Un restaurant médiéval installé dans une église a ouvert à Angers. Ce nouveau concept qui va peut-être se développer ailleurs en France repose sur trois idées : L'Anjou, la fouace (spécialité culinaire) et le Moyen-Age. La première Auberge Angevine est tout simplement grandiose.
Olivier Marie zzz22v
Lorsque l'on pousse la porte
d'entrée, on reste bouche bée. Estomaqué par la beauté du site qui se dessine devant
nos yeux. Où sommes-nous ? Dans une chapelle de style gothique élevée au cur
d'Angers en 1874. Etendards, tentures, vitraux, voûtes, portes cintrées, frises finement
sculptées... Déconsacré en 1963, cet ancien lieu saint accueille désormais un
restaurant, l'Auberge Angevine. On a peine à le croire. Lorsque l'idée de créer un
restaurant médiéval à Angers lui vient à l'esprit, Martine Vandangeon n'imagine pas
non plus une seconde qu'elle pourra finaliser son concept dans un site aussi majestueux.
La chapelle est en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Un gâteau alléchant car
depuis son ouverture en décembre dernier, l'Auberge Angevine ne désemplit pas. Le
succès semble bel et bien au rendez-vous, au plus grand plaisir de sa conceptrice et de
son associé, Jacques Audiau, restaurateur à Saint-Lambert-du-Lattay.
Ce restaurant prend vie grâce à l'association de trois idées : une région, l'Anjou,
une spécialité culinaire, la fouace, et une époque, le Moyen-Age. En trois mots se
dessine le concept de l'Auberge Angevine. "Depuis deux ans, je vendais avec mon
mari des fouaces lors d'une fête de notre village, se souvient Martine Vandangeon. Les
gens se bousculaient pour les acheter ." Une réussite, qui met la puce à
l'oreille de cette passionnée de Moyen-Age. La fouace, petit pain cuit au four qui, une
fois incisé, devient le support de diverses préparations culinaires, connaît un large
succès dans les campagnes angevines et notamment dans les troglodytes, site touristique
par excellence. "Je me suis dit, pourquoi ne pas développer cette idée en ville,
en l'associant à l'esprit moyenâgeux ? Cette époque a le vent en poupe et avec la
fouace nous tenons un superbe support gastronomique", témoigne Martine
Vandangeon. "Le Moyen-Age nous permet par ailleurs d'exploiter au maximum la carte
de la restauration à thème qui connaît un succès grandissant. Aujourd'hui les gens
viennent pour la cuisine mais également pour se divertir." L'idée est née.
Martine Vandangeon fait alors appel à Jacques Audiau, propriétaire de l'auberge Le
Bignon à Saint-Lambert. "Au départ, reconnaît ce dernier, je n'étais
pas très chaud. Et puis au fil du temps je lui ai dit d'accord pour un coup de main, mais
sans en prendre la gestion", qui sera confiée à Sébastien Joulain. Les deux
associés visitent alors divers endroits sur Angers pour concrétiser leur projet. "Il
nous fallait un restaurant d'environ 200 m2 sur deux niveaux afin que l'ensemble des
clients puisse profiter des animations prévues", explique Jacques Audiau. "Nous
avons visité une maison avec un patio. Idéal. Mais lorsque nous sommes tombés sur la
chapelle, elle s'est imposée d'elle-même. J'ai tout de suite imaginé les cuisines, la
salle etc. Tout était très pratique."
L'ancienne chapelle des servantes du Saint-Sacrement accueillait jusqu'alors un magasin
de vêtements. Cinq semaines de travaux plus tard (ajout d'une mezzanine, d'une
cheminée-four colossalle, de deux escaliers latéraux, réfection du plancher, des
éclairages...), elle se transforme en restaurant. Le coût global de l'opération se
monte à 3 MF. L'agencement et la décoration des lieux doit coller au concept et à
l'époque 1450-1500. L'architecte rennais, Dominique Charron, s'est mis au travail. "Nous
avons respecté l'édifice dans nos aménagements afin de préserver son
authenticité", précisent les initiateurs du projet. Le four devant accueillir
les fouaces s'établit au centre même de la salle dans une immense cheminée. "Les
gens peuvent, de fait, observer la cuisson et discuter avec le chef." Pour le
mobilier, les associés font appel à des entreprises de la région. "Nous
souhaitions rester puristes par rapport à l'époque." Les assiettes sont en
grès, les tables en bois avec croisillons, l'éclairage se fait aux bougies, les calices
et les couverts sont en étain. A ce propos, les couteaux ont été spécialement
dessinés. "Nous avons d'abord acheté de grosses lames que nous avons ensuite
adaptées à des manches faits sur mesure, avec une petite boule au bout, comme à
l'époque." Martine Vandangeon s'inspire de livres, de bandes dessinées... Mais
comme chacun le sait, il faut adapter un minimum au goût du jour. Pour les costumes des
serveurs par exemple (fabriqués par une couturière angevine), "les femmes
portaient à l'époque des bonnets. Mais après essai, nous nous sommes rendu compte que
cela n'était pas très seyant. Nous les avons donc enlevés."
Le service est assuré par une dizaine de jeunes personnes, "un équivalent de 9
temps complets. Au départ, nous avions pris des étudiants, mais là nous allons faire
appel à des professionnels en salle". Chacun est costumé et se donne un nom à
consonance médiévale, comme Jeanne ou Enguerran. Tous prennent par ailleurs le pli en
déclamant notamment leurs phrases en vieux français. La cuisine quant à elle, autre
pilier du concept, se fait donc à base de fouaces cuites devant le client. "Nous
passons jusqu'à 1 400 fouaces dans les bons services", signale Fabien Lhommeau,
le chef de l'Auberge Angevine. Elaborées à base de farine de froment broyée à la meule
de pierre et de levure de boulanger, les fouaces mettent quelques minutes à cuire dans le
four à 350 °C. Elles sont ensuite servies sur tables et garnies par les clients de poule
persillée aux épices, d'agneau au miel et aux amandes, de riz au safran, de venaison de
cerf, de porc aux poireaux... au choix selon le menu. Les cuisiniers s'inspirent du
Mesnagier de Paris, de Taillevent et autres écrits gastronomiques du Moyen-Age. "En
cuisine, nous avons les mises en place à réaliser ou le mijotage lorsqu'il y en a. Les
plats nécessitent de 2 à 21 heures de cuisson pour certains", selon Fabien
Lhommeau. Tous les produits sont frais et proviennent, pour certains d'entre eux, de
petits producteurs du coin, comme le fromage de chèvre. "Vous ne trouverez jamais
en cuisine un congélateur, un micro-ondes ou des fonds en boîte, d'après Fabien
Lhommeau. Nous faisons nos fonds tous les jours." Pour autant là aussi, il a
fallu composer avec les goûts contemporains. "Au Moyen-Age, ils multipliaient les
saveurs, forçaient sur les épices... Nous essayons de ne travailler qu'une épice par
produit pour coller au goût des clients. Nous allons essayer d'affiner également le
visuel du produit." Pour les vins, le client n'a pas franchement l'embarras du
choix car l'Auberge Angevine a choisi de ne proposer que des vins de la région. Du
coteaux du layon au quart de chaume, en passant par l'anjou, le saumur... "Produits
locaux, vins locaux, nous devons être une vitrine pour la région. L'Auberge Angevine est
l'ambassadrice de l'Anjou", précise Martine Vandangeon. Les menus débutent à
38 F pour la formule du midi, 60 F, 138 F et le menu unique du week-end, 163 F. En
semaine, le prix moyen du couvert atteint les 120 F pour monter à 150 F le week-end. "Le
midi nous pouvons renouveler le service, mais pas le soir. Nous tablons sur environ 200
couverts par jours", commente Jacques Audiau. Il ne s'agit pas en effet de
brusquer une clientèle venue ici pour s'attarder, déguster les mets et surtout profiter
du spectacle. "L'animation fait partie intégrante du concept, elle est
systématique le soir", déclarent Martine Vandangeon et Jacques Audiau. Au
programme, cracheurs de feu, jongleurs, magiciens, chanteurs mais également montreur
d'ours, combats etc. Le tout assuré par une compagnie locale.
Les initiateurs du concept accueillent par ailleurs une clientèle très large. "Au
départ nous avons hésité. Rester très puristes et opter pour une clientèle élitiste
ou ratisser large, ce que nous avons choisi." Groupes d'étudiants, clientèle
familiale, d'affaires... toutes les clientèles se retrouvent à l'Auberge Angevine. "Nous
développons par ailleurs la clientèle touristique avec les autocaristes. Nous essayons
de travailler avec l'office de tourisme, le CDT. Nous accueillons aussi des classes
patrimoine sur le Moyen-Age tous les mercredis."
Reste que ce concept demeure étroitement lié à la région angevine. Peut-il s'exporter
? Les responsables ne l'excluent nullement, au contraire. "Le concept est
dupliquable. Pour l'instant nous le peaufinons ici, ensuite on verra. Le nom reste bien
sûr lié à l'Anjou. Mais je suis assez d'accord avec l'idée que le concept va nourrir
le nom", souligne Martine Vandangeon. "Si nous le dupliquons, ce sera
sûrement dans des villes médiévales ou des villes ayant un rapport avec le Roy
René", renchérit Jacques Audiau. Bien étudié, ce concept peut être
intéressant, même dans un site moins prestigieux. Nous ne trouverons pas
systématiquement des chapelles, mais des maisons avec patios, des cours intérieures,
c'est possible." A Angers, les objectifs ont été fixés à un chiffre
d'affaires de 4 MF.
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L'HÔTELLERIE n° 2690 Magazine 02 Novembre 2000