée, la nouvelle entrée principale. Avec
quelque 74 fenêtres donnant sur les Jardins des Tuileries, le Meurice se devait
d'accueillir ses hôtes, non plus du côté de la rue Mont-Thabor, mais bel et bien rue de
Rivoli. C'est maintenant chose faite ! Ce, d'autant mieux que l'on franchit les splendides
portes tambour de la bâtisse après avoir admiré au sol une magnifique mosaïque
rappelant l'emblème de la grande maison parisienne : le lévrier.
Au cur du restaurant, ponctué de pilastres de marbre et de miroirs anciens, des
artisans venus d'Italie ont fait preuve de tout leur talent pour redorer bronze, moulures,
boiseries, lustres de cristal... "70 % des éléments du mobilier ont en effet
été conservés, et restaurés par des artisans maîtres compagnons", confie
Dominique Borri. Et d'ajouter, "le 18 mars 1999, l'hôtel a été entièrement
vidé. Il n'y avait plus rien sur place excepté les murs porteurs".
Reste qu'en accédant aux étages supérieurs, on est encore et toujours sous le charme
des lieux. Trente décors comprenant plus de 170 références de tissus différencient
ainsi les 160 chambres. De style fin Louis XVI et Empire selon les expositions, ces
dernières regorgent de détails subtils (ferronnerie, passementerie, meubles...) avec
notamment des salles de bains en marbre de Carrare à vous faire crever d'envie.
360° sur tout Paris
Mais, le clou du spectacle se situe cependant sur le toit du bâtiment. Après maintes
démarches administratives, les architectes sont parvenus à créer une suite
exceptionnelle (baptisée Royale) de 275 m2, donnant sur une terrasse de plain-pied de 250
m2, agrémentée d'arbres et de mobilier en teck. La vue y est imprenable, puisque
panoramique à 360° sur tout Paris (tour Eiffel, Sacré-Cur, Arc de Triomphe,
Jardins des Tuileries...).
De quoi enfin se sentir véritablement en plein cur de la plus belle ville du monde.
D'ailleurs, contrairement à la tendance actuelle parisienne, qui consiste à réaliser
des hôtels "tarte à la crème" pour appâter la clientèle à fort pouvoir
d'achat, tels les Américains, le Meurice, lui, a choisi de jouer à fond la carte de la
capitale. "Nous voulions en effet que nos clients se sentent à Paris et non chez
eux !", déclare la direction.
Devant un tel spectacle, il est réellement impossible d'imaginer être ailleurs. D'autant
que les habitués vont également très vite reconnaître des visages qui leur sont
familiers. Sur les 180 membres du personnel composant l'ancienne équipe, environ 150 sont
de retour. Un effectif qui sera du reste prochainement augmenté afin de renforcer la
qualité des prestations. Le luxe c'est aussi et avant tout le service.
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Exemples de tarifs- Chambre individuelle : |
Après plus d'un an de fermeture, le challenge du restaurant étoilé
Le Meurice n'est pas mince. Avant les travaux, seulement 2 % des clients du restaurant au
déjeuner résidaient à l'hôtel, contre 6 % pour le dîner. Il s'agit donc de faire
revenir de façon durable les anciens habitués du restaurant gastronomique et de séduire
une nouvelle clientèle avec une offre plus informelle. Accessibles par la nouvelle
entrée sur la rue de Rivoli, le nouveau jardin d'hiver et le bar réaménagé constituent
le fer de lance de cette nouvelle politique commerciale. "Il s'agit de tenter les
promeneurs à faire une pause avec un ticket d'entrée allégé planché à 60 francs pour
une salade", explique le chef Marc Marchand. Dans le jardin d'hiver, un espace
disparu depuis les années 70 et complètement recréé à la place d'une ancienne salle
de réunion, la carte est beaucoup moins formelle : elle propose, par exemple, des
légumes cuisinés, des tartines basques au thon à l'huile d'olive sur du pain bio, une
soupe de melon, une salade de homard. Même chose au bar Fontainebleau où il est possible
de "grignoter" des assiettes de canapés.
Pour le restaurant gastronomique, la carte a été complètement revue. Elle propose un
choix de 8 entrées,
5 poissons, 6 viandes et 8 desserts pour un prix oscillant entre 360 francs (entrée plat
dessert au déjeuner) et 900 francs (menu dégustation extrait de la carte :
2 entrées, 2 poissons, 2 viandes et dessert) avec un menu de saison intermédiaire.
"Les recettes ont changé, mais l'esprit est le même", précise Marc
Marchand toujours entouré de son sommelier Antoine Zocchetto, de son chef pâtissier
James Berthier et de son second de cuisine Jérôme Videau. A leurs côtés : une équipe,
renouvelée à 90 %, d'une trentaine de personnes en cuisine et pâtisserie ainsi que deux
brigades en salle. "Nous devons pouvoir satisfaire la clientèle qui sera
certainement curieuse et surtout éviter les inconvénients du rodage. Je crois qu'une
réouverture, c'est plus compliqué qu'une ouverture. Il faut que le succès soit là tout
de suite", affirme encore Marc Marchand.
Lydie Anastassion
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L'HÔTELLERIE n° 2673 Magazine 6 Juillet 2000