Non loin de la voie rapide, dans un quartier central mais peu touristique, Ernest Pohl a réussi à s'imposer avec ses bières maison et sa cuisine à la bière. En plein Midi, il lance une version provençale de la cervoise.
Ernest Pohl a déjà mis au point quelque 300 recettes de bière...
Ce qu'a entendu
régulièrement Ernest Pohl lorsqu'il décidait de lancer le premier pub niçois était :
"Mais tu es fada, mon pau-
vre, ici on ne boit que du pastis !" Pourtant, La Cervoiserie existe depuis 20
ans et fonctionne bien, notamment grâce à sa pico-brasserie sur site. Rapidement,
l'établissement trouve sa clientèle. Des habitués qui viennent pour voir 'l'usine',
comme ils disent, mais aussi pour être parmi les premiers à goûter aux nouveautés.
L'appareillage en inox occupe toute la longueur du comptoir.
En 10 jours, elle produit une bière non pasteurisée, aux levures vivantes qui ne
satisfont pas systématiquement le patron. Dans ce cas, on le voit se pencher à nouveau
sur les proportions et les accords parmi les arômes choisis, et relancer l'opération
tant qu'il n'obtient pas 'en bouche' l'émotion espérée. "Cela fait partie du
jeu, reconnaît Ernest Pohl. Il faut tester et être confiant dans une qualité
pour ensuite pouvoir l'assortir à quelques plats. Une saveur ne peut pas plaire à tout
le monde, surtout quand elle se veut hors des sentiers battus, mais sa personnalité doit
être reconnue." Parallèlement à 80 marques de bières en bouteille, Ernest
Pohl a déjà mis au point quelque 300 compositions différentes depuis 1995. Il en
produit 4 000 par an, fabriquées par 60 litres. Avec une vente constante hiver comme
été, le patron doit 20 % de son chiffre d'affaires à la bière. La Cervoiserie ne subit
pratiquement aucune saisonnalité... L'équipe de quatre personnes, patron compris, sert
une quarantaine de couverts en saison froide et légèrement plus d'une trentaine en
été. D'un chiffre d'affaires de 600 000 F en 1990, passé à 700 000 F cinq ans plus
tard, La Cervoiserie atteint 900 000 F aujourd'hui. Le secret de ce succès, des
nouveautés en permanence.
Depuis deux ans, les saveurs provençales font fort. Dans les produits cosmétiques, dans les desserts... mais en termes de bières, c'était risqué ! Parrainé par Louis Nucéra, écrivain régional de renommée internationale, récemment disparu, le cru fermenté au basilic fait un tabac. De la même manière que la bière à la farine de pois chiche (à 18 F) accompagne parfaitement la socca (galette locale à base de farine de pois chiche cuite sur plaque à l'huile d'olive), celle à la sariette se marie avec le lapin à la crème d'ail (60 F), celle au genièvre avec l'émincé de buf... C'est bien entendu le patron qui conseille chaque table. La carte traditionnelle reste toujours prisée, allant de pair avec les plats conventionnels. "Certains clients n'ont même pas envie d'innover. Je les connais et je ne les force pas", explique le patron. C'est ainsi qu'à 60 F, la Queue de buf à la Chimay ou le Sauté de veau à la Westmalle décrochent toujours les meilleurs suffrages, après la choucroute garniture alsacienne (75 F), et aussi, en version estivale, le saumon fumé (70 F). A force d'innovations, Ernest Pohl assure son avenir et la percée de la cervoise dans une région où rien ne la prédestinait.
En chiffres Chiffre d'affaires 900 000 F |
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L'HÔTELLERIE n° 2690 Magazine 02 Novembre 2000
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