Peut-on tout oser sur un cigare ? A l'initiative de Bernard Magrez, président de William Pitters et de Château Pape-Clément, des amateurs de volutes ont évoqué le mariage insensé des cigares et des vins. Commentaires sur le vif.
Sylvie Soubes
C'est dommage de marier les cigares aux vins rouges. Le cigare assèche le vin, les tannins deviennent durs. Cet accord abîme, voire dénature le vin, et inversement, le vin rouge déforme le goût du cigare. L'accord se révèle souvent plus heureux avec les blancs, un grand moelleux en particulier. J'aime les cigares qui ont un certain volume pour que la fumée en bouche ait une certaine densité. Il leur faut en face des vins qui ont au moins la force, le volume et la complexité du liquoreux, dont le sucre, de surcroît, résiste à l'effet asséchant du cigare. De toute façon, comme en gastronomie, c'est l'envie qui compte. Le plus important est de la satisfaire, que ce soit pour un plat, un vin ou un cigare.
Même si, par tempérament, le cigare est un célibataire, il peut former un magnifique duo avec le porto. De belles rencontres se nouent aussi avec de grands bordeaux et bourgognes, les vins doux naturels (banyuls, rivesaltes et maurys) dont les notes de rancios, en particulier dans les vieux crus, évoquent le caractère épicé du tabac, des madères, des madirans, de vieilles eaux-de-vie de cognac et d'armagnac.
Nous sommes en présence de deux produits naturels et fermentés. Le havane et le bordeaux, c'est exactement la même chose. Un terroir unique, le génie de l'assemblage. S'ils présentent de belles origines et factures, l'harmonie est possible. Par ailleurs, le havane est un bon révélateur pour les vins : il gomme les sucres du vin, extermine le fruit, mais ne détruit pas la structure. C'est l'épreuve de la vérité pour un vin qui triche.
Le cigare se marie, à mon avis, avec certains vins de qualité. Il accompagne bien ensuite le café, mais j'évite les eaux-de-vie. Je préfère les vieux banyuls, maurys ou portos, d'au moins dix ou vingt ans.
Un millésime ancien de champagne, à la fois charpenté et bien arrondi, avec des notes de brioche. Quelle volupté quand on l'accompagne d'un cigare pas trop entêtant !
Au Plaza Athénée, quelques amateurs de volutes réunis autour du mariage vins et
cigares.
Les interviewés-Alain Senderens, restaurant Lucas Carton, Paris. Cigares et vins testés- Première association : deux Pape-Clément blancs (millésimes 1996 et
1999), dont "l'état et la complexité aromatique, le léger goût de fumée,
l'attaque puissante et moelleuse" se sont accordés avec un Signoritas du
Nicaragua. |
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L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000